Déjà 73 jours de mandat et voilà l’heure du débat d’orientation budgétaire. Le président de la région Auvergne-Rhône-Alpes (on ose à peine l’écrire puisqu’elle n’a pas encore son nom officiel) avait juré lors de sa prise de fonction qu’il casserait la baraque en 100 jours, anticipant le traditionnel bilan des observateurs politiques.
Sachant qu’il est attendu au tournant, le numéro 2 du parti Les Républicains voudrait gagner du temps en employant un ton dur voire cassant à l’encontre de ses adversaires politiques, comme s’il était toujours en campagne. Message lisible entre les lignes de ses interventions, ce jeudi lors de l’assemblée plénière : « il y a du boulot et si on a du mal, si l’on tarde voire si l’on échoue, ce ne sera pas de notre faute mais plutôt de celle du prédécesseur ».
Cette rhétorique politique éculée a été utilisée en introduction par le premier vice-président de Laurent Wauquiez, Etienne Blanc, dont on dit qu’il est le véritable pilote de la Région. Dans un style moins agressif mais tout aussi convaincu que son président, ce dernier a ainsi déclaré :
« Ce que nous ferons demain résulte de choix passés que nous devons assumer ».
Et pour faire le bilan du passé, c’est au cabinet Ernst & Young qu’a été confié un audit global des services de la collectivité, ce qui n’a rien de choquant pour qui arrive en terre inconnue ou presque. Laurent Wauquiez imagine qu’à partir des conclusions de ce cabinet réputé (mais pas local, alors qu’il avait annoncé vouloir privilégier les acteurs régionaux), il pourra identifier des fautes et des abus graves commis par ses prédécesseurs.
Objectifs visés : ne pas réitérer les erreurs, trouver dans le budget de fonctionnement au moins 75 millions d’euros par an d’économies afin de « retrouver une capacité d’investissement ».
« Trois Carambar par an et par foyer »
Laurent Wauquiez a ainsi présenté pour la énième fois des choix pesant finalement peu sur la totalité du budget de la collectivité mais beaucoup plus sur l’opinion publique : réduction drastique des frais de taxis, des frais de déplacements à l’étranger, des frais de téléphone et de matériel des élus. Occasion pour lui de parler du « gaspillage » intolérable de cet exécutif précédent qui s’est transformé, dans la bouche du président, en une masse de nantis dorés au soleil et engraissés très directement par l’argent du contribuable.
A chacun son choix d’image.
Au final, si l’on additionne les sommes de ces réductions de frais, difficile d’arriver à plus de 5 millions d’euros d’économies par an. On est loin des 75 millions d’euros minimum promis. Ces coupes ont donc encore du mal à apparaître comme un projet économique global, une structure budgétaire claire pour les six ans à venir en Auvergne-Rhône-Alpes. D’autant que le budget de fonctionnement des collectivités régionales ne concerne pas uniquement les frais de représentation des élus ; une grande partie de la gestion des lycées et des TER est déployée dans cette enveloppe.
Quels choix Laurent Wauquiez va-t-il faire dans ces secteurs pour parvenir à alléger ses dépenses et, surtout, à réinvestir à hauteur de 4 milliards d’euros ?
Pour Jean-François Debat, maire PS de Bourg-en-Bresse et porte-parole du groupe « socialiste, démocrate, écologiste et apparentés », estime qu’ »en fait de stabilité budgétaire, [les 300 millions d’euros d’économies] ne sont que des redéploiements ».
Concernant les impôts, l’actuel président de Région aime à rappeler qu’il ne compte pas les augmenter, voire qu’il les baissera. Les taxes, qui ne composent qu’une petite partie des recettes des Régions via les cartes grises des automobilistes, seront donc lissées en Auvergne et en Rhône-Alpes vers le tarif le plus bas. De quoi faire sourire Jean-Charles Kohlhaas, conseiller régional écologiste, qui note :
« 2 millions d’euros remboursés au 3 millions de foyers de la région : vous leur offrez trois Carambar par an et par foyer. »
A chacun son choix d’image, disions-nous.
Quelques dépenses aussi
Pour le moment, Laurent Wauquiez a d’ailleurs annoncé davantage de dépenses que d’économies pour 2016 :
- 20 millions d’euros pour la sécurité dans les lycées (sans que l’on sache quels lycées exactement). Sur ce thème, l’exécutif essuie un échec cuisant en voyant le projet à la baisse sur l’établissement qui devait être pilote.
- 250 000 euros versés en urgence au Musée des Tissus menacé de fermeture.
- 1,2 millions d’euros de subventions directes votées en faveur d’une société cotée en bourse, Aubert et Duval.
- 100 millions d’euros de participation au financement de l’A45.
A côté de cela, la consigne aurait été donnée par Laurent Wauquiez à chacun de ses vice-présidents de trouver 5% d’économies dans leurs délégations. Cela sera-t-il suffisant pour donner « en exemple la Région Auvergne-Rhône-Alpes à toute la France » ?
La solution sera-t-elle, pour atteindre cet objectif, d’avoir (lourdement) recours à l’emprunt ? C’est alors l’endettement de la Région qui gonflerait, ne la rendant pas plus leste et aussi saine que Laurent Wauquiez le souhaiterait.
La suite au prochain épisode, sans doute, c’est-à-dire mi-avril, à l’occasion du vote des budgets. C’est un tout petit peu après le couperet des fameux « 100 jours » de mandat (qui tombera tout début avril). Mais ce n’est pas très grave, on n’est pas aussi pressé que le président de région.

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