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Un covoiturage avec WeTruck, est-ce « vis ma vie de camionneur » ?

Mercredi matin, 7h10. Le temps est pluvieux. Le camion de Dominique s’arrête le long d’un arrêt de bus dans la zone industrielle de St-Fons. Ludovic, 19 ans, en descend, tout sourire. Il vient de vivre son premier trajet en cocamionnage.

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Un covoiturage avec WeTruck, est-ce « vis ma vie de camionneur » ?

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Pour réaliser son trajet de Caen à Lyon, le jeune homme a fait appel à WeTruck, un site de mise en relation des entreprises de transport routier et des particuliers. Le Blablacar des camionneurs.

Sur les conseils de son beau-frère qui a vu un reportage sur le sujet, Ludovic s’est intéressé au cocamionnage deux jours avant son départ. Il visite le site WeTruck et apprécie le principe :

« Déjà, on voyage en camion donc rien que ça, je trouve ça super cool. »

Ce sont les prix proposés par le site qui l’ont finalement convaincu. Pour deux heures de trajet de plus, il paye 25 euros tandis qu’un covoiturage normal coûte environ 45 euros. Quand nous avons interrogé Victor Clément, fondateur de WeTruck, il nous annonçait un prix 20% moins cher qu’en covoiturage normal. On est donc largement en dessous pour l’exemple de Ludovic.

« Plus simple de venir en camion »

Victor Clément a lancé son activité le 15 septembre 2016. Le concept est né après que le jeune autoentrepreneur a rencontré des difficultés pour faire le trajet jusque chez sa grand-mère. Le train lui faisait faire un grand détour par Paris, et le célèbre site de covoiturage ne proposait alors qu’une ou deux offres en deux jours, sans que rien ne lui corresponde réellement.

Victor Clément explique ainsi les origines de WeTruck :

« Pendant le trajet en covoiturage, on a dépassé plein de routiers et je me suis simplement dit que ça aurait été plus simple de venir en camion. J’ai pensé qu’il y avait là une vraie pertinence en terme de transport ».

WeTruck voit le jour. Le site internet met en relation des passagers et entreprises de transport routier. Il devient possible de voyager sur de longues distances, en emmenant beaucoup de bagages et même un vélo (moyennant un surcoût de 20  euros pour 700 kilomètres).

Capture wetruck site

Le travail le plus long, au sein de WeTruck, consiste à trouver des partenariats. Des entreprises de transports routiers qui acceptent que leurs chauffeurs prennent des passagers pendant leur trajet. Pour l’instant, il y en a une cinquantaine. Le chef d’entreprise indique :

« Le nœud du problème vient vraiment de l’offre. On travaille surtout là-dessus. On a de plus en plus de partenaires, c’est vraiment un signal positif de ce côté là. »

Trajets de nuit et zones industrielles : quelles conditions de transport ?

Et selon les usagers, le nœud du problème peut se situer à un tout autre endroit : les trajets se font le plus souvent de nuit, et les passagers sont déposés en zone péri-urbaine. Ces inconvénients qu’on pourrait trouver au cocamionnage sont pourtant, à l’inverse, mis en avant par le fondateur du site internet.

Premier point noir selon nous : l’arrêt en zone péri-urbaine. Victor Clément nous assure cependant que cela avantage de nombreux cocamionneurs habitant les zones rurales, ainsi que ceux qui veulent rejoindre facilement les aéroports.

C’est justement le cas de Ludovic. Après le trajet en camion, il doit rejoindre la gare de Vénissieux puis aller jusqu’à l’aéroport de l’agglomération lyonnaise. Sauf qu’il arrive sous la pluie, en pleine zone industrielle de St-Fons. À 4 kilomètres de la gare.

« Il y a un bus », lui assure Dominique, le chauffeur. Mais avec un sacré détour à la clé. Le chauffeur repart. Nous décidons finalement de l’accompagner en voiture à la gare. Qu’aurait-il fait si nous ne l’avions pas emmené ?

« J’aurais sans doute marché… mais sous la pluie, ça aurait été embêtant », admet-il.

