Dans la sélection de portraits de ce premier cercle dévoué, on trouve l’influent Vincent Comparat, instigateur du « réseau citoyen » et animateur de l’arrière-garde militante.
Ce mardi 11 mai, la réunion publique pour un « pôle public de l’énergie » dans la métropole grenobloise n’a pas attiré les foules, face à la concurrence de la manifestation improvisée à Grenoble contre le recours du gouvernement à l’article 49.3 sur la loi Travail.
La soirée devait pourtant être le premier jalon de la réalisation d’un engagement de campagne d’Eric Piolle. Il promettait à l’époque de travailler à la fusion du fournisseur Gaz et Electricité de Grenoble (GEG) avec la compagnie de chauffage de l’agglomération pour permettre la mise en place d’une tarification progressive de l’énergie.
Autour de Vincent Comparat – à l’origine de cette réunion publique -, plusieurs élus de la majorité métropolitaine écolo-socialo-communiste ont participé à des tables-rondes pour trouver un terrain d’entente sur l’intérêt et le mode de gestion d’un tel dispositif et, à terme, imposer la mesure dans le plan de mandat de l’exécutif métropolitain.
Vincent Comparat reçoit toujours au même endroit.
Dans la rue Voltaire de Grenoble, le petit local du micro-parti Association démocratie écologie solidarité (ADES) – qu’il préside – est devenu sa deuxième demeure.
À 72 ans, ce chercheur en physique nucléaire à la retraite a développé une passion pour l’ennuyeux jargon technique des délibérations de collectivités locales, des marchés publics et des contrats de gestion déléguée.
C’est devenue, pour lui, une déformation professionnelle :
« Au CNRS, j’étais responsable des transferts de technologie. Je devais être particulièrement vigilant aux notes de bas de page et savoir lire entre les lignes des contrats ».
Sous le dernier mandat du maire socialiste Michel Destot, le tandem formé par Vincent Comparat et Raymond Avrillier était devenu la « bête noire » des élus par la capacité de nuisance procédurière dont l’ADES était la vitrine. Combien de plans de déplacements, de projets d’urbanisme et de délibérations ont été mis en difficultés par le minutieux travail de décorticage de ces deux retraités-militants ?
Créateur du réseau citoyen
Mais dans les dernières années de la municipalité socialiste, l’ancien ingénieur « formé au militantisme à la CFDT et au PSU », travaillait en secret sur tout autre chose que des recours.
L’ADES est devenue le pivot politique du rassemblement à la gauche du PS en vue des municipales de 2014. Vincent Comparat décrit aujourd’hui leur méthode :
« Notre postulat était de garantir un poids similaire à toutes les composantes qui nous rejoindraient, contrairement au PS qui fonctionne par absorption de ses partenaires ».
EELV, Le Parti de Gauche, Ensemble!, les Alternatifs, Nouvelle Donne fondent le socle de cette coalition. Quelques personnes non-encartées rencontrées lors de luttes locales rejoignent les rangs du melting pot.
Vincent Comparat les aide à se structurer dans un « réseau citoyen » dont « l’indépendance » sera mise en avant dans les premiers temps de la campagne avant d’être absorbé dans le « rassemblement » d’Eric Piolle. L’ingénieur retraité en reconnait désormais la paternité :
« J’ai initié le réseau citoyen parce que j’avais l’expérience politique et les réseaux pour faire entendre leur voix ».
Dix élus issus de ce groupe siègent désormais au conseil municipal.
La « famille Rapetout »
Aujourd’hui, toutes les composantes politiques sont fondues dans un unique groupe majoritaire au conseil municipal, sans distinction de parti. Indispensable pour garantir l’union jusqu’au terme du mandat, selon Vincent Comparat :
« Nous sommes condamnés à réussir ensemble ou à disparaitre ensemble ».
Un nom familier préside cette majorité chamarrée. Laurence Comparat, sa fille, également membre de l’ADES. Les liens familiaux ne s’arrêtent pas là. Sa compagne, Maryvonne Boileau, ancienne candidate écologiste aux élections municipales à Grenoble en 2008 est celle qui a proposé, encouragé et préparé Eric Piolle à une candidature. Et c’est d’ailleurs à Vincent Comparat que ce dernier a confié le rôle de confiance de mandataire financier de sa campagne.
À cause de ces liens, la droite grenobloise dénonce régulièrement « la main mise sur la ville d’une famille Rapetout ».
Animateur de la base arrière
C’est en périphérie de la municipalité que Vincent Comparat agit désormais. Il est l’un des animateurs d’un groupe réunissant toutes les composantes de la majorité grenobloise, auquel ne participe pas les élus municipaux. Il justifie cette base arrière militante :
« Quand j’étais conseiller municipal en région parisienne, je me suis rendu-compte de l’isolement des élus avec leur base militante. Alors que c’est très important qu’il y ait des forces vives qui ne soient pas prises dans la mécanique élective ».
Le groupe se réunit régulièrement pour rappeler aux élus leurs engagements, quand c’est nécessaire, et recruter de nouveaux profils.
« Nous sommes un soutien critique pour éviter qu’ils se coupent des militants et du public ».
« Je fuis la représentation »
Cet investissement depuis l’extérieur de la municipalité lui vaut d’autres surnoms de la part de ses opposants. « L’ayatollah de l’écologie », « L’éminence grise » ou le titre de « conseiller occulte » dont l’avait affublé le socialiste Jérôme Safar, quand il s’interrogeait en juin 2014 dans le Dauphiné Libéré sur son rôle auprès de la municipalité.
« On sait qu’il participe à certaines réunions budgétaires, alors qu’il n’est pas élu. On sait qu’il se présente comme le conseiller de l’adjoint aux Finances Hakim Sabri. Est-il salarié de la Ville ? Si oui, on aimerait le savoir. Car on a vu aussi qu’il avait eu, dès avril, des informations sur le compte administratif, c’est à dire bien avant les élus ! Il y a là un dysfonctionnement ».
En réponse, Vincent Comparat reconnait jouer un rôle satellitaire auprès de certains élus :
« Je travaille depuis 1993 sur les budgets de la ville de Grenoble et sur les services publics locaux. J’en ai acquis une expertise dont je fais profiter les élus, sans aucune rémunération pour cela. »
Et de conclure avant-même que nous lui demandions s’il n’aurait pas souhaité être élu pour faire ce travail décisionnaire avec la légitimé d’un mandat :
« La vie publique me passionne, mais je préfère être dans la réflexion plutôt que dans la représentation. Je tiens à ma liberté ».
> Article mis à jour le 12/05 à 15h en corrigeant la légende de la deuxième photographie. Il s’agit de la conférence de presse de lancement de l’appel « Grenoble une ville pour tous », pas du « réseau citoyen ».
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