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Redevance sur les présentoirs : les journaux gratuits de Lyon entrent en négociation

« Ce n’est pas une nouvelle taxe mais une redevance ». La Ville de Lyon tient à la nuance, pour définir la somme qu’elle réclamera désormais à tous ceux qui usent de présentoirs disposés dans l’espace public, pour proposer journaux et flyers. Les journaux gratuits de Lyon distribués par ce biais (20 minutes, Metro, A Nous Lyon, Direct Matin, Le Petit Bulletin, Heteroclite…) sont les premiers visés et négocient ferme avec les services de la mairie.

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Présentoir Le Petit Bulletin, librairie Passages (rue de Brest) / Crédits Axel Poulain/Rue89Lyon

Présentoirs à journaux (20Minutes, Metronews & Direct Matin), station de métro Saxe-Gambetta / Crédits Axel Poulain/Rue89Lyon
Présentoirs à journaux (20Minutes, Metronews & Direct Matin), station de métro Saxe-Gambetta. © Axel Poulain/Rue89Lyon

 

La délibération instaurant le principe d’une « redevance sur les présentoirs » tombée lors du conseil municipal de janvier a très vite agité les titres de presse concernés. Seul le Petit Bulletin* s’en est offusqué publiquement, diffusant un communiqué dès le lendemain. Pourtant, pour tous, les conséquences économiques peuvent être lourdes.

La redevance a été fixée à 150 euros par présentoir et par an. Au lendemain de l’annonce municipale, le service communication de 20 Minutes nous déclarait :

« On ne dira rien là-dessus, mais vous imaginez bien que l’on bouge chez nous. On est en pleine phase de négociations avec la mairie ».

En effet, rendez-vous ont été pris dans la foulée avec les services de la mairie et l’adjointe au commerce, à l’artisanat et au développement économique, Fouziya Bouzerda. Qui donne les explications :

« Il y a une multiplicité des occupations du domaine public, ça devient vraiment compliqué. Certains commerçants se plaignaient de payer alors que d’autres modes d’occupation de l’espace ne paient rien. La saine gestion de la ville passe par le fait d’être égalitaire. Des associations de riverains et de droits aux piétons nous ont aussi interpellés sur la multiplication d’objets sur le domaine public. Tous les jours on a de nouveaux objets : des mannequins devant les commerces, des porte-menus… Il nous faut réserver du stationnement pour les véhicules et les livraisons, du cheminement pour les piétons. On en est donc venus à la création de ce tarif. »

L’adjointe précise qu’il s’agit de « légaliser l’utilisation du domaine public quand elle n’était pas légale ». Voire « sauvage » :

« Il faut savoir qu’on a un règlement local de publicité qui existe à Lyon. Il va être remis à plat dans le cadre de la Métropole mais aujourd’hui, distribuer des journaux dans la rue, normalement c’est interdit. La Ville de Lyon a toujours été conciliante là-dessus, on a jamais fait application de cette interdiction. Et finalement, il y a un présentoir, puis deux, puis trois, puis des petits parasols… Au bout d’un moment, l’occupation du domaine public est devenue assez impactante. »

 

« Je ne peux pas privilégier la presse »

La taxation des présentoirs va également concerner les journaux d’annonces immobilières et autres flyers publicitaires. Mais ceux-là ne paieront qu’une redevance pouvant aller de 25,60 euros à 54,44 euros par présentoir et par an, selon la zone dans laquelle se trouvera l’objet (la presqu’île étant la zone la plus chère). Pourquoi cette différence de traitement avec les journaux de contenu ?

« Parce que l’occupation du domaine public est très différente », répond Fouziya Bouzerda.

Les quotidiens gratuits, dont la distribution matinale prend une place relativement importante aux sorties de métro, semblent donc être les premiers visés.

Présentoir Le Petit Bulletin, librairie Passages (rue de Brest) / Crédits Axel Poulain/Rue89Lyon
Présentoirs pour Le Petit Bulletin, devant la librairie Passages (rue de Brest). © Axel Poulain/Rue89Lyon.

Le Petit Bulletin, hebdo culturel gratuit présent à Lyon depuis 1997, mais aussi Heteroclite, mensuel « gay mais pas que » ou encore Grains de Sel, journal dédié aux familles avec enfants, n’ont pas le même fonctionnement dans leur diffusion : une majorité de leurs présentoirs est sortie et rentrée par des commerçants (boutiques et bars-restos) qui peuvent ainsi proposer gratuitement de la lecture aux chalands et à leurs clients.

Pour ces titres, la taxe ne serait donc pas directe : le commerçant qui gère l’apparition des présentoirs devra directement s’en acquitter. Il n’en faudra pas davantage pour qu’il décide de l’enlever afin de ne pas avoir à la payer, faisant alors quasiment totalement disparaître du paysage cette presse gratuite.

