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Gaulois in, migrants out : le credo identitaire de Laurent Wauquiez

« Je suis agrégé d’Histoire, je suis normalien. Ma spécialité, c’est l’histoire ».

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Laurent Wauquiez à l'Ecole centrale de Lyon, juillet 2016. Crédits : SS/Rue89Lyon.

La déclaration est d’autant plus notable que Laurent Wauquiez est rarement aussi prompt à dérouler son CV, tant il aimerait faire oublier qu’il est lui aussi issu de cette « élite » politicienne sur laquelle il aime taper. Mais, sur ce coup-là, il s’agissait pour le président par interim des Républicains d’amender les déclarations de Nicolas Sarkozy, difficilement tenables d’un point de vue historique.

Sur le plateau d’I-Télé, face à Laurence Ferrari (vidéo ci-après), il s’est réjoui de la recommandation du candidat aux primaires de la droite : « au moment où vous devenez français, vos ancêtres sont les gaulois ». Laurent Wauquiez estimant même « que c’est exactement le débat dont on a besoin ».

La journaliste lui a rappelé que nombre d’historiens ont tenu à rectifier cette affirmation et l’image déformée de la France qui en découle. Dans ce sens, Suzanne Citron, historienne et auteure de l’essai « Le Mythe national, l’histoire de la France revisitée », avait déjà donné une très intéressante et plutôt détaillée explication de texte sur les origines de la Gaule, qu’elle avait ainsi conclue :

« C’est le plus grave, l’idée d’une souche gauloise ethnicise fantasmatiquement la ‘véritable’ nation et nie la diversité raciale et culturelle qui a constamment accompagné la création historique de la France.

Le royaume en son commencement du XIIIe siècle juxtapose des pays aux parlers et coutumes différentes. Les Antilles esclavagistes du XVIIe siècle ajoutent un nouveau volet à cette histoire. L’histoire de la France ‘Gaule’ et d’un peuple français d’origine ‘gauloise’ fabriquée au XIXe siècle correspond à la vision des fondateurs de la République et garantit à leurs yeux l’unité et l’indivisibilité nationale. »

« Le roitelet d’une province Auvergne-Rhône-Alpes »

Laurent Wauquiez n’est pas loin d’être d’accord avec l’historienne. Mais c’est justement à cette vision tronquée qu’il demande que tous souscrivent, sans plus de réflexion :

« Tous ces gens-là feignent de ne pas comprendre. On ne fait pas référence à nos ancêtres les gaulois au IIe siècle avant Jésus-Christ. On fait référence à ce qui était l’idée de l’assimilation sous la Troisième République. »

Le roman national qui dit que le gaulois est l’ancêtre des français est une fiction fantasmagorique, mais le chef de parti l’invoque malgré tout, lui qui a pourtant pris la peine de se présenter en avant-propos comme un historien et scientifique. Il ne s’arrête pas là car ce n’est pas tout de se définir, il faut aussi veiller à ce que cette définition ne soit pas attaquée par un danger sournois :

« On a une partie des familles venant de l’étranger qui non seulement ne veulent plus s’intégrer en France mais viennent pour demander à la France de changer et de s’adapter à ce qui est leur propre comportement ».

Et Laurent Wauquiez en rajoute une couche :

« Je préfère qu’on apprenne aux enfants ce qu’est la France, car je considère que la diversité nous grignote déjà beaucoup trop ».

Tout est rassemblé (peur de l’étranger, évocation d’un éventuel « grand remplacement » au moins culturel s’il n’est pas démographique), dans une intervention télévisée de quelques minutes. Et cela, quelques jours après avoir tenu le micro en tant que président de Région pour signifier son refus ferme d’accueillir sur le territoire d’Auvergne-Rhône-Alpes les migrants de la Jungle de Calais démantelée. Même si la question ne relève pas de sa compétence.

« Alors pourquoi le gouvernement a-t-il une vision régionale de son plan de répartition (des migrants, ndlr) ? », a-t-il demandé pour justifier une intervention débordant de sa qualité de président de Région. Parce que le découpage régional est l’une des façons d’appréhender le territoire français, sans pour autant que les présidents des conseils régionaux soient systématiquement concernés.

Dans son opposition, on a ri (jaune) en se demandant si Laurent Wauquiez se prenait pour le « roitelet d’une province Auvergne-Rhône-Alpes ». D’autres se sont carrément fâchés, à gauche comme à droite.

En collants Renaissance, au Puy-en-Velay

 

Laurent Wauquiez a ainsi brandi en conférence de presse, à Lyon, la menace d’une foule d’étrangers prêts à déranger les petites vies tranquilles de villageois. Il s’est donc aussitôt présenté comme le seul élu apte à les en protéger, assurant pouvoir apporter une aide juridique à tout maire souhaitant ne pas recevoir de migrants sur sa commune.

Un représentant local de l’association Anticor estime que la proposition est illégale, et en profite dans sa tribune pour exhorter les élus (de centre droit ou de la droite dite modérée) de la majorité régionale à s’inscrire en faux contre la posture de leur président.

Laurent Wauquiez se sent pourtant très investi, car c’est à lui qu’une quantité folle d’édiles municipaux en détresse auraient passé des coups de téléphone. A l’inverse, plusieurs maires en France ont signé un appel dans lequel ils se disent solidaires de Calais. A voir aussi, la carte des communes volontaires pour accueillir les migrants.

Dans le marasme d’une campagne électorale qui ne dit pas encore son nom, les représentants de la ligne la plus radicale du parti Les Républicains que sont Laurent Wauquiez et Nicolas Sarkozy ont de toute évidence choisi de ne plus laisser une feuille se glisser entre leur propos et celui du Front national.

Le président par interim du parti Les Républicains joue ainsi sur tous les fronts. Il n’allait sûrement pas manquer l’occasion offerte par le dossier Calais (lire à ce sujet « Les intox de Laurent Wauquiez sur la répartition des migrants de Calais ») pour dérouler un discours politique qui n’entre pas exactement dans le cadre de son action d’élu régional.

Parfois, c’est aussi malgré lui qu’il parvient à occuper l’espace médiatique. Cet historien diplômé a paradé dans les rues de la commune dont il a été maire, le Puy-en-Velay, dans une tenue 16e (siècle, pas arrondissement) du meilleur effet.

Une photo qui est ressortie ce week-end sur les réseaux sociaux, qui pourrait être légendée « comment montrer la façon dont un français peut honorer l’histoire de son pays », sans doute. Cela a fait pouffer de rire Twitter.


#Laurent Wauquiez

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