Au moment de la discussion projet de loi portant sur la réforme territoriale, contenant en partie le projet de Métropole de Lyon, Rue89Lyon publiait une foire aux questions. Nous avions peu de certitudes et beaucoup de points d’interrogation tant ce processus de fusion-acquisition paraissait être mené au pas de course.
Depuis, le calendrier issu de d’une loi sur-mesure votée en janvier 2014 a été respecté. Et le 1er janvier sera officiellement proclamée la naissance de la Métropole de Lyon, collectivité territoriale à statut particulier.
A la veille du basculement officiel de l’agglomération lyonnaise dans la Métropole, ce 1er janvier 2015, nous avons davantage de réponses sur les contours de cette nouvelle collectivité mais, encore, quelques questions.
1. La Métropole de Lyon n’est pas de taille européenne
2. Au 1er janvier, assurer la continuité du service public
3. Il faudra partager les pompiers (et autres) avec le Beaujolais et les Monts du Lyonnais
4. On pourra encore dire qu’on est du « 69 »
5. On ne change pas de siège pour la Métropole aux couleurs rouge, noir, blanc
6. Une Métropole pour quoi faire ?
7. La Métropole va financer le nouveau Rhône et récolte des emprunts toxiques
8. Les élus vont-ils s’augmenter un peu, moyennement, beaucoup ?
9. Modalités d’élection : des « petits maires » de l’ouest lyonnais vont disparaître
10. La Métropole signe-t-elle la fin de votre commune ?
11. Pour la démocratie, on repassera ?
12. Bataille entre la Métropole et la Région pour être la locomotive économique
13. Deux grosses questions sociales : le temps de travail et la rémunération
14. Agricole, péri-urbain et précaire, le nouveau visage du Rhône
1. La Métropole de Lyon n’est pas de taille européenne
Il y a un an et demi, on se demandait si la Métropole allait être de taille européenne. Comme on pouvait s’y attendre, elle ne le sera pas car le périmètre n’a pas été élargi à la région urbaine de Lyon, c’est à dire aux communes qui restent dans le champ d’attraction de Lyon.
Gérard Collomb lorgne pourtant toujours du côté de Barcelone ou de Milan, ses modèles. Il veut donc faire de Lyon une véritable métropole européenne.
Mais compte tenu de sa taille (1,3 millions d’habitants) et de ses activités économiques (peu de sièges sociaux notamment), le Grand Lyon ne pourra pas encore rivaliser avec Barcelone (3,2 millions d’habitants) ou Milan (3,7 millions d’habitants). Dans une étude de l’été 2012, la Délégation interministérielle à l’aménagement du territoire et à l’attractivité régionale (DATAR) classait même l’agglomération lyonnaise dans un deuxième groupe de métropoles de taille moyenne, derrière les 26 premières métropoles européennes. Ce qui faisait dire à Bernard Constantin, professeur à Sciences-Po Lyon, dans les Potins d’Angèle du 23 mai :
« Si Lyon veut effectivement devenir une véritable métropole de dimension européenne, le périmètre du Grand Lyon ne suffit pas ».
Par ailleurs, pour une Métropole qui se rêve de taille européenne, ne pas avoir d’aéroport sur son sol, ça fait un peu désordre. Saint-Exupéry étant situé dans le nouveau Rhône.
Michel Mercier explique dans l’Express du 24 décembre dernier « qu'[ils] n’ont pas voulu commettre la même erreur que l’Union européenne » :
« Nous, nous commençons par l’approfondissement en accroissant les compétences. L’élargissement viendra plus tard ».
Toujours dans l’Express, Gérard Collomb ajoute :
« Je préfère convaincre. Quand la Métropole aura fait ses preuves, d’autres communes nous rejoindrons ».
2. Au 1er janvier, assurer la continuité du service public
Pour les équipes qui travaillent à l’équation à multiples inconnues Grand Lyon + Département = Métropole de Lyon, « l’enjeu essentiel » est d’assurer « la continuité du service public ». Et cela n’a rien d’évident surtout que la direction du Grand Lyon doit organiser des missions dans des secteurs jusque là inconnus de la communauté urbaine comme l’enfance, le social, le handicap ou la gestion des collèges.
Pour assurer cette « continuité », deux questions sont évoquées à titre d’exemple : le déneigement et les prestations sociales.
