A Décines, ce samedi soir, une conférence a réuni une petite centaine de personnes dans la salle des fêtes municipale. Elle était intitulée « L’Islam en lumière : éclairer contre l’obscurantisme » et elle était programmée depuis plus d’un mois. Organisée par l’imam de cette petite commune de l’Est lyonnais, Mohamed Mintah, cette conférence a évidemment pris un tour auquel personne ne s’attendait avant l’attentat commis ce mercredi dans les locaux de Charlie Hebdo.
Une voiture de police est restée postée devant la salle des fêtes. Premier réflexe de journaliste, la salle est passée au scanner. Un gros sapin de Noël enguirlandé commence à montrer des signes de fatigue et trône devant l’estrade qui doit accueillir deux conférenciers, dont l’imam de Décines.
On fait une comptabilité : combien d’hommes, combien de femmes sont présents, quelles tranches d’âge, combien de personnes qui semblent être d’origine maghrébine ou encore de « têtes blanches », combien de garçons en tenues montrant l’appartenance religieuse, avec barbes et combien d’autres en jeans-baskets. Combien de chaque et qu’est-ce que cela signifie ?
Après avoir lu et expliqué « le message pacifique du Coran », l’imam de Décines a invité son public à se rendre au défilé de Lyon, emmené par le Club de la presse locale ce dimanche 11 janvier. Beaucoup de recteurs de mosquées en France, d’imams ont, comme lui, dans leur prêche de ce vendredi, invité leurs fidèles à se rendre dans les manifestations pour « dénoncer la barbarie ».
Mais des questions ont porté, ce samedi à Décines, sur la façon de se comporter « désormais » en tant que musulmans et sur la peur d’afficher son appartenance à cette religion.
« Comment lutter contre l’envie de se replier ? », a demandé une femme d’une quarantaine d’années.
« La liberté d’expression, ça va jusqu’où ? », a poursuivi un jeune homme, assis derrière elle.
Malgré l’indication de l’imam, plusieurs personnes sont sorties de cette conférence en s’interrogeant sur la possibilité de leur participation à la marche « Lyon est Charlie ». Certains parce que, même s’ils condamnent les assassinats des terroristes, n’acceptent pas les caricatures de l’hebdo.
Ce dimanche, on peut imaginer que certains musulmans y seront donc. Et d’autres pas. Les journalistes seront sur place pour faire leur travail de reportage. Et tous tenteront de passer au scanner la foule qui ne manquera pas d’être vaste et animée de motivations variées. Ils compteront combien il y a de hijabs, de têtes supposées arabes et, si l’on cède à la tentation du raccourci, éventuellement musulmanes. Comme un moyen, bien maigre et limité, de vérifier qu’existent bien cette cohésion nationale et la dénonciation la plus large possible des actes criminels commis mercredi, dans les locaux de Charlie Hebdo, puis ailleurs, jeudi et vendredi.
La jeune femme qui, lors de la conférence, a posé la question du repli, a également déclaré avoir peur de sortir avec son hijab, foulard sur la tête et noué au cou. De nombreux actes islamophobes ont été recensés partout en France depuis cette date du 7 janvier 2015 ; aller à la marche organisée à Lyon lui semblait ce samedi soir peu probable.

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