Par Farah Sadallah, étudiante en journalisme à Sciences-Po Lyon
« Je ne fais pas de la cuisine française. »
Voilà ce que déclarait le jeune chef, Mathieu Rostaing-Tayard devant un amphi comble lors de la conférence sur les migrations du goût du Festival Mode d’emploi, édition 2015.
Mathieu revendique une cuisine qui brise les codes et la tradition française. Il utilise des techniques nouvelles et tend vers des approches internationales.
Mathieu Rostaing Tayard cuisine ainsi dans son restaurant le Café Sillon, avenue Jean Jaurès, à la Guillotière (Lyon 7ème). On y trouve des vinaigres japonais fumés, une glace aux cèpes ou au maïs, des salades amères à base d’agrumes.
Une cuisine qui, dit-il, a gagné en maturité au fil des années.
Mathieu commence la cuisine à l’âge de 14 ans. Il suit une formation dans les meilleurs restaurants de France. Il est le premier apprenti que le chef étoilé Nicolas Le Bec veut bien prendre sous son aile, à Lyon, à la Cour des Loges. Il passe chez Pierre Gagnaire à Londres, à l’Albert 1er à Chamonix…
Puis à à peine 30 ans, il ouvre son propre restaurant dans le 6ème arrondissement de Lyon, le 126. Il le fermera en pleine gloire, pour faire son petit tour du monde, indispensable pour se nourrir, pour « goûter voir » ce qui se fait ailleurs.
Un tour du monde pendant deux ans
MRT découvre des techniques de cuisine qui déconstruisent ce qu’il a appris.
Il voyage au Népal, en Inde, et au Japon où il s’imprègne d’un minimalisme japonais. Il raconte :
« En France, on prend juste la plus belle partie du poisson et on la fait bouillir avec de la crème. (…) Au Japon tout se mange, et chaque texture est différente et cuisinée : le dos, le ventre, la poitrine, la tête, et la queue, qui n’a pas la même gélatine que la tête, pour en faire une sauce. »
Il utilise cette technique sur ses poissons, français.
« Je fais partie de ces gens-là »
Au Pérou, il découvre une cuisine beaucoup plus contemporaine. Une nouvelle génération de restaurateurs s’approprie le terroir, et l’analyse. L’océan, la jungle, la montagne et l’Amazonie apportent une grande diversité à ce terroir. Les cuisiniers du pays ont su le comprendre et l’exploiter.
De retour en France, il a adopté ce regard :
« Je me suis approprié cette manière de comprendre le produit et le terroir, de l’aborder différemment. Je fais partie de ces gens-là ».
Il donne l’exemple du maïs qu’il utilise entièrement. Le tour de la poupée appelé aussi la couronne de maïs, habituellement jetée, est torréfiée et transformée en glace.
Il réalise également des glaces inattendues comme celle au champignon, qu’il fait goûter à ses clients sans leur dire ce qu’ils mangent. Et, souvent, ils adorent. Pour MRT, il est presque plus logique d’utiliser des champignons à l’automne que du chocolat, produit qu’il faut faire venir de l’autre bout du monde. Même s’il en est très fan.
Un agrume très spécial
« On prend le produit au moment où il est le meilleur et de là débute une recette, pas l’inverse », poursuit Mathieu.
Il cuisine des produits français, produits dans l’Ouest lyonnais pour certains, et il fait aussi appel à quelques produits italiens et à des vinaigres japonais.
C’est notamment le cas, lorsqu’il réalise son tandoori avec des vinaigres japonais fumés.
D’ailleurs Mathieu a fait une découverte chez son producteur d’agrumes à Perpignan. Un citron très spécial qu’il a apporté à la conférence sur les migrations du goût.
Le fruit vient du Mexique mais il est en fait originaire d’Asie, importés par les Indiens et les Chinois. Pour une raison qu’on ignore, cet agrume repousse désormais en Inde. Il a le goût des citrons mexicains, mais il est plus épicé, presque anisé.
A Perpignan, l’arbre ne pousse quasiment que pour Mathieu, qui ne sait pas encore quel plat il va réaliser avec cette petite merveille.
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