- Assurer la viabilité hivernale, c’est à dire que les routes restent praticables. Résultat : les services voiries concernés seront réorganisés au printemps, comme nous l’explique un technicien : « on ne va pas changer les circuits de déneigement. Les deux collectivités se sont mises d’accord pour les conserver jusqu’à avril 2015 ».
- Pour partitionner le système informatiques permettant la gestion des prestations sociales (Prestation de Compensation du Handicap, aides financières de maintien dans le logement …), il a fallu arrêter la saisine de nouveaux dossiers. Résultat : pendant trois semaines (jusqu’au 5 janvier), les agents vont devoir prendre sur papier les nouvelles demandes pour ensuite les entrer sur leur ordinateur. « C’est plus compliqué, ça fait du travail supplémentaire », reconnait-on à la direction du Grand Lyon. Et d’affirmer que « le service public est assuré ».
Outre ces deux questions prioritaires au mois de janvier, le passage à une gestion métropolitaine concerne toutes les structures (à quelques exceptions près) qui jusque là étaient du ressort du département du Rhône.
Pour la culture, on pense évidemment au très cher Musée des Confluences qui vient d’ouvrir. Il faut compter également le Musée gallo-romain de Lyon ainsi que les Nuits de Fourvière. La Métropole reprend également une compétence culturelle obligatoire pour tous les départements : la lecture publique et le schéma des enseignements artistiques (notamment les écoles de musique).
Enfin les collèges (et le personnel non-Education nationale afférent) présents sur le territoire de la Métropole de Lyon sont pilotés par la Métropole à partir du 1er janvier.
3. Il faudra partager les pompiers (et autres) avec le Beaujolais et les Monts du Lyonnais
Mais certaines structures jusque là pilotées par le département resteront organisées à un niveau « départemental-métopolitain », selon le nouveau vocable qu’il va falloir employer.
Il en va des sapeurs-pompiers, autrement appelés SDIS (service départemental d’incendie et de secours). Pour ne pas recréer une direction des pompiers pour la Métropole de Lyon et une autre pour le nouveau Rhône, la loi prévoit un « service départemental-métropolitain d’incendie et de secours » dirigé par un conseil d’administration où siégeront les représentants des deux collectivités.
Outre les pompiers, le Sytral (l’autorité organisatrice des transports) va couvrir l’ensemble des deux nouvelles collectivités. Jusque là, le Sytral ne s’occupait que des TCL du Grand Lyon. Désormais, tous les transports en commun sur route (ou presque) du nouveau Rhône et de la Métropole seront organisés par le Sytral où vont siéger des élus de chaque collectivité. De nouveaux élus doivent être nommés dans les premiers mois de l’année 2015.
Plusieurs services, commissions et autres comités consultatifs vont également devenir interdépartementaux ou, selon la nouvelle expression, « départementaux-métropolitains ». C’est ce qu’a fixé l’ordonnance prise lors du conseil des ministre du 19 décembre dernier.
Ce qui veut dire que, pour ces structures, peu de choses vont changer. Le Grand Lyon et le conseil général du Rhône continuant à gérer en commun. Voici la liste. Il suffit de remplacer le terme « départemental » par « départemental-métropolitain » :
- La Maison Départementale des Personnes Handicapées (MDPH)
- La commission départementale de la coopération intercommunale du département du Rhône
- Le conseil départemental consultatif du Rhône
- Le comité départemental des retraités et personnes âgées du département
- Le conseil de famille du département
- La commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées
- La commission consultative paritaire départementale
Quant aux logements sociaux de l’Opac du Rhône, l’ordonnance de décembre donne un an aux deux collectivités pour se partager les HLM. Puisque qu’environ 75% des immeubles se situent sur son territoire, la Métropole de Lyon devrait récupérer le gros du patrimoine.
Le cas de l’institut départemental de l’enfance et de la famille (Idef) est un peu à part. Ce lieu qui assure l’accueil d’urgence des enfants en danger appartenait au Rhône. Désormais, il devient un établissement métropolitain car situé au bord du parc de Parilly (à Vénissieux; lequel parc départemental passe logiquement sous la coupe de la Métropole). Mais au terme d’une convention signée entre le Grand Lyon et le conseil général, l’Ides pourra être utilisé par le Nouveau Rhône.
