Une halle de producteurs locaux va-t-elle enfin reprendre vie dans le 1er arrondissement ?
Porté par l’association « Le Marché de la Martinière », ce projet fait parler de lui depuis déjà quatre ans. Mais un épais brouillard entoure le dossier.
En juillet dernier, en jugeant « intéressant » le projet de l’association, déposé in extremis au mois de juin, la Ville de Lyon a laissé entrevoir un espoir. Pour Jean-Baptiste Cubaud, président de l’association, c’est une étape de plus vers l’ouverture de ce marché. Objectif : mars 2017.
En proposant de s’allier avec Etic, investisseur immobilier, le collectif a tenté de rassurer la Ville sur la stabilité financière de son projet. Société se présentant comme « foncièrement responsable », Etic crée, finance et gère des centres d’affaires et de commerces dans lesquels les locataires bénéficient de loyers modérés. A Lyon, le groupe a notamment lancé en mai dernier le 107, un immeuble de 2 000 m2 situé au 107 rue de Marseille (7ème arrondissement) qui va être aménagé pour accueillir « une trentaine d’associations et entrepreneurs sociaux ».
Dans le cas de la Halle de la Martinière, la création d’une société civile immobilière détenue en majorité par Etic est notamment en discussion.
Un projet sous conditions… quasi intenables
Le projet se fera, mais sous certaines conditions, rappelées par Fouziya Bouzerda, adjointe au maire de Lyon au commerce, au développement économique et à l’artisanat, dans son intervention lors du conseil municipal de juillet 2015 :
« Un permis de construire devra être formellement déposé d’ici la fin septembre 2015 . »
A la veille de cette date butoir, Jean-Baptiste Cubaud nous l’annonce, ce délai ne sera pas tenu :
« Je n’ai pas trop compris la teneur de cette demande de la Ville. Dans notre calendrier prévisionnel, nous pensions déposer le permis de construire au mieux à la fin novembre. »
La date a donc été récemment revue. Le service com’ de la Ville tempère :
« Ce projet a été lancé il y a maintenant plusieurs mois, il s’agit donc de parvenir à sa concrétisation au plus vite. Un courrier a été envoyé à Etic la semaine dernière. Nous leur demandons notamment un dépôt de permis de construire d’ici cet automne. On n’est pas à un jour près. »
Des fruits, des légumes, mais aussi de la politique
A savoir toutefois, Etic, bien qu’intéressée par le projet, ne s’est pas encore officiellement engagée. Contactée par Rue89Lyon, la société a expliqué refuser de communiquer sur les projets en cours d’étude. Plusieurs réunions de travail se sont déroulées récemment, avec les porteurs du projet et avec la municipalité ces dernières semaines.
Finalement, la Ville de Lyon tient à ce que cette halle, fermée depuis 2011, rouvre rapidement :
« On dit automne 2015, mais pas le printemps ! Notre volonté est d’avancer vite et de ne pas faire traîner les choses encore des mois et des mois. »
Cela fait en effet plusieurs années que ce projet est sur la table. Après un appel à candidature, la municipalité avait recueilli trois offres de reprise à sa disposition. Après avoir écarté la proposition conjointe de Casino et la Communauté du goût, Gérard Collomb avait demandé aux deux autres candidats, à savoir le collectif de la Halle Mart’ d’une part et les Producteurs du Goût associés aux Saveurs du coin d’autre part, de revoir leur copie.
C’est finalement ce dernier candidat qui avait eu les faveurs de la municipalité.
Mais en octobre 2013, coup de théâtre : les Producteurs du Goût jettent l’éponge. En cause : le contexte de crise économique, mais aussi le montant des travaux revu à la hausse, notamment après la découverte d’amiante dans le bâtiment.
Reste donc le projet porté par la Halle’Mart, collectif d’une soixantaine d’habitants du quartier. Pendant plusieurs mois, et malgré deux rencontres avec des adjointes à la mairie, le collectif a attendu le feu vert de la mairie. En période de campagne électorale, à la veille des élections municipales, c’est silence radio.
