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A la Paillasse Saône, des scientifiques bricolent au nom d’une recherche éthique

Le hacklab lyonnais spécialisé dans les « clean-tech » et « low-tech » est en bonne voie. Fondé sur le modèle de la Paillasse à Paris, le site baptisé Paillasse Saône entend créer un pôle de sciences dites « ouvertes ». Les fondateurs ont déjà fourni des productions intellectuelles et quelques prototypes. Reste à pérenniser le modèle.

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A la Paillasse Saône, des scientifiques bricolent au nom d’une recherche éthique

Les pailas'Sons à l'oeuvre / crédits : la Paillasse Saône
Les paillas’sons à l’oeuvre sur le piège à moustique. Crédits : la Paillasse Saône.

C’est une petite maison à Villeurbanne rebaptisée la MINE (Manufacture des Idées et Nouvelles Expérimentations). Les murs défraîchis accueillent les membres de la Paillasse Saône, qui se sont appelés les paillas’sons.

Ce local, situé juste à côté du pôle scientifique de la Doua (université Lyon 1) et loué par le Grand Lyon en échange d’un loyer de 200 euros est un « tiers-lieu ». Un espace qui n’est ni celui du travail, ni celui du foyer. C’est un entre-deux qui permet la rencontre de différentes communautés scientifiques indépendantes, comme Beyond Lab pour du travail en co-working.

A l’intérieur, un véritable chantier de réhabilitation pour transformer ce pavillon en « laboratoire de garage ».

 

Monter les projets à la Paillasse Saône, « pour réussir »

Rieul Techer, le fondateur de l’association lyonnaise la Paillasse Saône, tente de résumer :

« L’objectif est de partir du principe qu’il n’y a pas de monopole des grandes idées et de laisser la liberté à des projets de recherche et d’expérimentation de se développer dans des domaines aussi divers que la biologie, l’énergie, l’agriculture ».

Lui qui a connu des difficultés à obtenir un laboratoire et des financements pour son projet de thèse explique la genèse de l’association :

« Mon but est de permettre à des personnes qui sont brillantes dans leur domaine de réussir. Je ne trouvais pas normal que des gens qui ont de super projets ne puissent pas les réaliser. « 

« On n’accepterait pas des projets sur le développement d’armes chimiques »

Rieul Techer, 29 ans, ingénieur de formation, fondateur de la Paillasse Saône   Crédits : FC/Rue89Lyon
Rieul Techer, 29 ans, ingénieur de formation, fondateur de la Paillasse Saône.
Crédit : FC/Rue89Lyon.

Et rajoute :

« Le but est de s’approprier la technologie, la comprendre et la détourner de son usage afin d’en faire quelque chose d’utile et d’ouvert, contribuant ainsi à la production de biens communs. »

Mais Rieul Techer prévient, il y a des conditions sine qua none :

« On se trouve en amont des projets, on aide les porteurs de projet. On met à disposition notre lieu, le matériel et des compétences techniques si besoin. Il faut que le projet ait une certaine orientation éthique avec des valeurs que nous partageons. On n’accepterait pas des projets sur le développement d’armes chimiques, par exemple. »

 

Du matériel de récup’ et pas de propriété des projets

A Lyon, le hacklab s’oriente vers les low-tech et les clean-tech qui permettent une baisse drastique des coûts. Les clean-techs, c’est l’ensemble des technologies propres. Cela peut se résumer par le maximum de performance avec les moyens du bord.

A première vue, cela ressemble à du bricolage amateur, des objets fabriqués avec des bouts de ficelle. Mais l’intérêt et la pertinence scientifiques sont bien là.

Rieul, ingénieur de formation, raconte :

« Le matériel s’obtient par de la récupération. On a aussi des liens avec les académies : l’INSA ou l’Université de sciences de Lyon. On récupère le matériel qui est considéré obsolète pour eux. »

Projet d'aquaponie, prototype modèle réduit Crédits FC/Rue89Lyon
Projet d’aquaponie, prototype modèle réduit.
Crédit : FC/Rue89Lyon.

