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5 choses à savoir sur l’élection municipale partielle de Vénissieux

Ce dimanche 22 mars et peut-être le 29 mars prochain, les électeurs de Vénissieux devront retourner aux urnes pour élire leur conseil municipal et leur maire. C’est le Conseil d’Etat qui en a décidé ainsi, suite aux « manoeuvres frauduleuses » d’Yvan Benedetti (ex-FN), qui conduisait la liste d’extrême droite. A quoi cette campagne expresse a-t-elle ressemblé ? 

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1/ Les Minguettes feront l’élection

Ce quartier de 22 000 habitants est le plus peuplé et le plus emblématique de Vénissieux. Il est célèbre pour ses tours, ses émeutes des années 1980 et la Marche de l’égalité de 1983.

Comme dans la plupart des quartiers populaires, le plateau des Minguettes collectionne les records d’abstention dans une ville de banlieue où, en moyenne, on vote peu (56% d’abstention au 1er tour des municipales de 2014). même à l’occasion de scrutins réputés mobilisateurs comme les municipales, les électeurs se déplacent peu.

La carte ci-dessous montre que des records ont été atteints sur le plateau au 1er tour des municipales de 2014, avec un pic dans le bureau de vote « Paul Langevin » à 70% d’abstention.

Puisqu’il s’agit d’une élection partielle, on s’attend au moins au même niveau de participation voire, encore, à une dégradation.

Cette abstention fait le jeu de la gauche. Quelle soit communiste (emmenée par Michèle Picard) ou socialiste (emmenée par Lotfi Ben Khelifa), lorsque l’abstention est la plus élevée, la gauche est toujours en tête.

Inversement, au premier tour des municipales de mars 2014, la liste de droite de Christophe Girard est arrivé en tête là où l’abstention est la plus basse. Son fief étant le petit bureau de vote du nord de la commune « Ernest Renan » où il a réuni 34% des voix. Voir la carte des candidats arrivés en tête au premier tour.

2/ Le FN présent, les communistes sereins

Les ultranationalistes tombant sous le coup d’une inéligibilité, c’est sur cet espace de l’échiquier politique que des questions subsistaient encore lors du dépôt des listes des candidats.

Damien Monchau, candidat FN. ©LB/Rue89Lyon
Damien Monchau, candidat FN. ©LB/Rue89Lyon

Le FN a finalement réussi à déposer une liste conduite par l’ex tête de liste du FN à la Croix-Rousse, Damien Monchau.
C’est une mauvaise nouvelle pour Christophe Girard, à l’origine du recours qui a conduit à l’annulation des élections. Arrivé en deuxième position en 2014, il aurait pu espérer se voir un peu plus libre de ses mouvements.

D’autant plus qu’au vu de la « dynamique nationale » du FN, la liste « Vénissieux Bleu Marine » peut envisager de faire au moins un aussi bon score que la liste conduite par
Yvan Benedetti et Alexandre Gabriac en 2014.

Le tête de liste Damien Monchau présente à la fois le visage avenant d’un FN « dédiabolisé » mais aussi la continuité avec la liste « Venissieux fait front » de 2014. Il a en effet repris une dizaine de colistiers de cette liste et s’est placé sous le patronage de Bruno Gollnisch, ex-leader du Front national en Rhône-Alpes et mentor du duo Benedetti/Gabriac.

Son dérapage lors du débat organisé TLM a par ailleurs largement été relayé par ses adversaires. Il a déclaré (voir à 41’30’’) :

« Les chiffres, c’est comme les hommes, en les torturant bien comme il faut, on leur fait dire ce qu’on veut ».

3/ Gérard Collomb et la campagne low cost des socialistes

Le socialiste Lotfi Ben Khelifa a du souci à se faire. Compte tenu du contexte national, du niveau d’abstention attendu, il sait qu’une liste PS ne va pas rallier les foules.

Le chef de file des socialistes vénissians attendait un accord avec les communistes.

Une affiche du candidat Lotfi Ben Khelifa sur le marché du centre-ville de Vénissieux. ©LB/Rue89Lyon
Une affiche du candidat Lotfi Ben Khelifa sur le marché du centre-ville de Vénissieux. ©LB/Rue89Lyon

Mais Michèle Picard, malgré sa victoire de 2014, a gardé en travers de la gorge cette désunion de la gauche et la campagne qui l’a opposée durement à Lotfi Ben Khelifa. Pour elle, il était hors de question de composer avec cet ancien adjoint.

