L’INSEE Rhône-Alpes a dévoilé ce mois les résultats d’une étude sur la précarité dans les trois grandes métropoles de la région. Et il n’y a « pas eu d’évolution forte malgré la crise ». Des préjugés sont aussi malmenés : l’agglomération stéphanoise n’est pas beaucoup plus pauvre que la métropole lyonnaise.
Des zones de précarité persistent, parfois importantes, et des disparités entre les territoires et au sein même des métropoles. Pascal Oger, directeur régional de l’INSEE a tordu le cou aux raccourcis en présentant les résultats de la dernière étude sur la précarité réalisée par ses équipes avec le concours des trois intercommunalités.
« En relatif, il y a peu de différences entre les trois métropoles. Même par rapport à Lyon qui est la ville la plus dynamique et une des plus riches de France. On surestime souvent les situations. »
En chiffres, cela se traduit par un taux moyen de 20 % de ménages à bas revenus dans les trois métropoles :
- 23 % sur le territoire de Saint-Etienne Métropole (40 000 ménages environ),
- 20 % dans la Métropole de Lyon (110 000 ménages environ),
- 18 % dans l’agglomération de Grenoble (40 000 ménages environ).
Comparer Saint-Etienne « la pauvre » à Lyon « la riche » n’a donc pas beaucoup de sens pour l’INSEE :
« Le problème de Saint-Etienne c’est qu’elle est souvent comparée à Lyon et sa région qui sont riches. Mais si on la compare à d’autres bassins industriels en reconversion ou à l’ensemble du territoire, elle se classe plutôt bien. A l’échelle nationale, Saint-Etienne est dans la moyenne », affirme le directeur régional.
Dans l’ensemble, l’institut estime qu’il n’y a « pas eu d’évolution forte » dans les trois métropoles par rapport à sa précédente étude il y a cinq ans. Et ce malgré la crise et une augmentation du chômage en négatif ou les opérations de rénovation urbaine en positif. « La crise économique a contrecarré les politiques de la Ville », juge Pascal Oger. De même que, sans surprise, l’étude montre une corrélation entre les situations de précarité et les quartiers d’habitat social.
« Malgré les dispositifs ANRU, les projets de logements, les opérations urbaines, la destruction de tours, le stock d’habitat social reste très concentré dans certains quartiers », analyse le directeur.
Au-delà du constat général qui nivelle les situations à l’échelle des agglomérations, il demeure toutefois des disparités entre les trois territoires. La précarité est ainsi plus importante dans la métropole stéphanoise ; la métropole lyonnaise bien que plus riche présente des zones de difficultés monétaires et d’accès à l’emploi fortes dont la situation a parfois empiré en cinq ans ; et celle grenobloise renferme aussi des poches de précarité y compris dans le centre de Grenoble.
Le salaire médian de l’agglomération était de 19 800 en 2010, au-dessus de la moyenne nationale. L’agglomération lyonnaise est donc plutôt « riche ». « Le développement économique est fort mais tout le monde n’en profite pas et il faut bien que les gens habitent quelque part. Ceci explique alors les disparités dans l’agglomération », estime le directeur régional. A l’ouest aisé s’oppose alors un arc quasi continu à l’est, de Rillieux-la-Pape à Saint-Fons, où se concentre les situations de précarité de l’agglomération.
Selon l’INSEE, les communes Vaulx-en-Velin, Saint-Fons et Vénissieux sont les plus touchées.
- À Vaulx-en-Velin deux ménages sur cinq sont en dessous du seuil de pauvreté
- Saint-Fons compte une proportion de personnes âgées seuls plus importante que dans le reste de l’agglomération
- dans ces trois communes, plus d’un tiers des familles dépendent à plus de 50 % des allocations familiales.
Si la précarité monétaire de certains quartiers de Vaulx-en-Velin (Mas du Taureau, la Thibaude, la cité Tase) reste très importante, la situation de la commune s’est améliorée. « En 2006 on dénombrait 58,5 % de ménages à bas revenus, nous sommes à 55 % en 2012 », note Axel Gilbert chargé d’étude à l’INSEE.
