Quand j’accuse les avocats d’être des complices avides du système judiciaire, quand je critique l’action inutile des bénévoles (visiteurs de prisons, aumôniers….), quand je parle de Taubira ou de la radicalisation en taule, il y a de la visite, mais sur des sujets comme l’individualisation des peines, les aménagements, la criminalisation de la misère ou l’erreur manifeste de la prison fondée sur une pratique de défense des riches et de protection du pouvoir, là, ça ne passionne pas.
Comme à mon habitude je vais faire un parallèle pour prendre du recul.
Crash de la GermanWings : remplir le vide avec du vide
Le crash de l’Airbus de GermanWings a fait la une ces derniers jours, c’est le moins qu’on puisse dire. La façon dont les médias en ont fait un événement sur-spectaculaire. Ils ont enchaîné éditions spéciales sur éditions spéciales et en ont fait des tonnes.
Tu sais bien, lecteur, que ce pataquès n’était pas au service de l’information ni pour expliquer réellement cet événement mais bien pour garder le téléspectateur captif, avec des spécialistes ignorants qui remplissaient le vide avec du vide quand les images ne tournaient pas en boucle. C’est, hélas, le moyen de faire de l’audience et ça marche !
La majorité des gens, finalement, ne cherche pas à savoir, à analyser ou à comprendre, mais veut de l’image, du buzz, du choc, de la polémique et de la baston. Le degré de la pensée aujourd’hui dans le monde, et particulièrement en France, pays des philosophes et des lumières, est bien descendu au niveau zéro d’un BHL, d’un Zemmour ou d’une Trierweiler. Il n’y a rien d’étonnant à ce que le FN fasse son beurre sur la bêtise et le simplisme.
Lecteur, si tu as envie de vérifier mes dires, refais toi le film de ces scoops sur le crash. D’abord on nous fait le coup du terrorisme, puis du pilote islamisé, et quand la défaillance technique est écartée on passe à la sacro-sainte personnalité de celui qui n’est pas encore un suicidaire pour arriver, après de nombreuses hypothèses creuses et d’interviews de voyageurs sur leur peur nouvelle, à l’idée qu’il faudrait lever le secret médical pour dénoncer les dangereux. Car plutôt qu’une sobre recherche sur les circonstances il faut désigner le ou les responsable(s).
Le ressenti remplace l’intelligibilité
On nous distille une volonté de maîtrise illusoire sous prétexte de sécurité totale et on veut nous faire croire qu’il faut être au courant de tout, y compris comment le serial killer fait caca, pour être protégé. Et l’information détachée de l’ensemble et le buzz qui déchire remplacent la réflexion réelle et l’analyse. On assemble du factuel pour faire surgir une théorie afin d’en conclure que la transparence absolue, chassant tout espace intime, garantirait la tranquillité.
L’être humain pourrait alors réduire à zéro les risques de toutes sortes en prévoyant même l’imprévisible. Et, bien sûr, pas un mot sur le fait qu’un équipage soit réduit de 3 à 2 pour des raisons économiques, par exemple ou encore qu’en empilant les mesures (condamnation du cockpit) on crée de nouveaux problèmes auxquels on ne s’attendait pas.
La vie, enfin leur idée de la vie, ne doit causer aucun désagrément et les prévisions doivent être sans failles. On ne devrait même pas mourir. La preuve dès qu’il neige ou pleut un peu trop, que la chaleur dépasse la moyenne de saison, ça y va sur les reportages et les envoyés spéciaux qui interrogent des gens qui n’ont rien à dire, où le ressenti remplace l’intelligibilité. Le bon docteur Cymes glorifie l’homme bionique et la puissance de la technologie en exhibant Adriana Karambeu.
Le taulard intéresse quand il polémique
Alors, et les statistiques du blog ? Sa lecture est totalement dépendantes de ce que je viens de décrire à propos de ce crash. Dans cette mode insupportable et dans cette norme détestable, le taulard intéresse quand il polémique à fond avec les instances qui l’entourent ou quand ces saloperies d’émissions comme « Faites entrer l’accusé » ou « Enquête très spéciale » (il y en a quasiment sur toutes les chaînes) jouent avec le sordide et le goût du sang pour interpeler les téléspectateurs.
La Rome antique n’a pas disparu, c’est la nature des jeux du cirque qui a changé. La trame qui inspire tout ça est restée la même. Ce téléspectateur, ou auditeur, se contente de lever ou baisser le pouce, exactement, comme lorsqu’il vote, il se croit en démocratie.
Il n’y a pas une volonté de savoir, mais une volonté de voyeurisme, il n’y a pas de désir de vérité mais une envie d’appâts rances, il n’y a pas le souhait de comprendre mais celui d’être formaté au milieu des repères connus, validés et vus à la télé.
Je continuerai à lutter sans concession dans la pensée et dans le verbe
Voilà les raisons de la variation des visites sur le blog selon le sujet et cela relativise la croyance que, finalement, les gens se poseraient peut-être des questions sur l’ignominie de la prison. C’est vrai, c’est décevant, mais cela ne me fera pas rentrer dans le sordide et le scabreux. Et l’argutie, qu’on m’a déjà servie, qui consisterait à être plus souple dans mes mots, plus près de l’idée commune dans mes textes, mieux, plus pédagogique, plus politiquement correct, pour permettre une lecture plus grande et plus consensuelle.
Je dis non ! Tant que les vrais pervers dangereux préparent leur campagne électorale sur la sécurité, le voile à l’université ou les repas avec porc pour faire plus laïc, tant que la citoyenneté consiste à jouer aux charlie, charlots le temps d’un défilé pour, aussitôt, oublier, le soir même, les dégueulis stéréotypés sur l’égalité, la liberté et la fraternité et, de fait, se donner la main pour violer Marianne en tournante, tant que les médias prostitueront tout au nom de l’audimat, je continuerai à lutter sans concession dans la pensée et dans le verbe.
Aujourd’hui, tout compromis devient compromission car le fascisme rampant se redresse de plus en plus et il ne faut surtout pas reculer en pensant que ça s’arrangera. N’oublie pas, lecteur, que Hitler à été élu. Et même si tous les jours les faits m’assaillent et poussent à la misanthropie, une partie de moi veut croire en l’homme et en sa capacité de conscience. Je n’admettrai pas l’utilisation de la force pour maintenir les gens dans leurs lois, la perfidie de la vengeance pour consacrer le bouc émissaire et le dressage de la punition pour faire rentrer l’infracteur dans le rang. S’y laisser aller favoriserait l’animalité et conforterait la barbarie.
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