4. On pourra encore dire qu’on est du « 69 »
La Métropole de Lyon est, de fait, un département à statut particulier, à l’image de Paris. En droit, on parle de « collectivité à statut particulier », comme la Corse. Mais un nouveau numéro ne lui sera pas attribué. Les codes postaux resteront donc inchangés tout comme les plaques des véhicules. Le 69 vaudra pour le nouveau Rhône comme pour Lyon.
Précisons que le numéro du département sur les plaques minéralogiques, même s’il reste obligatoire, est au libre choix de chacun.
Le maintien du « 69 » s’explique par une organisation des services déconcentrés de l’Etat inchangée (pour le moment). En d’autres termes, le préfet du Rhône devient donc préfet du nouveau Rhône et de la Métropole de Lyon. Toutes les subdivisions départementales restent les mêmes.
5. On ne change pas de siège pour la Métropole aux couleurs rouge, noir, blanc
Absorption du département par la communauté urbaine oblige, le coeur de la métropole restera les bâtiments du Grand Lyon. Le siège est donc situé rue du lac, dans le 3e arrondissement, actuel « hôtel » de la communauté urbaine.
Pour l’ensemble des service, on compte des bâtiments à Gerland ou à la préfecture. Pour l’instant, la question du regroupement sur un seul site n’est pas d’actualité.
La grande direction du développement solidaire et de l’habitat va par exemple s’installer courant 2015, à Gerland, dans les anciens bâtiments de Sanofi (la halle Borie), à proximité du Pont Pasteur.
L’identité visuelle de la Métropole sera propre mais la charte graphique restera la même que celle du Grand Lyon (Rouge, noir, blanc). Donc pas de coût supplémentaire, nous promet-on.
6. Une Métropole pour quoi faire ?
Lors de sa conférence de presse de janvier 2014, François Hollande avait pris en exemple la création de la Métropole de Lyon pour expliquer que le regroupement des collectivités territoriales permettrait de diminuer la « dépense publique » en supprimant une couche du millefeuille administratif. Mais ce qui semble tomber sous le sens reste à démontrer.
Difficile de faire des économies d’échelle. Car, jusque là, le Grand Lyon n’assurait pas les compétences du Département, notamment sociales. Il faudra toujours aller à une guichet pour y déposer son dossier de RSA ou d’adulte handicapé, ça n’a pas beaucoup de sens.
Comme le faisait remarquer le maire PS de Villeurbanne Jean-Paul Bret, s’il s’agit seulement de rebaptiser « Maison de la Métropole de Lyon » la « Maison du Rhône », ça n’a pas beaucoup de sens.
Le sénateur-maire UMP d’Oullins, François-Noël Buffet, affirmait il y a quelques mois qu’il n’y aura pas de baisse globale des dépenses :
« Ces économies se feront à la marge, sur la voirie par exemple. Car le Grand Lyon s’en occupe déjà. Pour le reste, ce seront de nouvelles compétences, donc difficile de faire des économies ».
Gérard Collomb continue toutefois d’évoquer les économies que cela pourrait impliquer. Mais il compte sur la réorganisation globale des services entre Grand Lyon et les communes. A ce sujet, tout doit se négocier entre les communes et la Métropole de Lyon, notamment à l’occasion du pacte de cohérence métropolitain qui doit être signé avant juillet 2015 (lire ci-dessous).
Le président du Grand Lyon met surtout en avant la « plus-value » qu’apporte le regroupement dans une seule collectivité de compétences qui étaient jusque là portées par deux.
Quand il vend « sa Métropole », le maire socialiste de Lyon prend deux exemples : le logement et le développement économique/insertion.
- Jusque là le Grand Lyon faisait de la construction et de la promotion de logement; et le conseil général, de l’accès au logement et le maintien dans le logement. Ces deux types d’approches vont être réunies au sein d’une seule et même direction centrale.
- L’une des compétences du Grand Lyon a toujours été le développement économique, c’est-à-dire la promotion de l’attractivité du territoire. Désormais, il y a un seul grand pôle qui regroupe développement économique et l’insertion par l’emploi.
