Aéroport Lyon Saint-Exupéry, ce jeudi 11 juin, vers 11h du matin. Mourad Benchellali se présente pour l’enregistrement de ses bagages, billet Lyon-Montréal en main. Il est attendu au Québec pour une semaine de rencontres et conférences sur le djihadisme. L’employée de la compagnie Air Transat lui demande de se mettre de côté. Une heure plus tard, on lui signifie qu’il ne peut pas embarquer car l’avion va traverser l’espace aérien américain.
Le voyage transatlantique de l’ancien détenu de Guantanamo s’est arrêté à l’aéroport de Lyon.
La porte-parole de la compagnie que nous avons contactée, Debbie Cabana, explique :
« Le vol d’Air Transat devait survoler l’espace aérien américain, notre personnel devait, et a effectivement mis en œuvre les dispositions du programme américain de sécurité Secure Flight, comme toutes les compagnies aériennes doivent le faire. »
Associated Press (via theguardian.com) explique en quoi consiste ce programme de sécurité « Secure Flight » :
« L’administration de sécurité des transports américaine reçoit la liste de chaque vol qui atterrit ou survole les Etats-Unis. Les compagnies aériennes doivent alors trouver un siège dans un autre vol qui ne traverse pas l’espace aérien américain, rerouter le vol pour être sûr qu’il ne traverse pas l’espace aérien ou annuler le billet du passager ».
La Compagnie canadienne a opté pour la troisième solution, refusant pour le moment de rembourser son billet :
« La solution dans ce dossier ne pourra être apportée par Air Transat. »
Joint par téléphone, Mourad Benchellali explique qu’il ne savait pas qu’il était sur une « no fly list » américaine. Depuis sa libération de Guantanamo en 2003, il a déjà voyagé en avion. Mais jamais aux Etats-Unis.
« J’ai payé mon billet. S’il y avait un problème, la compagnie aurait pu me prévenir ».
Surtout, cet épisode montre selon lui, une fois de plus, l’absurdité et l’arbitraire de Guantanamo :
« Quand j’ai été libéré de Guantanamo, aucune charge n’a été retenue contre moi par les Etats-Unis. Ce programme de sécurité « Secure Flight » est dans la même logique que cette prison illégale : je suis toujours suspecté sans avoir été jugé ».
« Musulmans et Après Charlie, sortir de ses peurs et construire au delà des fatalités »
Mourra Benchellali n’est pas un inconnu. Il est même devenu une personnalité médiatique.
Depuis septembre et surtout depuis les attentats de Paris, le Vénissian enchaîne les conférences et les rencontres. Plusieurs titres de presse américains ont également relayé son activité militante de prévention du djihad.
En novembre il a même été auditionné par les sénateurs.
Au Québec, il était l’invité du Fonds de Dotation PACE pour l’éducation à la paix et de l’Observatoire sur la radicalisation et l’extrémisme violent. Il devait participer ce weekend à Laval aux « 48 H pour la Paix » et notamment ce samedi, à une conférence qui a pour thème : « Musulmans et Après Charlie, sortir de ses peurs et construire au delà des fatalités ».
Il devait ensuite poursuivre par des rencontres sur les questions de radicalisation et de terrorisme à Montréal.
Dans un communiqué, les organisateurs de la « tournée » de Mourad Benchellali, soulignent « une privation inacceptable de sa liberté d’aller et venir » :
« Les dérives liberticides et la peur prévalent ainsi sur la liberté d’un homme qui a le courage de mettre son expérience personnelle au service de la paix. Museler la souffrance et brimer les libertés favorisent la radicalisation et contribuent à alimenter l’argumentaire des recruteurs terroristes. »
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