Les recherches sont donc le fruit d’une collaboration de communautés scientifiques qui travaillent en coworking. Aucun des projets ni des prototypes n’est la propriété d’une personne en particulier.

  • L’aquaponie

Les réalisations scientifiques passent par une refonte des modèles traditionnels tels que l’agriculture intensive. Des nouveaux systèmes permettent d’économiser en eau et d’utiliser le moins possible de pesticides, comme une usine à salade verticale. Les Paillas’Sons ont imaginé un système d’agriculture par aquaponie. L’écosystème bactérien des poissons rouges, ainsi que leur déjections permettent de créer un système d’engrais naturel. L’eau des poissons, par un circuit fermé alimente les plantes. Elles filtrent l’eau, qui rejoint le milieu de vie des poissons.

  • La micro-méthanisation

Le projet, qui existe déjà sous forme de prototype, va plus loin que la valorisation du déchet. La micro-méthanisation consiste à tirer partie de la matière organique jusqu’à son maximum. Les déchets en décomposition dégagent du méthane (le même que le gaz de ville). L’intérêt est donc de l’extraire d’une simple boîte de compost et de l’utiliser. Les déchets, quant à eux, entièrement décomposés, servent comme engrais naturels. Le tout étant instrumenté (mesures de la pression, du gaz) et entièrement sécurisé.

  • Le piège à moustique

Deux facteurs expliquent l’attirance des moustiques : le CO2 et la température. Quatre prototypes sont à l’étude pour piéger les moustiques et les tuer. Pour la Paillasse Saône, il s’agit d’aider les Pays en Voie de Développement à se munir de pièges à moustiques à moindre coût pour lutter contre les maladies véhiculées par ces insectes. Un fablab au Brésil s’est d’ailleurs manifesté auprès de l’association.

Des pièges à moustique déjà commercialisés coûtent près de 2000 dollars pièce et sont donc inaccessibles pour les pays moins développés.

Un ancrage territorial et des revues opensource

Yvain Berthiot, membre de la Paillasse Saône, présente le potentiel du biomimétisme
Yvain Berthiot, membre de la Paillasse Saône, présente le potentiel du biomimétisme  /Crédits FC/Rue89Lyon

Philippines, Lausanne, Paris et maintenant Lyon. L’ensemble de ces « paillasses » vient d’initiatives indépendantes mais elles se regroupent en réseau de laboratoires ouverts.

A l’origine : le DIYBio (Do It Yourself Biology). C’est la recherche hors les murs, de la biologie en dehors des circuits conventionnels. Le mouvement s’est tourné ensuite dans le domaine des technologies et de la science plus généralement. C’est ce qu’on appelle la mouvance biogarage/biohackerspace.

Ces lieux sont marqués par l’idéologie du partage : des productions destinées à tous et les résultats des expériences accessibles sans restrictions. C’est l’opensource informatique adaptée à la science.

Pour Rieul Techer, le fondateur de la Paillasse Saône, cette alternative à la science telle qu’elle est pratiquée, est liée au système de la recherche publique notamment en France et du traitement qui est fait des doctorants. Il confie :

« Je ne suis pas convaincu du motto actuel du « publish or perish » (publie ou péris) qui domine dans la recherche scientifique. Il y a une course à la publication qui induit des dérives. « 

Des revues de publications scientifiques opensource apparaissent. Au départ, on reprochait aux journaux leur manque de crédibilité, n’étant pas relus par les éminences. Mais le regard porté sur ces productions évolue.

La revue Plos réhabilite les publications ouvertes, avec la même rigueur et méthodologie scientifiques que d’autres revues, mais avec des résultats libres de droit.

Les Paillas’Sons ont conscience des problèmes auxquels font face ces modèles alternatifs qui s’inscrivent aussi dans un effet de mode.

Rieul Techer conlut :

« Pour moi la réelle difficulté, c’est d’animer une communauté autour d’un projet et de faire en sorte que le soufflé ne retombe pas. L’enjeu est de s’ancrer dans le territoire. »


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Le quartier Confluence, l'un des pôles numériques dans la candidature de Lyon au label "French Tech". Crédit : Hugo Lautissier/Rue89Lyon.
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