Les deux régions doivent être (en théorie) prêtes à travailler ensemble le 1er janvier 2016 même si cette réforme territoriale implique de grandes ou petites conséquences économiques, politiques et électorales.
Rue89Lyon relève 5 grandes questions sur ce futur mariage des territoires, en donnant, en prime, quelques réponses ou hypothèses. [Article initialement publié le 17 juin 2014]
1. Quelles compétences pour la nouvelle super-région ?
La toute nouvelle loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, publiée le 28 janvier dernier au journal officiel, a tenté de clarifier et de réduire le fameux millefeuille administratif.
Dès lors et jusqu’à aujourd’hui, la région est responsable de, en vrac : la promotion des entreprises à l’étranger, l’aménagement et le développement durable du territoire, la protection de la biodiversité, le climat, la qualité de l’air, l’énergie, le développement économique, le soutien de l’innovation, la complémentarité entre les différents modes de transports, etc.
Les départements, quant à eux, pilotaient l’action sociale, le développement social, l’autonomie et la solidarité des personnes. Le président François Hollande a indiqué que les conseils généraux disparaîtront « progressivement », pour être définitivement supprimés d’ici 2020.
À qui va-t-on, alors, donner ces compétences ? Aux régions et aux intercommunalités, répond François Hollande. En absorbant « une large part » des compétences des départements, le président de la République espère ainsi les hisser en « structure de proximité et d’efficacité de l’action locale ».
« 120 lycées publics et privés en Auvergne, et 266 lycées publics en Rhône-Alpes »
Reste alors à savoir de quelle manière vont se répartir les compétences entre la super-région et la future Métropole de Lyon, qui absorbera en janvier 2015 toutes les prérogatives du conseil général (voir question 2) sur le territoire de l’agglomération.
En sachant que Gérard Collomb, président PS du Grand Lyon et de la future Métropole de Lyon, et Jean-Jack Queyranne, président PS de la région Rhône-Alpes, se disputent le pilotage des politiques économiques depuis de nombreux mois.
Ce qui est certain, indique lemonde.fr, c’est que la nouvelle super-région sera la seule collectivité compétente pour soutenir les entreprises et porter les politiques de formation, d’emploi et de transport. Elle devra également gérer les lycées, les collèges et prendra en charge l’aménagement et les grandes infrastructures. A titre indicatif, on trouve 120 lycées publics et privés en Auvergne, et 266 lycées publics en Rhône-Alpes.
2. Quel rôle pour la métropole lyonnaise ?
C’est le point d’interrogation majeur de la réforme, pour ce qui concerne le territoire lyonnais. En matière de compétences, on sait déjà que la Métropole prendra toutes les prérogatives du conseil général du Rhône (RSA, personnes âges, handicapés, réseaux de chaleur, police municipale pour la circulation…), sur le territoire de l’agglomération, laissant un département très rural. Daniel Navrot, politologue et directeur de la publication « Rhône-Alpes Méditerranée », étaye :
« Ce sera un des sujets débattus par les parlementaires, mais pour l’instant on ne sait pas grand chose ».
« Gérard Collomb a tendance à vouloir une autonomie en matière économique »
Un des points importants à fixer sera notamment de savoir qui, de la super-région ou de la future Métropole, tiendra les rênes de la politique économique, et notamment de la promotion des entreprises locales à l’international. Comme dit dans le point précédent, la nouvelle loi de modernisation de l’action territoriale du 27 janvier dernier est claire à ce sujet : les régions seront compétentes en priorité pour le développement économique, le soutien de l’innovation et l’internationalisation des entreprises.
Mais, Daniel Navrot l’a remarqué :
« Gérard Collomb a tendance à vouloir une autonomie en matière économique. »
Néanmoins, Daniel Navrot tempère la guéguerre que peuvent se livrer Métropole et Région :
« Le développement économique est un terme assez vague, assez vaste. Il ne constitue pas un poste budgétaire au sein des collectivités, chacun peut l’interpréter un peu comme il veut. »
3. Et pourquoi pas la région PACA plutôt que l’Auvergne ?
C’est vrai, ça, pourquoi pas la région PACA (Provence-Alpes-Côte d’Azur) ? Laquelle est en bien meilleure santé économique que l’Auvergne – en 2012, la région méditerranéenne produisait plus de 7% de la richesse nationale, contre 1,2% pour nos voisins auvergnats.