L’un des responsables de la cellule « Métropole » au sein du cabinet du président voit là « des potentialités économiques énormes » :
« Culturellement, c’est une vraie bascule de mettre ces sujets-là dans une même collectivité. Par exemple, quand on rapproche la silver-économie (l’économie de la dépendance) et les politiques autour de l’autonomie et de la dépendance, champ des personnes âgées et handicapées, on solvabilise l’emploi des aides à domicile qui est un vrai gisement. »
7. La Métropole va financer le nouveau Rhône et récolte des emprunts toxiques
Fort d’un budget de 3,5 milliards d’euros (au lieu de 2,2 milliards pour le Grand Lyon), la Métropole de Lyon va peser lourd. Beaucoup plus lourd que le Nouveau Rhône.
Michel Mercier, qui est toujours l’homme fort du conseil général, a demandé une aide pérenne de la Métropole et la prise en charge d’une partie des emprunts toxiques. Gérard Collomb a accepté. C’était une condition sine qua non pour faire la Métropole aussi rapidement.
Début novembre, le gouvernement a validé, par ordonnance, cet accord financier qui vient clore également la répartition des dépenses et des recettes. La Métropole de Lyon versera ainsi chaque année 75 millions d’euros au nouveau Rhône à titre de compensation.
Après avoir épluché et ventilé toutes les lignes de dépenses et recettes, les acteurs du dossier ont bien dû admettre ce qu’on pouvait imaginer. Simplement dit : amputé du territoire grand lyonnais, le nouveau département du Rhône ne dispose pas de recettes suffisantes pour couvrir ses dépenses de fonctionnement.
« C’est pour maintenir le train de vie du département, que nous avons besoin d’une dotation de compensation », résumait l’actuel vice président UDI du conseil général, Michel Mercier.
Un accord a été trouvé sur la somme de 75 millions d’euros que la Métropole de Lyon versera chaque année au Conseil général.
La particularité de cet accord est qu’il inscrit dans le marbre cette somme qui a un sens en 2014, mais qui sera peut-être sur ou sous-évaluée dans les prochaines années en fonction de l’évolution de la fiscalité locale ou des dépenses respectives des deux collectivités.
Si aujourd’hui cette dotation est très favorable à Michel Mercier, Gérard Collomb veut croire que l’accord le protègera de futures déboires financiers. Du futur Rhône, pas de la Métropole :
« La création de richesse se fait dans les métropoles. Si un décrochage se fait plus important en faveur de Lyon, nous payerons pas plus de 75 millions. »
Gérard Collomb ne croit pas à un scénario noir avec baisse des rentrées fiscales et augmentation des dépenses sociales comme le RSA :
« Notre dynamisme économique fera qu’on ne payera pas plus de social ».
S’agissant de la dette, le Rhône est l’une des collectivités les plus mal-en-point avec un montant de 239 millions d’euros d’emprunts toxiques (« emprunts structurés » dans la novlangue administrative) contre 233 millions annoncés il y a un an.
Le Grand Lyon a choisi de gérer conjointement avec le conseil général ces emprunts. Une partition de cette dette aurait pu conduire à l’annulation de la procédure judiciaire en cours. Gérard Collomb a donc décidé d’aller au bout du recours engagé (tardivement) par le conseil général contre les banques.
Une fois le contentieux passé, le Grand Lyon devrait hériter de 64% de ces emprunts toxiques.
8. Les élus vont-ils s’augmenter un peu, moyennement, beaucoup ?
Au 1er janvier 2015, les conseillers communautaires élus à l’issue des élections municipales de mars 2014 deviendront les futurs élus métropolitains.
Actuellement, un conseiller communautaire de base perçoit 1 064,41 euros, soit 28% de l’indice brut terminal de l’échelle indiciaire de la fonction publique. Sans parler des 25 vice-présidents qui perçoivent chacun 2 242,87 euros. Le président émarge à 4 485,73 euros.
La loi prévoit que ce sont les élus eux-mêmes qui fixeront dans les prochaines semaines ce montant dans la limite de 70 % de l’indice brut de la fonction publique, soit 2 661,03 euros pour un conseiller métropolitain, 5 512,13 euros pour le président et 3 725,44 euros pour les vice-présidents. Autrement dit une augmentation de 250%.
En ces temps de vaches maigres et de négociation du régime indemnitaire des nouveaux agents de la Métropole, Gérard Collomb a d’ores et déjà fixé un cadre :
« Le total des indemnités versées par la Métropole aux élus ne sera pas plus élevé que la somme des indemnités des conseillers généraux du périmètre du Grand Lyon et des actuels conseillers communautaires ».
