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Variations citoyennes 3/5 : Liberté et esclavage dans une gestuelle d’enfants

Ils ont accepté de danser et de jouer devant un public, presque sans filet. Vingt-quatre artistes amateurs qui ont pour particularité d’être âgés de 8 à 10 ans, participent au projet du théâtre de la Croix-Rousse, Variations citoyennes, en répètant pendant leur temps d’activités périscolaires

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Variations citoyennes  3/5 : Liberté et esclavage dans une gestuelle d’enfants

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Avec Bérangère Valour et Mathieu Lebot-Morin, deux chorégraphes, ils viennent de se lancer.

©Elie Cortine/Bloo
©Elie Cortine/Bloo

Les mouvements simples seront mis en forme au fur et à mesure des rencontres, dans le but d’illustrer l’article 4 de la Déclaration universelle des droits de l’Homme. Celui qui concerne l’esclavage.  Par la danse et le théâtre, le sujet doit devenir plus compréhensible pour les enfants qui en donneront leur vision, via leur corps. 

Cet après-midi là, le regard est fixé sur Bérangère Valour et Mathieu Lebot-Morin, les enfants sont à l’écoute. Du haut de leurs 8 et 10 ans, ils semblent apprécier les moments où les deux chorégraphes leur annoncent qu’ils seront considérés comme une vraie troupe professionnelle pour les séances à venir.

Les enfants du Centre social Quartier Vitalité et du foyer Claire Demeure ont choisi le théâtre et la danse pour le projet « Variations citoyennes ».

Dix-huit enfants se connaissent déjà bien. Ils sont ensemble à l’école Michel Servet et se rendent au Centre social Quartier Vitalité, qui les prend en charge pendant leur temps périscolaire. L’établissement accueille toute l’année différents groupes pour organiser des activités culturelles. Ils sont donc des habitués des lieux.

Six autres petits artistes, de leur côté, viennent du foyer Claire Demeure, une maison d’enfants placés sur décision de justice. Un peu plus réservés, parfois intimidés. Ils se sont mêlés, pour travailler ensemble.

©Elie Cortine/Bloo
©Elie Cortine/Bloo

Quatre mouvements créés par les enfants

Première répétition ce vendredi après-midi. En chaussettes dans la grande salle du Centre social Quartier Vitalité, les vingt-quatre enfants sont assis en demi-cercle autour des deux chorégraphes. Ils apprennent qu’ils vont travailler en binôme et qu’ils n’auront pas le choix du partenaire.

Quelques regards angoissés sont lancés en direction des copains. Mais les groupes sont créés en fonction de la taille, pas de négociation possible.

L’une des filles ne semble pas vraiment contente de se voir attribuer un garçon. Ils se regardent beaucoup mais évitent dans un premier temps de se toucher. Quand vient le temps des exercices, on peut tendre l’oreille et entendre quelques chamailleries provenant du duo.

Pour autant, l’atmosphère est plutôt studieuse.

« Ils sont calmes et concentrés, c’est rare à cet âge-là », se réjouit Mathieu.

Malgré des mouvements au départ maladroits, les enfants s’appliquent à reproduire les exercices demandés.

« C’est une journée de rencontre aujourd’hui. C’est la séance la plus difficile car il faut qu’ils aient confiance en nous, et dans le projet », explique Bérengère.

L’un doit faire bouger l’autre. Et l’autre doit suivre le mouvement demandé sans entendre d’autre son que celui de la musique.Pour les exercices suivants, les deux chorégraphes leur demandent de résister au geste effectué par le partenaire.

« C’est la première fois qu’on travaille ensemble mais on a la même pédagogie. On était d’accord pour l’improvisation, pour partir de leurs corps à eux et pour ne pas écrire le contenu de la pièce en amont. On va extraire leur proposition pour l’améliorer et l’incorporer », sourit Mathieu.

Le principe est simple. Chaque duo doit créer quatre mouvements, puis les deux chorégraphes en choisiront huit pour la pièce finale. Certains mouvements seront relâchés et souples, d’autres plus rigides pour rappeler l’idée directrice de la pièce: la liberté opposée à l’esclavage.

Chaque variation du spectacle final s’inspire d’un article de la Déclaration universelle des Droits de l’Homme. Pour ce projet-là, les chorégraphes ont choisi son article 4 :

« Nul ne sera tenu en esclavage ni en servitude; l’esclavage et la traite des esclaves sont interdits sous toutes leurs formes. »

« Quand on doit résister et qu’on ne fait plus le pantin »

©JulesCozzarin/Bloo
©JulesCozzarin/Bloo

Pas facile quand on a 10 ans de comprendre ce qu’est l’esclavage, cela semble lointain, presque imaginaire.

« On va prévoir un temps de réflexion à propos de l’esclavage. Mais je veux qu’on aborde cette notion par la manière théâtrale. Nous, on va composer avec l’article de la Déclaration à l’esprit, et je pense que ça leur fera écho petit à petit », indique Bérangère.

Les enfants ont pourtant déjà abordé le sujet. Ils ont visité le théâtre et y ont rencontré l’un des violonistes du quatuor Bela, qui jouera lors de la représentation. Ce dernier leur a fait écouter la musique sur laquelle ils danseront : il s’agit de White man sleeps, composé par Kevin Volans.

 

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D’origine sud-africaine, le compositeur a réalisé le morceau pendant l’Apartheid. Une période de l’histoire et une notion qui ont pu être expliquées aux enfants.

« Mais dans notre chorégraphie on parlera plus de liberté que d’esclavage. Comment quelqu’un qui commence à avoir de la liberté peut la transférer aux autres… », précise la chorégraphe.

A la fin de la séance, la jeune Analucia semble déjà commencer à comprendre.

« J’ai bien aimé quand on faisait les duos, surtout quand on doit résister et qu’on ne fait plus le pantin », assure-t-elle.

« J’ai peur de me mettre avec les autres »

Le plus difficile, pour cette première répétition, a sans doute été de mélanger les deux groupes. Ils ont eu du mal. Au démarrage.

« Les enfants du Centre social ont du mal à accepter que d’autres enfants viennent dans leur périscolaire. Rencontrer l’autre est toujours difficile à cet âge-là et la notion de groupe est forte. Ils en ont justement discuté quand on a parlé de l’apartheid », explique Sally, qui participe à l’organisation du projet au théâtre de la Croix Rousse.

Kamélia, l’une des six enfants de la maison Claire Demeure confiait ses inquiétudes à son arrivée.

« J’ai peur de me mettre avec les autres. »

Son amie Inès acquiesce, visiblement peu rassurée. Sally les réconforte :

« C’est normal d’avoir peur, mais on est là pour se rencontrer. »

L’exercice en duo doit leur permettre d’apprendre une nouvelle forme de contact avec l’autre. Pari réussi puisqu’à la fin de la première séance, la timidité dans les groupes a fait place au jeu. La formation sera intensive, le projet ayant démarré tard, les enfants vont ainsi travailler une à deux fois par semaine, jusqu’à la représentation finale.


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