En partenariat avec la Fondation Abbé Pierre Rhône-Alpes, Rue89Lyon poursuit la publication des témoignages de personnes qui se sont faites expulser de leur logement ou ont failli l’être.
Saïd et son épouse sont propriétaires-accédants dans l’agglomération lyonnaise depuis 2007. Mais ce couple n’arrive plus à rembourser son crédit immobilier depuis que Saïd a perdu son emploi à la suite d’une maladie professionnelle. Il était ouvrier dans une entreprise de collecte et recyclage de déchets et métaux
Parallèlement, les factures d’entretien se sont également accumulées dans cette copropriété des années 60, qui n’a jamais connues de travaux.
Le bâtiment est placé en plan de sauvegarde depuis 2006 et fait l’objet d’une rénovation lourde et coûteuse.
Si Saïd veut échapper à la saisie de son logement, il lui faut vendre.
« On a voulu faire un investissement mais le rêve s’est brisé »
On a acheté parce qu’on voulait investir. A l’époque, on était en location et on a trouvé cet appartement. Avec un emprunt sur 15 ans, ça nous coûtait 780 euros par mois avec les charges. L’eau et le chauffage étaient compris. Ce n’était pas très cher et ça nous faisait un petit investissement.
Mais ça ne s’est pas passé comme on l’imaginait, en particulier au niveau du travail.
Trois ans après l’achat de l’appartement, j’ai commencé à avoir des vertiges pendant mon travail. Je travaillais trois ou quatre heures et puis les vertiges arrivaient. Et puis ça s’est aggravé. En plus des vertiges, j’avais des sifflements, des bruits dans les oreilles. J’étais souvent en maladie.
Je m’arrêtais et puis je reprenais, ça a duré comme ça jusqu’à fin 2012. C’est là que le médecin du travail m’a dit « ce n’est pas possible, je vous arrête. Il faut trouver quelque chose d’autre ».
A force d’être exposé au bruit de la ferraille, ils se sont rendus compte que je perdais mes oreilles. J’ai les tympans complètement perforés. Il faut que je me protège de l’air, au maximum. Il y a des choses que je ne peux plus faire. Il ne faut pas que je sois exposé au froid et au bruit. Je ne peux pas monter sur un escabeau à cause des vertiges.
J’ai été opéré en décembre 2014 mais ça n’a rien donné.
« Le bruit de la ferraille m’a fait perdre mes oreilles »
Le médecin de la Sécu m’a mis un taux d’incapacité. Ils m’ont donné une rente et j’ai été licencié. C’est terrible parce que j’ai travaillé 25 ans pour cette entreprise quand même. Le bruit de la ferraille m’a fait perdre mes oreilles.
Depuis 2013 je suis au chômage. Mais il y a un autre problème qui s’est posé. Je me suis fait avoir quand j’ai contracté le crédit immobilier auprès de la banque. A l’époque, je n’ai pas bien regardé s’il y avait une assurance en cas de chômage, j’ai signé le contrat sans lire les détails et puis je l’ai rangé. Je n’ai pas regardé de près les conditions. Et voilà, je n’avais pas d’assurance en cas de chômage. Il y a des pièges quoi, et on s’est fait piégé !
Comme mon salaire était le revenu principal de la maison, je ne suis plus arrivé à payer le prêt. Tout s’est accumulé, le crédit immobilier, les charges, les factures. Tous les mois les factures, ça monte vite, ça s’accumule. C’est tellement vite fait.
L’argent passait dans le quotidien, pour les enfants surtout. On a passé vraiment des moments difficiles on a galéré. On n’a pas l’habitude de ces problèmes donc le jour où ça nous arrive on n’est pas préparés.
« On n’avait pas d’autres choix que de vendre et de redevenir locataire »
Notre copropriété est en plan de sauvegarde à cause des problèmes de dégradation du bâti de l’immeuble et le syndic a monté un projet de rénovation important avec l’isolation des façades, la rénovation des parties communes, la mise aux normes de l’électricité etc.
On croulait sous les dettes. Alors en 2013, le syndic a signalé notre situation à l’association chargée d’accompagner les copropriétaires en difficultés.
On s’est mis d’accord avec l’association : on n’avait pas d’autres choix que de vendre et de devenir à nouveau locataire. L’association nous a aidés à faire un dossier de surendettement, on a eu un délai de 2 ans avant de rembourser et on a mis en vente.
Pour trouver un autre logement, ça n’a pas été facile. On a d’abord fait un dossier avec notre ancien bailleur l’OPAC, et on a visité un appartement qu’ils nous ont proposé. C’était bien, on était content. Mais finalement l’OPAC nous a refusé parce qu’ils ne voulaient pas prendre de risque. Parce qu’on était surendettés ils ne voulaient pas nous louer en direct le logement.
Heureusement, l’association qui nous accompagne a accepté de se porter garant pour nous. Ils ont pris une location en bail glissant le temps que notre situation s’améliore. On a déménagé fin juin 2015.
Dans ce nouvel appartement, on est en partie soulagés. Car la priorité c’est de vendre, et après on pourra respirer un peu. Pas beaucoup mais juste un peu.
« Le deuxième acheteur s’est sauvé »
En 2014, on a eu un acheteur, on a même signé le compromis. Mais le problème c’est que, à l’époque, on ne pouvait pas libérer le logement parce qu’on n’avait pas trouvé la location. L’acheteur attendait, attendait et, du coup, comme on n’a pas libéré les lieux, il est parti.
On a eu aussi un deuxième acheteur au mois de juillet 2015. On avait pris rendez vous chez le notaire pour la rentrée de septembre. Cette fois on se disait « c’est bon, il n’y a pas de problèmes puisqu’on a déménagé » et finalement il s’est sauvé. C’est tombé à l’eau.
L’agence immobilière qui gère la vente nous a dit qu’il y avait un nouvel acheteur mais on a un nouveau problème : cette fois il y a une fuite d’eau dans la colonne d’évacuation des eaux usées de l’immeuble (la colonne traverse l’appartement dans la cuisine).
Le gars qui est venu visiter et a constaté le problème en même temps que l’agence.
C’est le syndic qui des travaux de réparation qui viennent de commencer alors que ça fait un mois et demi qu’ils ont constaté la fuite.
Il faut attendre. Comme l’acheteur a vu cette fameuse fuite, on ne sait pas si, lui aussi, il ne va pas disparaitre. On va voir.
« Même la vente du logement ne nous permettra pas de tout rembourser »
Dans tous les cas, on est perdant. La vente nous revient net vendeur à 73 000 euros, on est loin de ce qu’on a payé au départ puisqu’on avait acheté l’appartement à 100 000 euros.
Mais nous, bien sûr, on ne va rien toucher de cette vente, parce que la vente va payer une partie des dettes, du crédit. Heureusement ça va couvrir quand même plus de la moitié de la dette. On payera tout doucement le crédit qui reste. On n’a pas le choix.
Maintenant, ma femme a commencé à travailler (elle fait des ménages) et on commence à respirer un peu. Mais bon, le moratoire de deux ans de la Banque de France vient de finir. Avec ma femme qui travaille et moi qui touche le chômage, on nous a proposé quand même de payer un petit peu. Donc il faut payer un peu les dettes et continuer à payer les charges collectives tant qu’on n’a pas vendu. Et puis bien sûr on a le nouveau loyer maintenant. Ça nous fait environ 1 500 euros à sortir tous les mois. Entre là-bas et ici. C’est un peu délicat.
On n’a vraiment pas eu de chances avec cet appartement.
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