Dans son numéro du 20 novembre 2014, l’hebdo « les Potins d’Angèle » a sorti la calculette :
- Montant des indemnités des actuels conseillers communautaires = 215 581,23 euros /mois
- Montant des indemnités des conseillers généraux du périmètre du Grand Lyon (soit 6 vice-présidents et 30 conseillers généraux) = 110 000 euros
Moralité, Si Gérard Collomb tient sa parole, il ne pourra augmenter les indemnités qu’à hauteur d’une enveloppe globale de 110 000 euros par mois.
Les Potins d’Angèle font une petite simulation :
« En versant 600 euros par mois de plus aux 166 conseillers métropolitains, cela ne coûtera que 99 000 euros. 11 000 euros mensuels seraient économisés par rapport à aujourd’hui tandis que les élus de base verraient leur indemnité augmenter de 56%, les VP de 26% et le président de 13% ».
9. Modalités d’élection : des « petits maires » de l’ouest lyonnais vont disparaître
Encore une fois, Gérard Collomb a rusé pour faire passer la grosse pilule. réélu en avril à la présidence du Grand Lyon grâce aux « petits maires » divers droite, le maire de Lyon a fini par se fâcher avec le groupe Synergies qui rassemble 28 de ces maires sans étiquette de l’ouest lyonnais.
Et pour cause, le 17 décembre dernier, le conseil des ministres a pris une ordonnance entérinant les modalités d’élection des conseillers métropolitaines en 2020. Et ce texte réglementaire ne plaît pas du tout à ces élus.
Jusque là, parce que le Grand Lyon était un établissement public de coopération intercommunal (EPCI). Les conseillers communautaires étaient élus par les différents conseils municipaux.
Devenant une collectivité territoriale à statut particulier, la Métropole de Lyon doit disposer de conseillers métropolitains élus au suffrage universel direct.
Préparée par le préfet du Rhône, cette ordonnance prévoit donc l’élection des 166 conseillers le même jour que les élections municipales.
Les modalités d’élection copient celles des élections municipales pour les communes de plus de 1 000 habitants : un scrutin proportionnel, de liste, à deux tours avec prime majoritaire accordée à la liste arrivée en tête.
La création de la carte des différentes circonscriptions a mis le feu. Le préfet en a créé 14 (voir la carte) s’appuyant sur les périmètres existants des conférences des maires (à l’exception de la commune de Sainte-Foy-lès-Lyon pour une question de répartition démographique).
Avec ce découpage-là qui doit, selon la loi, faire en sorte que les circonscriptions aient plus ou moins le même nombre d’habitants, il n’y aura plus au moins un siège par commune de l’ouest lyonnais. Certains « petits maires » de l’ouest ne siègeront donc plus en 2020.
Pour faire passer la pilule, la loi prévoit la mise en place d’une « Conférence métropolitaine », autrement dit l’assemblée des 59 maires du périmètre de la Métropole. C’est elle qui élabore un des instruments censé être central dans la gouvernance de la Métropole « le pacte de cohérence métropolitain ». Lequel doit être adopté avant le 1er juillet 2015 et qui fixe la stratégie de délégations de compétences de la Métropole vers les communes et des communes vers la Métropole. En dehors de l’adoption de ce pacte, la « conférence métropolitaine » n’a qu’un rôle consultatif.
Les maires du groupe Synergies sont mécontents et ont déposé une motion lors du tout dernier conseil communautaire :
« Les critères retenus par le préfet dans sa proposition sont uniquement démographiques alors que l’ordonnance fait état de bases essentiellement démographiques et non exclusivement démographiques. Chaque circonscription présente un décalage considérable de population, l’écart entre la circonscription la moins peuplée et la plus peuplée s’élevant à plus de 40%. »
Mais Gérard Collomb a refusé de la soumettre au vote, car il risquait fort de se retrouver en minorité.
Pour calmer le jeu, le futur président de la Métropole de Lyon manie la carotte et le bâton. Il a tout d’abord annoncé qu’il était prêt à créer un « groupe de travail » pour étudier des « amendements » à déposer lors de la ratification de l’ordonnance par le Sénat et l’Assemblée nationale.