« L’intérêt de ne pas être tout seul »

2016-05-11 07.10.17-5Autre point qui nous fait sourciller : les trajets de nuit. Pour les justifier de façon avantageuse, Victor Clément prône le gain de temps.

« Les trajets de nuit permettent de ne pas gâcher une journée de vacances ou de week-end, c’est pour ceux qui ne veulent pas passer la journée sur la route ».

Les cocamionneurs profitent donc du trajet pour dormir tout en voyageant. En descendant de son camion, Dominique aborde d’ailleurs le sujet :

« L’intérêt du cocamionnage, c’est surtout de ne pas être tout seul. C’est mieux quand ils ne dorment pas durant tout le trajet », rigole-t-il en poussant Ludovic du coude.

Le jeune homme admet qu’il a dormi de longues heures pendant le trajet.

« C’est très confortable ! Tous les chocs sont amortis, on est en hauteur et les cabines sont bien protégées du bruit de la route, argumente-t-il. Le seul inconvénient c’est qu’on ne peut pas baisser le dossier du siège car la cabine le bloque à l’arrière. »

Si les trajets de nuit représentent aujourd’hui quasiment la totalité des propositions de WeTruck, Victor Clément nous assure qu’il n’en est qu’à la première version du site. Il nous dévoile ses projets :

« Pour l’instant ce sont les flux récurrents qui sont affichés, donc beaucoup de trajets de nuit. Mais ce sont vraiment les balbutiements du site. On a vocation à faire plus de transports ponctuels et journaliers. »

« Il n’y a pas autant de barrières que ce que nous pensions »

Les débuts sont positifs pour la jeune société. Victor Clément se réjouit d’ailleurs de l’accueil reçu pour son projet. Les visites sur le site sont en perpétuelle croissance, les sollicitions nombreuses et les avis très positifs. Cependant, à raison de cinq passagers en avril pour le trajet Lyon Caen, allers et retours, WeTruck se laisse tout de même une bonne marge de progression.

Le nombre de trajets proposés par le site internet laisse aussi une grande latitude à la société pour se développer.

Capture carte cocamionnage

La population de cocamionneurs est par ailleurs plus variée que prévue : de nombreux passagers ont dépassé les 60 ans, et  les femmes se laissent tout autant tenter par ce nouveau moyen de transport que les hommes.

« Il n’y a pas autant de barrières que ce que nous pensions. C’est positif et surprenant », continue Victor Clément.

Son idée est basée sur le principe de l’économie collaborative. L’entrepreneur précise d’ailleurs que c’est un sujet qui l’a toujours intéressé à titre personnel.

WeTruck tient une juste place dans l’économie collaborative pour deux raisons : l’aspect environnemental et l’aspect humain.

« On met en relation des acteurs qui n’avaient rien à voir ensemble à l’origine. Je crois que le service profite vraiment à l’humain. »

Le cocamionnage permet également aux routiers de partager leur quotidien. D’après Victor Clément, cela leur permettrait aussi de mettre en valeur leur travail.

Cependant la question de la répartition de l’argent se pose également. Les chauffeurs perçoivent-ils tout ou partie de la somme payée par les cocamionneurs ? C’est variable, selon Victor Clément. La législation, concernant le covoiturage indique que la somme doit aller à la personne qui décaisse les frais de route. L’argent doit donc être reversé à la société de transport. Ensuite libre à lui de reverser la somme qu’il veut au conducteur.

On note que dans de nombreux cas, les transporteurs sont des conducteurs indépendants. Seule une entreprise sur la cinquantaine de partenaires de WeTruck conserve la somme pour la société.

C’est justement le cas de Normandie Logistique, la compagnie de Dominique. Pourquoi être volontaire s’il ne gagne rien sur la course ?

« Ma société m’a proposé de le faire en novembre et j’ai dit oui. C’est pratique pour les autres et ça nous fait surtout de la compagnie. Mais je ne le ferai pas tous les jours », sourit-il.

Le routier a aussi besoin de sa liberté, comme il aime à le dire en remontant dans son camion.


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