L’évêque de Lyon a voulu faire oeuvre de mea culpa en direction des victimes, il aura plutôt mis de l’huile sur le feu.
Contacté par Rue89Lyon, le secrétaire de l’association des victimes du père Bernard Preynat, Bertrand Virieux, se dit « atterré » par ce qu’il a lu :
« C’est hallucinant. On apprend qu’après un entretien avec le père Preynat et un soi-disant spécialiste, le cardinal Barbarin conclut qu’il n’y a « aucun indice de récidive » et qu’il peut donc le laisser en poste, c’est à dire en contact avec des enfants ».
1. Barbarin change de version sur le moment où il a été mis au courant des agissements
Dans ce premier entretien sur le sujet, le cardinal Barbarin confesse qu’il était au courant des agissements du prêtre Bernard Preynat sur des scouts de Sainte-Foy-lès-Lyon « vers 2007-2008 » :
« Une personne qui avait grandi à Sainte-Foy-lès-Lyon m’a parlé des comportements du père Preynat (antérieurs à 1991, NDLR), vers 2007-2008. J’ai alors pris rendez-vous avec lui ».
Or la porte-parole du diocèse sur le sujet réaffirmait, sur Rue89Lyon il y a encore deux semaines, que le cardinal Barbarin « n’a pas été mise au courant avant l’été 2014, ni aucun autre membre de la hiérarchie de l’église catholique à Lyon ».
C’était aussi la version servie dans le deuxième communiqué de presse sur le sujet, le 12 janvier.
Pour Bertrand Virieux, de l’association « La Parole Libérée », l’église catholique a « menti ».
2. La parole d’un prêtre pédophile et d’un « spécialiste »
Quand le cardinal Barbarin reçoit le père Preynat « vers 2007-2008 », celui-ci lui aurait tout avoué :
« J’ai alors pris rendez-vous avec lui pour lui demander si, depuis 1991, il s’était passé la moindre chose. Lui m’a alors assuré : « Absolument rien, j’ai été complètement ébouillanté par cette affaire. » Certains me reprochent de l’avoir cru… Oui, je l’ai cru : il n’était pas dans le déni, au contraire, il avait reconnu tout et tout de suite, dès 1991. »
Il explique aussi qu’il a consulté un « spécialiste » sans préciser ni le nom, ni la profession de ce spécialiste :
« J’ai consulté un spécialiste qui m’a expliqué que, dans ce genre de cas, les auteurs de tels faits restent dans le déni. J’avais vérifié que, depuis, on n’avait reçu ni plainte ni soupçon ».
Bertrand Virieux se pose des questions :
« Quel spécialiste a bien pu lui conseiller de laisser ce prêtre au contact des enfants. C’est comme si on donnait des allumettes à un pyromane. »
3. Le prêtre promu doyen en 2013 alors que Barbarin était au courant
Le co-fondateur de l’association des victimes du père Preynat ne comprend pas pourquoi le cardinal Barbarin l’a nommé doyen de six paroisses dans le Roannais en 2013, fonction qu’il a occupée jusqu’en août 2015, alors qu’il savait depuis 2007-2008.
« Selon le cardinal Barbarin, les faits étaient canoniquement prescrits » en 2007-2008. Mais finalement il finit par le suspendre en 2015. C’est contradictoire.
Pourquoi n’a-t-il pas lancé une enquête en 2007-2008 et non en 2014 après avoir reçu pour la première fois une victime ?
De la part de l’évêque de Lyon, ce n’est pas une conduite responsable ».
4. Barbarin va trop vite en affirmant que rien ne s’est produit depuis 1991
Le Cardinal Barbarin affirme que, depuis 1991, « rien ne s’est passé » :
« Rien ne s’est passé par la suite, le cardinal Billé (archevêque de Lyon de 1998 à 2002, NDLR), qui souhaitait le changer de paroisse en 1999, a pris avis auprès d’un avocat, m’a raconté le père Preynat, et, en l’absence de nouvelles plaintes, il l’a nommé à Cours-la-Ville. Je n’ai pas remis en cause ce choix, consultant plusieurs personnes avant de le nommer curé en 2011. »
Dans la même idée, il déclare dans sa première réponse à La Croix :
« J’observe d’ailleurs que plusieurs mois d’enquête de police n’ont conclu à aucun acte délictueux récent, ni même depuis 1991. »
Comme le pointe Bertrand Virieux, l’enquête de police qui vient de se clore par une mise en examen du prêtre n’était qu’une enquête préliminaire rapidement réalisée :
« Le cardinal Barbarin s’avance beaucoup. Désormais, il y a une information judiciaire avec à sa tête un juge d’instruction. Les moyens d’investigation ne seront pas les mêmes. »
5. Pourquoi le cardinal Barbarin a-t-il mis autant de temps à réagir ?
C’est au final la question que les victimes regroupées en association se posent toujours.
A la fin de l’entretien à La Croix, le cardinal affirme :
« Mais je peux dire aussi que, depuis que je suis évêque, chaque fois qu’on m’a signalé un abus, j’ai réagi dans la seconde, suspendu le prêtre et alerté la justice : c’est arrivé à Lyon en 2007 et en 2014. Avec le père Preynat, la situation est bien différente, car il s’agissait de faits anciens pour lesquels il n’y avait jamais eu de plainte, ni aucun indice de récidive. Ma seule préoccupation est qu’aucun mal ne soit plus jamais commis. »
Et Bernard Virieux de se demander :
« Il faut qu’un abus date de moins de quinze jours pour qu’il réagisse ? Pourquoi le cardinal différencie-t-il toujours le cas du père Preynat d’autres cas pour lesquels il aurait agi ? »
En conclusion de l’entretien, le cardinal Barbarin dit comprendre ces parents qui ne veulent plus de prêtres qui ont commis des actes pédophiles mêmes anciens. Mais ces déclarations ne sont pas suffisantes pour les victimes du père Preynat qui restent toujours très remontées contre le diocèse de Lyon.
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