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Un film lyonnais pour (re)découvrir François Maspero

François Maspero est mort le 11 avril dernier, à Paris, à l’âge de 83 ans. Editeur, libraire, écrivain, traducteur, homme de radio, reporter, il était tout ça et même un peu plus. Discret, il a refusé un grand nombre de propositions de documentaires sur sa personne. A une exception près. Il a accepté la caméra de Bruno Guichard, président de la Maison des Passages, située dans le Vieux-Lyon.

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François Maspero. Capture d'écran du film "François Maspero, les chemins de la liberté".

Le film, « François Maspero, les chemins de la liberté », est sorti en DVD en décembre dernier.

François Maspero, Les Chemins de la liberté… par LESFILMSDUZEBRE

Ceux qui connaissaient déjà l’éditeur et le libraire parisien des années 50 à 1982 pourront découvrir que François Maspero adorait la poésie et, à travers les lectures de ses textes, notamment par le photographe lyonnais Yves Neyrolles, qu’il était un formidable écrivain.
Et ceux qui ne connaissent pas François Maspero pourront comprendre quelle a été la densité de sa vie et de ses combats.

« Résistant »

En amont de l’avant-première du film qui s’est tenue en décembre dernier au cinéma les Alizés à Bron, François Maspero avait répondu au magazine municipal. Ce fut son ultime entretien. A la question de savoir s’il se définissait comme un « homme livre », il avait répondu qu’il se considérait comme « résistant » :

« Je suis reconnaissant d’être né dans une famille de résistants de la première heure. Avec tout ce que cela a comporté… la mort de mon frère au combat à 19 ans, la mort de mon père à Buchenwald et le 
retour de ma mère de déportation. Cela compte beaucoup pour moi, et, bizarrement, aujourd’hui plus que jamais. Oui, je choisis « résistant  » plutôt qu’« homme livre » car cela me réduirait sur une pratique de lecture qu’il conviendrait d’élargir » .

Le film montre ce parcours de « résistant » : la mort de son frère engagé à 19 ans dans les troupes américaines comme traducteur ; sa librairie «  La Joie de lire », une sorte d’université populaire de la gauche révolutionnaire de l’époque ; et bien sûr la maison d’édition Maspero qui a connu la censure de dizaines de livres pendant la guerre d’Algérie et après.

Dans cet entretien à Bron magazine, François Maspero évoque ce moment fondateur où il a commencé, en 1959, à publier ses premiers livres qui témoignaient de cette guerre-là :

« La guerre d’Algérie m’a conduit à produire des textes, pas seulement de réprobation morale, comme les Editions de Minuit, mais des textes qui donnaient vraiment la parole aux Algériens, j’ai eu la chance de pouvoir publier Frantz Fanon et bien d’autres livres… Ce qui m’a valu de nombreuses 
inculpations et plusieurs attentats contre ma librairie. »

Toujours dans cet entretien, il rappelle à quel point il recevait des coups de la droite, évidemment, mais aussi des « révolutionnaires » de gauche :

« Je ne veux pas oublier qu’après 1968, j’ai été l’objet d’une double persécution : d’un côté par le Ministère de l’Intérieur de l’époque qui me traduisait régulièrement devant les tribunaux avec de lourdes condamnations ; et de l’autre par certains groupes d’extrême-gauche qui me pillaient. Je l’ai payé très cher et ça m’a conduit à une tentative de suicide. Mais en même temps il y a eu la formidable mobilisation des auteurs qui ont sauvé mes éditions. »

 

François Maspero. Capture d'écran du film "François Maspero, les chemins de la liberté".
François Maspero. Capture d’écran du film « François Maspero, les chemins de la liberté ».

« Un complot d’amis »

Réalisé et produit par un « complot d’amis », pour reprendre l’expression d’un autre de ses amis, Edwy Plenel, ce film a pour origine une exposition de la Maison des Passages de 2009 puis d’un livre « François Maspero et les paysages humains » co-édité par deux maisons d’édition lyonnaise A plus d’un titre et La fosse aux ours.

Bruno Guichard, le président de la Maison des Passages , installée dans le Vieux-Lyon et définie comme un lieu qui promeut l’interculturalité et la « créolisation sociale », raconte que François Maspero avait fixé une seule condition pour accepter de passer devant la caméra, 40 ans après un premier film de son ami Chris Marker.

Ce nouveau film devait montrer des gens, ses amis, « qui se battent aujourd’hui » :

  • Les paysans cévenols de la Confédération paysanne Christian et Lili Planque
  • Caroline Troin du Festival du film de Douarnenez.

Bruno Guichard, qui a écrit le film avec Yves Campagna et Jean-François Raynaud, résume ce qu’il a voulu montrer de François Maspero :

« François disait « on a perdu à la mort de Che Guevara ». Il faisait partie d’une génération qui a voulu changer le monde et qui s’en est donné les moyens. Ça a échoué. Après, François s’est battu jusqu’au bout pour la dignité humaine ».

Après avoir quitté sa maison d’édition alors qu’il était devenu un « bon maître artisan » selon ses termes, François Maspero a écrit un roman autobiographique «  Le sourire du chat » et a voyagé. Il a ramené de grands récits notamment sur l’ex-Yougoslavie en compagnie du photographe Klavdij Sluban.

A ses amis, il faisait part de son sentiment sur le voyage :

« Moi, je peux voyager. Des gens me disent « bienvenue chez nous ». Moi, je ne peux pas leur dire ça. Car ils ne peuvent pas venir et passer les frontières ».

> Voir le film

Le film, « François Maspero, les chemins de la liberté » (de la boîte de prod’ lyonnaise les Films du Zèbre) est surtout visible en DVD.

On le trouve à Lyon la librairie Terre des livres et à la Maison des Passages.

Il y a peu de diffusion dans les salles. La dernière, à laquelle assistait François Maspero, a eu lieu à la Maison des métallos à Paris.

A Lyon, la prochaine projection aura lieu à Médiathèque du Bachut (8e arr.) en septembre.


#Cinéma

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