Résultat, celui qui a été surnommé « LBK » est parti très tardivement en campagne. Et, pour ne rien arranger, avec de nombreuses défections.

Trois des cinq élus municipaux de la liste qu’il conduisait en 2014 ne le suivent plus :

  • La radicale de gauche, Nadia Chikh et la socialiste Sandrine Picot ont rejoint Michèle Picard.
  • L’ex-président du Sytral, Bernard Rivalta, qui ne voulait pas d’une liste autonome, a tenté de faire de même. Mais sans succès.

Outre ces défections d’élus, de nombreux colistiers n’ont pas rempilé en 2015. Comme le soulignait l’hebdomadaire les Potins d’Angèle du 12 mars, on compte 29 nouvelles têtes sur 49 noms. Et parmi ceux-ci, très peu de militants socialistes.

Malgré le soutien du président PS de la Métropole de Lyon, Gérard Collomb, la campagne se fait en mode low cost : pas de local comme en 2014, peu de distribution de tracts (hormis lors du rituel du marché), peu de porte-à-porte.

En face, Michèle Picard dispose d’un local et a pu intensifier une campagne municipale qui, habituellement, dure six mois : réunions d’appartement pour la maire ; 40 personnes pour faire du porte-à-porte trois soirs par semaine ; cinq réunions publiques ; trois grosses distributions de tracts dans les boîtes aux lettres.

Quant à Christophe Girard, il a également eu les moyens de louer un local et un camion.

Le Camion transparent de Christophe Girard (divers droite) devant le marché des Minguettes le 28 février. ©LB/Rue89Lyon
Le camion transparent de Christophe Girard (divers droite) devant le marché des Minguettes le 28 février. ©LB/Rue89Lyon

Pour compenser, l’équipe et les soutiens de Lotfi Ben Khelifa se montrent les plus actifs sur les réseaux sociaux et particulièrement sur Facebook.

Notamment pour relayer la venue de Gérard Collomb au marché des Minguettes ou lors du meeting de veille du 1er tour (une balade du président de la Métropole qui n’a pas été sans heurts, comme le montre la vidéo d’un blogueur visible plus bas).

4/ L’emploi : priorité numéro 1

Plus de 20% de chômage en moyenne, 40% de jeunes (moins de 25 ans) aux Minguettes, la question de l’emploi est naturellement celle qui est mise en avant. Tous font de l’ouverture d’une « Maison de l’emploi », où l’on regrouperait tous les services (Mission locale, Pôle emploi,…), une priorité. C’est ce que constatait le Progrès à l’issu du débat que le journal a organisé.

Cette thématique chez le candidat d’extrême droite Damien Monchau trouve cette forme dans son programme « la mise en en place d’une politique fiscale encourageant l’implantation d’entreprises à Vénissieux ».

Lotfi Ben Khelifa, candidat de la « majorité métropolitaine » propose dans son projet des emplois aidés :

« Dès 2016 nous offrirons 250 emplois d’avenir, 400 emplois d’insertion et 350 contrats de service civique, dispositifs largement co-financés par l’Etat. Le coût de cette mesure sera financé par des économies sur les charges trop lourdes et inefficaces de l’administration générale de la mairie. »

La maire sortante (PCF) Michèle Picard devant le local de campagne. ©LB/Rue89Lyon
La maire sortante (PCF) Michèle Picard devant le local de campagne. ©LB/Rue89Lyon

Pour sa campagne, Michèle Picard réinvestit d’abord son bilan. Mais parle rapidement d’emploi. Elle insiste sur les missions « régaliennes » de l’Etat et le travail « partenarial ». En tant que maire, elle veut prendre sa part autour du triptyque « éducation/formation/emploi » :

« Vous pouvez amener toutes les entreprises que vous voulez à Vénissieux, si nos habitants ne sont pas formés, ça ne marche pas. On l’a vu avec le laboratoire Carso (analyse de l’eau, ndlr) qui s’est installé dernièrement. Ils sont venus avec leur 550 salariés. Ils doivent en embaucher 150 de plus. Pour qu’ils prennent des Vénissians, il faut que nos formations, notamment dans les lycées, s’adaptent ».

Christophe Girard veut, lui, « se battre » pour redonner une belle image de la ville pour attirer les investisseurs. Au-delà d’une « communication attractive », il veut « se battre » (une fois de plus) « pour obtenir des aménagements nécessaires à l’implantation des entreprises (accès routier, fibre optique, espaces modulables…) ».

