Yves a l’habitude du débat, son mur est souvent truffé d’échanges vifs relatifs à l’actu. Cette fois, lui qui partage sa vie avec un homme depuis plusieurs années, a raconté simplement comme il s’est heurté, sans avoir eu à fouiller très longtemps sur le net, à la façon de penser de son cousin. Les traces laissées sur les réseaux sociaux montrent que ce dernier a été virulent et actif dans l’opposition au projet de loi de mariage gay et que ses préférences politiques vont, par ailleurs, vers l’extrême droite.
« On choisit ses amis »
Cela doit faire près de vingt ans que je n’ai pas de contact avec mes cousins bretons, vu que, à l’époque déjà, on n’avait pas beaucoup d’atomes crochus. Et puis la distance, tout ça…
Et voilà que je reçois un SMS de ma tante me demandant mes coordonnées pour l’envoi du faire-part de mariage de mon cousin, avec qui mes derniers souvenirs sont les entraînements au combat rapproché dans son jardin.
Ce message a donc été l’occasion de googliser son nom. Et de tomber sur son blog de célibataire en quête de l’âme sœur -il se marie donc cet été, la preuve que ça a fonctionné, visiblement. Son Facebook est parsemé de mentions « J’aime » pour Louis XVI, pour la Manif pour tous et Marion Maréchal Le Pen. Je suis vert, c’est du cliché breton en veux-tu en voilà.
J’ai aussi pu remarquer à cette occasion qu’on n’a aucun ami en commun (et saluer l’efficacité des algorithmes de Facebook).
Mais aussi l’occasion de me rendre compte qu’ils ne connaissaient pas Benoît. Mon compagnon depuis 15 ans. Voilà qui est fait. Du coup, je ne suis pas sûr qu’on soit invités. On verra bien. Ou pas.
Avec Benoît ou pas du tout
C’est vrai. Je ne sais pas vraiment pourquoi je parle de ça sur ma page Facebook. Honnêtement, j’hésite un peu. Je me refuse à juger les autres, et j’exige la même chose d’eux. Ainsi, tout en constatant que nous sommes à des années-lumières l’un de l’autre, c’est un moyen d’affirmer ma position, et de montrer que je refuserai toute discrimination.
Je crois que ma réponse est claire : c’est avec Benoît ou pas du tout.
Et c’est aussi une manière de rappeler que c’est une lutte permanente, une pédagogie constante d’expliquer, de montrer, de défendre, en essayant de ne pas entrer dans la revendication ou le communautarisme.
Communautarisme dans lequel beaucoup aiment à nous imaginer, renvoyer, cloisonner. Et, disons-le, dans lequel il fait bon vivre. C’est confortable de ne pas avoir à se justifier, et donc de s’enfermer dans l’entre-soi.
Le quota minorité
J’ai ce sentiment : l’homophobie a pour effet de générer un communautariste encore plus fort. Je réfléchis encore à la réponse à envoyer à mon cousin.
C’est toujours bien de faire de la pédagogie, on le fait tout le temps et pas seulement sur l’homosexualité, on le fait aussi sur des questions comme le féminisme, le racisme ou le genre (qui sont des thèmes récurrents sur mon mur).
Mais on ne s’oublie pas dans ce combat: je n’ai pas assez de temps pour l’occuper avec des personnes qui ne veulent pas me/nous voir. Si ça ne fait pas plaisir à tout le monde, j’ai plein d’autres choses à faire et de gens gentils à voir. Je préfère passer un weekend avec des amis que je n’ai pas vu depuis longtemps à Montpellier plutôt que de passer une mauvaise soirée en étant le « quota-minorité » d’un mariage de personnes que je ne vois jamais.
Je sais qu’il n’était pas évident pour tout le monde que nous soyons présent au mariage d’une amie l’été dernier ; nous y sommes allés parce que, malgré des divergences d’opinion, j’ai la conviction que son invitation était bienveillante, sincère et respectueuse. Je refuse de me cacher, mais je ne m’impose pas non plus.
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