A Givors et Rillieux-la-Pape, la situation s’est même aggravée en cinq ans selon l’institut. Du point de vue monétaire à Rillieux et dans l’accès à l’emploi pour Gibors. « Il y avait 14 % de chômage avant la crise, on est à 18 % aujourd’hui », indique Axel Gilbert.
Dans Lyon, les poches de précarité se concentrent dans la 1er et le 9e arrondissements, sur les pentes de la Croix-Rousse et à La Duchère qui « reste le quartier où il y a le plus de précarité à Lyon ». Ici, l’évolution depuis la dernière étude reste toutefois positive.
Grenoble : de la précarité dans la ville centre
La métropole grenobloise est celle qui présente la proportion la plus faible de situations de précarité. Comme pour celle de Lyon, elle gagne des habitants bénéficiant d’un dynamise économique. Elle présente une particularité : plus que les deux autres métropoles, ici c’est la ville métropole qui concentre le plus de précarité. « La moitié des précaires de la métropole se trouve dans Grenoble ». Ils se concentrent dans les quartiers de La Villeneuve, Teisseire ou au Village Olympique mais aussi dans le centre de la ville (centre ancien et cours Berriat). Là, note l’INSEE, il s’agit d’une population « de personnes seules, d’étudiants, de travailleurs pauvres ou de personnes âgées seules ».
Autour de Grenoble, les proches de précarité se situent sur les communes de Fontaine et une partie d’Echirolles (quartier Viscose), de Saint-Martin d’Hères et Pont-de-Claix notamment. Si la précarité monétaire est bien présente dans certains quartiers de ces communes proches de Grenoble, l’accès à l’emploi y est plus difficile que dans les quartiers de Grenoble les plus précaires.
La situation est contrastée à l’échelle du territoire de l’agglomération.
« Il y a des différences entre Echirolles qui malgré des quartiers en situation de précarité présente une certaine mixité avec 15 % de cadres et Vizille par exemple, plus éloigné de Grenoble, comparable à Givors pour la métropole lyonnaise où 60 % des travailleurs sont ouvriers ou employés », explique Axel Gilbert.
Saint-Etienne : « une certaine mixité sociale à la différence de Lyon et Grenoble »
« A Saint-Etienne, le problème est démographique. La ville a perdu 10 000 habitants depuis l’an 2000. Il y a un exil vers le périurbain où on retrouve des classes moyennes souvent propriétaires », d’écrit le chargé d’étude. La métropole stéphanoise est celle qui présente le plus de précarité. Un revenu médian plus faible de 15 % que dans les agglomérations lyonnaises et grenobloises, un taux de chômage plus élevé et des emplois moins qualifiés.
Toutefois, la ville compte encore 10 % de cadres et présente encore pour le directeur régional de l’INSEE une « certaine mixité sociale à la différence de Lyon et Grenoble ».
Dans la ville, les zones de précarité se retrouvent dans les quartiers de Terrenoire à l’est, Montreynaud au nord. Mais aussi dans le centre historique et le quartier Jacquard « souvent des personnes isolées, des petits ménages qui cohabitent avec des personnes plus aisées ».
La métropole se caractérise également par deux zones de concentration de précarité :
- la vallée du Gier,
- la vallée de l’Ondaine.
Dans la première les situations de précarité se retrouvent dans les centres historiques des communes. C’est le cas notamment à Saint-Chamond et Rive-de-Gier. « La vallée du Gier va mieux, tempère l’INSEE. La proximité de Lyon et son dynamisme économique aide sûrement. »
En revanche la vallée de l’Ondaine (La Ricamarie, Le Chambon-Feugerolles, Firminy) connait davantage de précarité depuis la dernière étude. Le taux de chômage a augmenté et les jeunes sans qualification s’y retrouvent en plus grand nombre qu’ailleurs dans la métropole. « Sur ces trois communes on retrouve simplement 5 % de cadres. »
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