5/ La campagne au rythme des blogs et médias alternatifs

C’est une particularité de cette campagne municipale (partielle) à Vénissieux : la politique passe aussi par les blogs et autres sites qui proposent une information « militante ».
Capture d'écran de Venissieux-Infos
Le premier d’entre eux, se nomme Vénissieux Infos. C’est le blog d’Abdelhadi Haddou. Il le tient depuis six ans. Et depuis un an et demi dans sa forme actuelle.

Quand nous lui demandons d’où il parle, il se présente comme « anti-communiste au sens anti-maire de Vénissieux ».

Cet informaticien au chômage de 54 ans peut poster jusqu’à trois billets par jour et revendique en cette période électorale 700 visites. Il raconte jour par jour toute la campagne. Comme ce tract signé par les « candidats des Minguettes de la liste Picard » reçu par des habitants à propos du marché sauvage du plateau où Abdelhadi Haddou réside. Ou comme ces affiches des candidats recouvertes de tracts.

Il compte comme « collaborateur occasionnel » Mokrane Kessi, une des figures politiques des Minguettes. Ancien membre de la majorité communiste, il a fait la campagne de François Hollande en 2012 avant de soutenir Christophe Girard et de rejoindre l’UMP. Mais il n’est pas sur ses listes. Il préfère « préparer » les prochaines élections régionales et déjà faire campagne pour Laurent Wauquiez .

Cela veut-il dire que Vénissieux Infos soutient la liste de droite ?

« Je ne roule pour personne, répond Abdelhadi Haddou. Je roule pour que la mairie communiste tombe. Mon but est surtout de donner un endroit où les Vénissians peuvent s’exprimer ».

Sur un autre site, ICI Vénissieux (pour « Initiatives Citoyennes Indépendante »), on se présente comme un « média de partage, de résistance citoyenne, des habitants des quartiers populaires, des « minorisés » de la République » (sic).
C’est Arar Dadi, un animateur social de 43 ans qui a lancé ce média alternatif au début du mois de janvier.

Contrairement au bloggueur de « Venissieux Infos », il ne se présente pas comme tel mais comme porteur d’une démarche politique visant à l’émergence d’un « mouvement politique » permettant d’aller au-delà des appartenances partisanes.

Il voudrait créer « du lien » entre les militants politiques des quartiers et la population car dit-il, « il y a urgence » :

« On vit une crise majeure dans les quartiers. Si dans deux ans, Marine Le Pen est au second tour de la présidentielle, ça va s’embraser. Il faut retisser des liens à partir du terrain pour répondre à ces problèmes ».

Arar Dadi a son avis sur le niveau d’abstention :

« Si l’abstention atteint des niveaux records, ce n’est pas que les gens se désintéressent de la politique. Au contraire. Mais ils ne s’inscrivent plus dans une logique partisane ».

Le site de « ICI Vénissieux », vénissieux-minguettes.fr, veut surtout produire des vidéos pour « redonner la parole ».
C’est ce qu’il a pu faire en faisant une vidéo qui mêle histoire des Minguettes et micro-trottoir auprès des habitants des Minguettes.

Lors de la venue de Gérard Collomb sur le marché des Minguettes le samedi 14 mars, il nous explique avoir voulu « montrer le climat de la campagne », en ajoutant ses commentaires en sous-titres.

Pour ces élections de mars 2015, on ne compte plus que cinq listes contre neuf en 2014 :

  • La maire communiste sortante, Michèle Picard  mène une liste d’ »union de la gauche » avec le Parti de gauche, Europe Ecologie/Les Verts, le Mouvement Républicain et Citoyen ainsi que le PRG. Sa liste avait obtenu 37,64% des voix au second tour.
  • Christophe Girard conduit une liste Divers droite, union de l’UMP, de l’UDI, du Modem et de Debout la France. Il était arrivé en deuxième position avec 30,40% des voix.
  • Lotfi Ben Khelifa est de nouveau à la tête d’une liste autonome PS après l’échec d’une union avec le PC. Il était troisième position avec 21,69%.
  • Une liste FN est cette fois-ci présente et est emmenée par Damien Monchau. Pour rappel, la liste d’extrême droite d’Yvan Benedetti (ex-FN) avait récolté 10,27% sous le sigle « Vénissieux fait front ».
  • Parmi les listes qui n’était pas qualifiée pour le second tour en 2014, seule subsiste Lutte Ouvrière avec Jean-Pierre Tardy (2,67% des voix au 1er tour).

#Banlieue

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Photo : Capture d'écran du site de campagne

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