Alors candidate à sa succession sur une liste Front de gauche-Gram, Nathalie Perrin-Gilbert (NPG), maire du 1er arondissement, s’empare du sujet dans un post sur sa page Facebook :
« Nous ferons de la Halle de la Martinière une de nos priorités car cette halle est un équipement structurant pour la vie du quartier Sathonay /Saint Vincent. »
Et de tâcler au passage Gérard Collomb :
« La Halle de la Martinière a subi le manque de volonté et de clarté politique du maire de Lyon sortant. Et qu’on ne me dise pas que cela est spécifique aux projets du 1er. »
La bisbille qui oppose la maire du 1er arrondissement (ancienne socialiste) et le maire de Lyon (toujours socialiste) n’a pas aidé le projet. Afin qu’il ne devienne pas un nouvel objet de discorde entre elle et l’édile de la ville, et dans le but qu’il voit donc le jour, NPG s’est résignée à ne plus prendre la parole dessus. En avril dernier, Tribune de Lyon estimait que Gérard Collomb voulait carrément stopper le projet, avant que ce dernier ne rétropédale en accordant un délai à l’association.
A force de l’avoir vue souffler le chaud et le froid, on s’interrogera jusqu’au bout sur la volonté de la ville de Lyon de voir ce projet-là aboutir.
Des producteurs « découragés »
Toutes ces lenteurs mais aussi l’aspect politique du projet en ont agacé certains. Selon nos informations, au début du mois de septembre, la moitié des producteurs initialement engagée dans le projet a jeté l’éponge. Pour Alain Blin, producteur de fromages de chèvre motivé depuis plusieurs années par la Halle de la Martinière, l’explication est simple :
« Depuis le début, il y a beaucoup de réunions… Cela en a découragé certains. Et puis 2017, ça fait loin. Ils doivent sûrement se dire qu’ils reviendront vers nous quand le projet sera bien avancé et solide. Ils ont choisi la solution de facilité. »
A la fin de l’année, Alain Blin passera le relais à son associé, qui reprend l’exploitation agricole et restera partie prenante du projet.
A termes, l’association aimerait compter une quinzaine de producteurs à l’ouverture du marché, au lieu de la demi-douzaine actuellement intéressée. Ce nombre restreint n’est pas sans inquiéter Jean-Baptiste Cubaud. Dernièrement, Etic a fixé le montant du loyer pour chaque espace de vente. Même si Jean-Baptiste Cubaud refuse de le communiquer pour des raisons de « confidentialité », il souligne l’opportunité que représente à ses yeux cet espace de vente pour les producteurs :
« Ce chiffre est provisoire, il a été fixé en dessous du prix du marché, afin que les producteurs puissent s’installer. De quoi permettre à d’autres producteurs de se projeter, j’espère. »
Evidemment, pour Jean-Baptiste Cubaud, le projet a du potentiel :
« Il y a une réelle demande parmi les habitants. »
Le projet est attendu dans le quartier. La Halle était jusqu’à sa fermeture le plus vieux marché couvert de Lyon. Depuis, le quartier de la Martinière ne compte que quelques petits commerçants, des restaurants qui tournent bien, mais son coeur, dans la halle, ne bat plus.
Une architecture « moderne et respectueuse du patrimoine »
Beaucoup de paramètres dans ce dossier sont encore incertains. Mais tous les acteurs le répètent : tout est en bonne voie, notamment sur le plan architectural.
Bruno Cateland a été choisi pour mener la rénovation de la Halle ; il a planché pendant trois mois sur le dossier. Le bâtiment, construit en 1837 par l’architecte lyonnais René Dardel, connu pour avoir notamment conçu le Palais de la Bourse, a besoin d’un petit coup de jeune. Ce n’est rien de le dire.
Bruno Cateland fait face à quelques contraintes : la Halle est un bâtiment protégé. Il lui faudra donc respecter ce patrimoine, tout en lui apportant « une touche contemporaine » :
« Ce bâtiment est le dernier qui témoigne de la présence de halles alimentaires de Lyon. Nous avons conservé l’esprit symétrique du bâtiment, pour ainsi conserver l’architecture d’origine. Nous avons reçu un avis favorable de l’architecte des bâtiments de France, ce qui est pour nous une réelle satisfaction. «
Comme stipulé dans le cahier des charges, ce marché doit redevenir le lieu ouvert sur l’extérieur qu’il était jusque dans les années 1970 :
« Pour cela, les façades seront en verre et nous y ajoutons un système de brise-soleils en bois. Cela permet un lien vers l’extérieur sans qu’il y ait une permanence totale. »
A l’intérieur, entre le sol, les murs en parpaings et l’isolation, tout sera entièrement refait. Le projet coûtera 1,3 millions d’euros (HT), dont 950 000 euros alloués aux travaux. Qui devraient prendre 9 mois.
Bruno Cateland est enthousiaste :
« Le projet reçoit l’assentiment de tout le monde alors que les intérêts de chacun sont plutôt différents. »
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