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Le site Le Corbusier à Firminy inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO

Passionnant parcours au cœur de l’architecture du XXe siècle, le site Le Corbusier de Firminy, le plus important d’Europe du maître franco-suisse, vient tout juste d’être inscrit au Patrimoine mondial de l’UNESCO avec seize autres réalisations. Description des enjeux que revêtait cette candidature.

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L'église St Pierre, Le Corbusier © DR

Firminy se range désormais aux côtés de Rome, Grenade, New York ou Jérusalem dans la liste des villes abritant un site culturel classé au Patrimoine mondial de l’UNESCO. En Rhône-Alpes, la cité rejoint le site historique de Lyon, la Grotte Chauvet (et le Puy-en-Velay, compris dans le Chemin de Saint-Jacques-de Compostelle).

Le sort en a été décidé à Istanbul, lors de la 40e session du Comité de cette prestigieuse émanation de l’ONU.

Retoqué en 2011, le dossier avait de très fortes chances d’être accepté. Si, comme la première fois, Firminy ne se présentait pas seule devant les jurés, elle a su s’entourer d’un allié de choc : la ville de Chandigarh qui abrite la plus grande étendue réalisée au monde par Le Corbusier.

Et, comme le relève Marc Petit, maire communiste de Firminy :

« Puisque l’UNESCO considère qu’aujourd’hui trop de biens culturels sont situés dans les pays occidentaux, la venue de l’Inde est un atout de taille ».

Jusque-là, cette ville se heurtait au gouvernement indien craignant les règles strictes de protection que nécessitent les ouvrages classés.

Autre avancée : un ambassadeur de France à l’UNESCO très impliqué, même si récemment nommé, contrairement à Rama Yade qui était en poste en 2011, qui ne fut d’aucun soutien.

Enfin, un travail sérieux a été fait avec les sept pays concernés attestant que chaque édifice respecte à 100% les attributs de la « valeur universelle exceptionnelle ».

Marc Petit qui pilote ce projet comprenant dix-sept sites répartis sur sept nations (France, Suisse, Allemagne, Belgique, Inde, Japon, Argentine) s’était déclaré « confiant, parfois très confiant mais prudent. »

Transformer l’image du pays stéphanois

Accéder à ce Graal, le plus important label international en matière de patrimoine, permet au site de Firminy d’être reconnu à sa juste valeur.

En 2015, 25 000 visiteurs avaient eu la curiosité de découvrir ce lieu aux cinq bâtiments, quand la seule chapelle de Ronchamp (en Haute-Saône) du même Le Corbusier attire 90 000 personnes par an.

L’inscription à l’UNESCO devrait faire grimper la fréquentation de 30% environ si l’on se réfère aux répercussions sur les autres monuments classés et bénéficierait à tout le secteur du tourisme de la métropole de Saint-Étienne.

Au-delà ce cet aspect économique, c’est aussi une valeur ajoutée en termes d’image qui pourrait impacter plus largement sur la métropole stéphanoise et le département de la Loire encore rattachés, dans l’imaginaire collectif, au travail minier.

Le Corbusier et le maire Eugène Claudius-Petit avaient d’ailleurs anticipé cette nécessité de revalorisation en nommant ce quartier nouveau Firminy-Vert en réaction à la noirceur de cette vallée charbonneuse et sidérurgique.

C’est précisément pour les travailleurs de ce secteur-ci et pour faire face à la croissance démographique engendreant de nombreux bidonvilles qu’en 1954 l’édile, également ministre de la Reconstruction et du logement, fait appel au célèbre architecte. Les deux hommes se connaissent depuis les années 1920 quand Claudius-Petit était professeur de dessin industriel.

Une vision politique progressiste

En 1933, Le Corbusier avait théorisé dans l’historique charte d’Athènes qu’à 12% de bâtis devaient correspondre 88% d’espaces verts et que la ville devait répondre à quatre fonctions : habiter, travailler, cultiver le corps et l’esprit, circuler.

C’est ainsi que son unité d’habitation (dont il posera la première pierre trois mois avant de mourir en 1965) comprend comme celles de Rézé-les-Nantes et de Berlin, un toit-terrasse, une école au dernier étage, de larges couloirs conçus comme des rues intérieures et un espace de circulation au sol — le bâtiment étant construit sur pilotis à cet effet.

Équipés d’une chambre parentale, d’une autre pour les enfants (avec portes coulissantes), de salles de bain avec baignoire et d’une orientation est/ouest, ces duplex signent l’accession au confort moderne pour les classes modestes. 414 logements sont livrés (les deux autres tours prévues ne verront pas le jour).

Au-delà du geste architectural, ce type de construction est la matérialisation d’une vision politique progressiste.

Give me five

Ce n’est pas cette barre qui est officiellement classée à l’UNESCO (ni la piscine réalisée selon ses plans par son disciple André Wogenscky) : cet honneur revient à la Cité radieuse marseillaise, la première chronologiquement, prototype et modèle des unités d’habitation édifiées par l’architecte.

Bien sûr, elle sera un lieu incontournable du site de Firminy. Mais, précisément, ce sont la maison de la culture et ses attributs (le stade et l’église) qui seront étudiés à Istanbul très prochainement. Construit entre 1961 et 1965, cet ensemble répond aux préoccupations hygiénistes et intellectuelles de son concepteur.

La façade inclinée de la maison de la culture est adossée aux gradins de l’enceinte sportive et les vitres en verre ondulatoire ont été inspirées de la musique mathématique (dite stochastique) de Iannis Xenakis comme au Couvent de la Tourette. C’est surtout son toit, mouvant, reposant sur des câbles, bougeant comme une planche de surf qui est remarquable et originale.

Restaurée très récemment, elle renferme une salle de théâtre, une bibliothèque, un auditorium, un espace d’exposition et un foyer-bar. L’église, conique (!), n’a été terminée qu’en 2006.

En attendant que d’éventuels panneaux de signalétique siglés UNESCO ne fleurissent dans le paysage, cet ensemble est toujours ouvert aux visiteurs et constitue une jubilatoire plongée dans l’histoire sociétale française.

Par Nadja Pobel sur petit-bulletin.fr


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