Juste avant la frontière, les montagnes sont giganstesques. Imposantes et magnifiques. Dans le train, nous sommes de petites bestioles. Minuscules. Mais certains sont plus petits que d’autres.
Modane, la douane française entre dans le train Paris-Milan. Ils n’ont pas l’air commode avec leurs gants noirs, leurs gilets pare-balles et leurs uniformes.
Ils hurlent :
« C’est à qui cette valise ? S’il-vous-plaît, c’est à qui ? Pour la douane !»
Et puis, ils passent leur chemin, une fois identifié le propriétaire du sac. Parfois ils ajoutent :
« Z’avez un autre bagage ? »
Rien de plus. Dans le train, il y a des français, des italiens, des franco-italiens. Des personnes habituées à faire ce trajet entre Paris et Milan. Certains n’ont pas de valise, ils font l’aller-retour dans la journée, probablement entre Lyon et Turin, c’est rapide, même sans la LGV.
Et puis, il y a mon voisin d’en face. Il regarde son portable depuis que nous sommes passés par Chambéry.
« – C’est à vous ce sac ?
– Euh… Yes. »
La réponse sonne mal aux oreilles des douaniers. Mon voisin est noir, il ne parle ni français, ni italien, et très mal anglais. Pour tout baluchon, il a un sac à dos plein à craquer et très usé. Suspect. Le douanier lui demande son titre de transport, que mon voisin tend, en règle. Puis, il lui demande son passeport. Même scène : mon voisin, qui commence à se décomposer, tend sa carte d’identité. Tout a l’air en ordre.
Pardon de ne pas avoir pissé, moi aussi, dans un verre
Le douanier lui demande d’où il vient, chez qui il était, pourquoi, où il se rend, chez qui, pourquoi. Pourquoi vit-il à Padoue ? Alors, non content d’avoir un passager en règle et coopératif, le douanier demande à mon voisin de le suivre dans le couloir. Je suis atterrée, je secoue la tête dans un signe de désapprobation et reçoit un regard tueur en guise de réponse.
Dans le couloir, je vois mon voisin tendre son sac, les douaniers fouiller dedans, analyser chaque objet. Et puis je ne comprends pas. Soudain, le douanier ouvre la porte des toilettes, mon voisin y entre, la porte reste ouverte et le douanier passe la tête pour regarder. Je me dis alors que la douane lui demande de se déshabiller afin de voir si il aurait un truc collé sur lui. Mais non. C’est encore pire que ça.
Mon voisin ressort des toilettes, tend un verre au douanier. Un verre de pisse. Le douanier lève le verre à la lumière. La jeune douanière, restée en retrait jusque-là, se met à regarder, elle aussi, la pisse à la lumière. Ils pensent y voir l’avenir ? La preuve d’une quelconque culpabilité ? Ils ont scruté la pisse, comme des cons, pendant un temps qui m’a paru interminable.
Quand mon voisin est venu s’installer en face de moi, ses yeux rougis de colère et de honte essayaient de ne pas céder à l’humiliation.
Je vous demande pardon, voisin, de ne pas m’être levée pour demander aux douaniers de pisser, moi aussi, dans un verre.
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