Ensuite, par la bouche de l’un des membres de son cabinet, Gérard Collomb fait expliquer que les élus Synergies se trompent sur l’interprétation de la jurisprudence du Conseil constitutionnel : Il ne faut pas prendre en compte l’écart de population entre circonscription mais l’écart par rapport à la moyenne obtenue en faisant le ratio population de la Métropole / nombre de sièges. Or, précise-t-on, au cabinet cet écart n’excède pas les 20% comme le tolère le Conseil constitutionnel.
10. La Métropole signe-t-elle la fin de votre commune ?
On se posait déjà la question au moment de la publication du projet de loi. On ne peut que la reposer. Le mode d’élection, au suffrage universel direct, et l’absence de certains maires va faire bouger les lignes.
Pour l’UMP François-Noël Buffet, cette légitimité nouvelle va nécessairement remettre en question les communes :
« Pour l’instant les communes ne sont pas remises en cause. Mais une légitimité née de nouvelles élections donnera à la Métropole énormément de puissance. On va se retrouver, de fait, sans le niveau communal ».
Ensuite, la loi MAPTAM prévoit que la future Métropole de Lyon récupère des compétences des communes, notamment :
- Equipements culturels, socioculturels, socio-éducatifs et sportifs d’intérêt métropolitain.
- Les réseaux de chaleur, dont celui de l’important réseau de chauffage urbain de Vénissieux.
- La police municipale pour ses compétences en matière de circulation.
Certains maires se montrent frondeurs. Outre les « petits maires » de l’ouest, le maire de Villeurbanne, le socialiste Jean-Paul Bret, qui ne veut pas que les communes se fassent « dépouiller », a créé son propre groupe au sein du Grand Lyon nommé « La Métropole autrement ».
Le sénateur-maire Gérard Collomb a voulu « sécuriser », selon ses termes, les communes en faisant passer des amendements en commission des lois. Désormais la loi prévoit que les communes pourront s’opposer aux transferts de compétences de la police municipale et aux équipements déjà existants.
Le rendez-vous décisif sur cette question sera l’élaboration du « Pacte de cohérence métropolitain » au premier semestre 2015 par la « Conférence métropolitaine » qui regroupe les 59 maires.
11. Pour la démocratie, on repassera ?
En décembre 2012, Collomb et Mercier ont d’abord présenté le projet d’ alors nommé « Euro-métropole » aux journalistes. Les derniers au courant ont été les élus des deux assemblées concernées qui n’ont pas été associés au montage du projet.
Autant dire que dès l’origine, ce processus d’absorption a été entaché de suspicions. Elus de gauche comme de droite ont dénoncé le manque de démocratie et de transparence tout en soutenant la philosophie globale de la Métropole de Lyon.
Depuis, des commissions se sont réunies sur le sujet pour « suivre » les avancées du projet de loi.
En mars 2014, près d’un an après le vote de la loi sur la Métropole, c’était les élections municipales. c’eut été le bon moment de mettre en débat les différentes options qui s’offrent pour le gouvernement de la future Métropole. Mais Gérard Collomb a préféré faire du sujet le grand absent de cette campagne, ne l’évoquant qu’à travers le prisme du développement économique.
Dans les documents de campagne distribués aux Lyonnais, on ne trouvait aucune mention des questions institutionnelles soulevées par cette fusion-acquisition.
Seules les « petites » listes écologistes et Front de gauche-Gram ont abordé dans les leurs la question métropolitaine sous l’angle des changements démocratiques et non pas seulement sous l’angle économique ou urbanistique (comme chez le socialiste Gérard Collomb).
Ce constat vaut pour Lyon comme pour la majorité des communes de l’agglo, à l’exception de Vénissieux et Villeurbanne.
Gérard Collomb va donc devenir l’élu le plus puissant de France, à l’occasion d’une décision du Conseil constitutionnel qui l’autorise à être chef de deux exécutifs jusqu’aux élections de 2020. C’est normalement illégal. Mais pour la Métropole de Lyon, le Conseil constitutionnel ne le tolère que pour une période transitoire.
L’épisode de la motion présentée par le groupe Synergies sur les modalités d’élection des conseillers métropolitains donne également du grain à moudre à ceux qui pointent le manque de démocratie dans le processus de création de cette collectivité territoriale à statut particulier.