Marc Renau, directeur de la publication du Petit Bulletin, regrette un « gros manque de concertation » :

« La Ville de Lyon a bien le droit et elle a même raison de réglementer l’espace public. Seulement on apprend en janvier une décision qui prend effet au 1er février. D’une certaine manière, nos journaux rendent un service public et on concourt à notre mesure au pluralisme de la presse, qui est un milieu fragile et important. Il y a cinq cartes de presse chez nous ; on se plaint sans arrêt qu’il n’y a plus de journalistes dans cette ville. Il faut que la mairie fasse attention à sa presse locale. En la matière Lyon voudrait être une grande ville métropolitaine mais elle ressemble plus à Grenoble qu’à Paris. »

Ces titres locaux se sentent le dindon de la farce. Fouziya Bouzerda assure que l’objectif n’est pas de les « mettre en difficulté ». Une fois cette délibération votée, permettant d’être en conformité avec le règlement municipal mais aussi le fameux « principe égalitaire » qui voudrait que tout le monde paie, l’adjointe estime que « la concertation peut démarrer » :

« La presse nous dit : ‘oui, on est un secteur fragile’, mais les petits commerçants aussi disent que c’est difficile pour eux. Et j’ai l’interdiction de discriminer selon la nature de l’objet. Je ne peux pas privilégier la presse. Si on avait pu le faire, on l’aurait envisagé, mais la délibération aurait été illégale. »

 

Combien vont payer les journaux ?

Pour Le Petit Bulletin, la facture annuelle pourrait atteindre 7 000 euros. C’est surtout la disparation totale de ses présentoirs du paysage que le titre peut craindre, les commerçants ne souhaitant sûrement pas s’embarrasser d’une nouvelle taxe.

Les autres titres concernés par l’occupation des trottoirs, pour distribuer leurs journaux le matin, n’ont pas répondu à nos sollicitations, pour connaître la réalité de leur implantation dans la ville notamment.

Distribution journaux 20Minutes et Metronews métro Cordeliers / Crédits AxeL Poulain/Rue89Lyon
Distribution journaux 20Minutes et Metronews, métro Cordeliers. © Axel Poulain/Rue89Lyon.

Les gratuits 20 Minutes, Metronews et Direct Matin/Lyon plus (du groupe Le Progrès) sont distribués à différents points stratégiques de la ville, et notamment aux sorties de métro, sur les stations les plus importantes comme Part-Dieu ou Cordeliers.

Tous ont envoyé des représentants à la mairie pour tenter de négocier. Avec un postulat qui a servi d’argument principal : la presse souffre d’une crise profonde et la moindre nouvelle ligne de dépense comptable tombe comme un coup de trique.

Par exemple, 20 Minutes ne sort plus le mardi, par manque d’annonceurs dans le journal et dans le but de réaliser des économies sur ses coûts d’impression et de distribution, notamment. Cette semaine, 20 Minutes ne sortira même que le mercredi et le vendredi.


L’Instant M : 20 Minutes « Qu’on ne vienne pas… par franceinter

Metronews n’a plus qu’un seul journaliste au lieu de deux à Lyon, depuis trois ans ; 20 Minutes a supprimé les postes de photographes dans les villes et coupé à ras son budget piges. Les pages sont très souvent réduites à leur portion congrue.

 

… et combien peut gagner la ville ?

En dehors de la distribution dans la rue, on les trouve également dans des présentoirs disposés dans le métro. Pour ceux-là, aucune redevance ne sera demandée par la Ville : les médias ont déjà passé un accord avec le Sytral (autorité organisatrice des TCL) de l’ordre du partenariat, c’est à dire une présence dans le métro négociée contre de la publicité dans les pages.

Dans la discussion tout juste ouverte avec la mairie, ces titres nationaux n’ont pas menacé de quitter Lyon, ce qui aurait pu être un argument de poids. Leur crainte est que la décision municipale fasse tâche d’huile et inspire d’autres villes en France. Ce qui est déjà le cas, croit savoir Fouziya Bouzerda :

« Ce n’est pas une décision sortie de notre chapeau. On a discuté avec d’autres services municipaux. Je sais qu’à Paris, il y a une réflexion d’un euro par jour et par présentoir. Ce qui est beaucoup. Ils préparent la délib’, comme à Bordeaux. On n’est pas précurseurs là-dessus ! A Marseille, les journaux gratuits sont taxés. A Mâcon, Villeurbanne, Nice également. En fonction des villes, c’est taxé lourdement ou pas. On s’est mis volontairement sur une tranche très modérée pour une ville comme Lyon. »

L’adjointe ne nie pas que cette redevance « permettra d’optimiser les recettes » de la municipalité. Mais l’aubaine n’est pas si grande. Une estimation à la louche comptabilise environ 100 présentoirs. Soit 15 000 euros par an dans le porte-monnaie de la municipalité. Avec cette taxe, Gérard Collomb prend aussi le risque d’écorner son image de soutien aux entrepreneurs.

« On ne peut pas maintenir une exception qu’on nous a reprochée. L’objectif ce n’est pas de mettre à mal les emplois, vous imaginez bien, la ville veut rester dynamique », répond-on à la mairie.

Le recensement des présentoirs est en cours, la redevance sera « appelée » mais les modalités de paiement seront souples pour l’année 2015, promet l’adjointe au développement économique.

 

*Le Petit Bulletin est actionnaire de l’entreprise éditrice de Rue89Lyon, détenue en majorité par ses journalistes.


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