12. Bataille entre la Métropole et la Région pour être la locomotive économique
Depuis l’annonce de la création de la Métropole de Lyon, il y a deux ans, Gérard Collomb, président du Grand Lyon, ambitionne d’absorber une compétence stratégique de la région Rhône-Alpes, l’économie. C’était sans compter la résistance que lui oppose son président Jean-Jack Queyranne. Les deux socialistes, qui affichent une entente de façade, tentent de se faire entendre du gouvernement.
Dans le contexte de la réforme territoriale lancée par François Hollande, l’enjeu est de savoir qui, de la Métropole de Lyon ou de la région va obtenir le pilotage des questions économiques.
Dernier épisode en date de cette guéguerre économique, l’examen par le Sénat de la loi NOTRe, comme Nouvelle organisation territoriale de la République, qui doit accompagner la réforme territoriale qui crée les 13 nouvelles régions.
Depuis le 16 décembre, le sénateur-maire Gérard Collomb défend bec et ongle « sa » compétence économique sur les bancs du Palais du Luxembourg :
« Voilà un an, nous adoptions la loi MAPTAM, qui marquait une reconnaissance historique du fait urbain, notamment de la dynamique portée dans notre pays par les métropoles.
Cette reconnaissance était saluée par tous les spécialistes de l’économie des territoires qui l’ont reconnue comme constituant un grand pas en avant. Ceux-ci constatent unanimement que, aujourd’hui, c’est très largement dans ces métropoles, dans ces agglomérations que se crée une part essentielle de la richesse de notre pays. (…)
Avec le texte qui nous est soumis, le risque est de voir enlever la capacité économique aux métropoles et aux agglomérations pour en faire une compétence exclusive des régions. Ce serait une erreur profonde.
Pour ma part, je crois fortement à la nécessité d’un couple métropoles ou grandes agglomérations et régions. Mais le rôle de ces entités ne saurait être le même : les métropoles doivent faire naître l’innovation tandis que les régions doivent la généraliser. (…)Qui peut croire que, demain, la région Rhône-Alpes–Auvergne pourra être également attentive à tout ce qui est en germe dans des villes aussi différentes que Lyon, Saint-Étienne, Grenoble, Clermont-Ferrand, Annecy, Chambéry ? »
A l’extérieur de l’hémicycle, il répétait à la caméra de Public Sénat tout le mal qu’il pense de cette loi.
13. Deux grosses questions sociales : le temps de travail et la rémunération
La Métropole, cette entité aux super-pouvoirs comprend, au 1er janvier, les 4800 agents du Grand Lyon et une partie de ceux du Département du Rhône, pour atteindre le chiffre de 8700 agents.
En un an, le Grand Lyon a donc dû absorber près de 4 000 agents qui n’ont ni le même temps de travail, ni la même rémunération.
Pour ce faire, le dispositif « Passerelle » a été mis en place pour permettre aux agents du département qui avait le choix de faire acte de candidature sur les postes de la Métropole ou du nouveau Rhône.
En octobre dernier, Gérard Collomb envoyait un communiqué de presse pour se féliciter de la réussite du « chantier ressources humaines » puisque trois mois avant l’officialisation de la Métropole, 96% des agents du département connaissaient leur affectation.
C’est un fait. Mais depuis le vote de la loi MAPTAM il y a un an, rien n’a franchement avancé concernant la rémunération et le temps de travail.
Certes, les agents continueront à bénéficier du régime indemnitaire de leur collectivité d’origine. Mais il ne s’agit que d’une période transitoire. A terme, il faudra un seul régime indemnitaire. Problème : il y a de grosses différences entre le Rhône et le Grand Lyon, globalement à l’avantage des agents de la communauté urbaine.
Durant le dernier sprint final, le Grand Lyon rappelait régulièrement par des communiqués, « qu’un dispositif de négociations et de concertations a bien été mis en place ». « Insuffisant », nous expliquait le représentant de la CFDT, Pascal Bouchard :
« Ce sont des mots vides de sens. Il n’y a rien qui est mis sur la table des négociations ».
La plupart des syndicats ont donc préféré boycotter ces réunions.
Suite à la manif et à la grève de jeudi 6 novembre, ils ont finalement obtenu un rendez-vous le 8 novembre avec Gérard Collomb qu’ils ont revu le 17 décembre.
Mais rien n’a franchement avancé.
A la demande d’un « alignement sur le régime le plus favorable », le futur président de la Métropole de Lyon leur a répété ce qu’il a déjà dit et redit. Un alignement par le haut n’est pas possible :
« Cette harmonisation entre les régimes du conseil général et ceux du Grand Lyon coûterait la somme de 20 millions d’euros par an. Et ce n’est pas possible de supporter une augmentation de 10% de la masse salariale ».
En matière de bonne gestion des deniers publics, le représentant de la CFDT sort l’argument du Musée des Confluences qui va coûter près de 300 millions d’euros et 18 millions d’euros en fonctionnement annuel :
« Quand on voit ce musée qui va peser cinq fois le coût initial, les 20 millions d’euros de l’harmonisation des statuts par le haut peuvent être absorbés progressivement ».
Avant la trêve des confiseurs, une petite avancée se serait dessinée, selon la CGT. La secrétaire du syndicat de la Métropole, Laurence Margerit explique :
« Les personnes recrutées pour la filière administrative seraient embauchées aux « conditions Grand Lyon », plus avantageuses que celles du Rhône. On attend de voir la délibération fixant cela ».
A la demande du maintien des accords sur le temps de travail, Gérard Collomb a également rappelé ce qu’il a n’a de cesse de répéter, notamment dans ce communiqué de presse de novembre dernier :
« Le cadre légal définit aujourd’hui un temps de travail annuel de 1607 heures. Il est donc incontournable que la future Métropole respecte ce temps de travail pour ses agents, et ne puisse faire moins, comme aujourd’hui demandé par les syndicats ».
Le Grand Lyon oublie toutefois de préciser que cet accord sur les 35 heures qui fait que les agents travaillent moins que la durée légale a été signé puis défendu par… Gérard Collomb lui-même .
La situation reste pour le moment bloquée alors que les agents sont censés travailler ensemble au 1er janvier 2015.
Au Grand Lyon, on veut une nouvelle fois rassurer :
« Dans tous les cas, il n’y aura pas de modification du temps de travail avant septembre 2015 pour que les agents puissent continuer à avoir le même emploi du temps jusqu’à la nouvelle rentrée scolaire. »
14. Agricole, péri-urbain et précaire, le nouveau visage du Rhône
Les élus du Nouveau Rhône peuvent dormir tranquille, les fins de mois qui s’annoncent difficiles seront prises en charge par la Métropole de Lyon. Heureusement, car le Rhône amputé de son agglomération principale va avoir de gros besoins en matière sociale.
L’Insee a récolté pendant six mois, avec l’aide des services du département, des données sur le futur Rhône pour en dresser le portrait.
Vu dans sa globalité, le nouveau Rhône présente une réalité sociale relativement confortable. Mais à la loupe, des foyers de précarité noircissent le tableau.
Le chômage touche 8% de ses 429 000 habitants. C’est trois points de moins que dans le Rhône actuel qui comprend l’agglo lyonnaise. Les revenus y sont plutôt élevés : le net imposable par foyer fiscal s’élève à 26800 euros.
Amputé de Lyon et des villes importantes en taille de l’agglo, le Rhône nouveau conservera quand quelques pôles urbains importants, comme Belleville, Villefranche et Tarare. Ceux-là mêmes qui rencontrent des gros problèmes de précarité (plus du quart des habitants des zones désignées vit avec un bas revenu et le taux de chômage y est supérieur à 16%). Il s’agira donc toujours d’un territoire dans lequel l’aide sociale restera importante.
Le nouveau Rhône connaît également un phénomène de péri-urbanisation classique pour toutes les zones jouxtant les grosses villes, mais particulièrement fort ici.
« Beaucoup d’actifs de l’agglomération lyonnaise partent vivre en périphérie pour profiter d’un cadre plus calme », décrit Pascal Oger de l’Insee.
Environ 3500 logements neufs sont réalisés chaque année, et la moitié d’entre eux correspond à du logement individuel, consommant beaucoup d’espace. Il s’agit, dans le pourtour du Grand Lyon, d’une population plus jeune (familles avec enfants notamment).
L’Insee a peint un tableau connu : le Rhône c’est aussi les vignobles du Beaujolais. L’agriculture (lait et viticulture plus exactement) occupe deux tiers du territoire.
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