Une partie de PACA, car seuls quelques départements intéresseraient Jean-Jack Queyranne, qui avait déclaré à Lyon Capitale :
« J’avais dit il y a deux options possibles : à partir du moment où on écarte l’idée que des départements puissent nous rejoindre, à l’intérieur des régions – par exemple les Hautes-Alpes qui quittaient la région Provence-Alpes-Côte d’Azur pour nous rejoindre – soit la région Rhône-Alpes restait elle-même parce qu’elle a déjà la dimension européenne, soit on se retrouvait avec une région voisine, l’Auvergne. »
Objectivement, c’est la deuxième option qui a été choisie. Probablement parce que le gouvernement n’a pas autorisé les départements à changer de région. Daniel Navrot, politologue et directeur de la publication « Rhône-Alpes Méditerranée », regrette quant à lui que la région PACA « reste inchangée »… Mais il ne l’aurait pas non plus vue rejoindre Rhône-Alpes :
« Je l’aurais bien vue avec l’Hérault, former enfin une grande région de la Méditerranée ».
« Une armature urbaine cohérente »
Alors, l’Auvergne, la bonne idée ? Oui, répond Daniel Navrot, pour qui la future super-région est déjà bâtie d’une « armature urbaine cohérente » :
« Clermont-Ferrand, par exemple, était déjà de facto avec le réseau des grandes villes de Rhône-Alpes, comme Lyon , Grenoble ou Saint-Etienne. Ne reste plus qu’à finir l’A89 et à améliorer un peu le trafic ferroviaire, peut-être, pour que la nouvelle région devienne une nouvelle entité, qui forme un tout. Par contre, il est vrai que des départements comme l’Ardèche ou le Cantal vont se retrouver un peu faiblards. »
Ne reste plus qu’à éluder la question de la coopération entre les deux entités. Jean-Jack Queyranne a indiqué que des coopérations existaient déjà entre les deux régions, dans les domaines « de la santé, des universités, de l’économie, que ce soit pour l’agroalimentaire ou la mécanique ».
Ainsi de ViaMéca, un « pôle de compétitivité » spécialisé dans la microtechnique et la mécanique, qui comprenait, en 2012, 105 établissements répartis dans trois départements, le Puy-de-Dôme, la Loire et le Rhône.
4. L’Auvergne sera-t-elle un poids pour Rhône-Alpes ?
Selon l’Insee (chiffres 2011), Rhône-Alpes, c’est 6,3 millions d’habitants et quelque 193 milliards d’euros de PIB (produit intérieur brut). L’Auvergne, c’est 1,3 millions d’habitants et « à peine » 34 milliards d’euros de PIB. Le déséquilibre économique est criant. Mais pas forcément désavantageux pour Rhône-Alpes lorsqu’on tient compte de la diversité économique des deux entités.
De son côté, la région Rhône-Alpes peut compter sur le tourisme. En 2005, le secteur représentait près de 10 milliards d’euros de recettes, selon la CCI. Et selon la Région, 12% de l’emploi touristique français se trouve en Rhône-Alpes.
Aujourd’hui selon l’INSEE, l’emploi salarié privé est redevenu stable, le nombre de chômeurs continue d’augmenter mais ralentit, les créations d’entreprise individuelle « connaissent un réel essor ». C’est au niveau du commerce extérieur que ça coince. En 2013, les échanges commerciaux s’effondrent (-4,8%), notamment ceux avec l’Espagne et l’Italie.
« De nombreux établissements auvergnats ont mis la clé sous la porte en 2013 »
De l’autre côté, l’Auvergne, une petite région, certes, mais une région où la part de l’emploi industriel est supérieure à la moyenne nationale. Cependant, elle connaît un ralentissement économique industriel depuis la deuxième récession de 2008-2009, et l’industrie ne sera probablement pas un secteur sur lequel la super-région pourra compter dans son avant-garde économique. « La crise est encore là », exposait l’INSEE dans sa synthèse économique de l’année 2013 sur l’Auvergne :
« De nombreux établissements auvergnats ont mis la clé sous la porte en 2013. Le département de l’Allier a été fortement touché avec, notamment, les fermetures des usines Candia et Svana (agroalimentaire), JPM (métallurgie), IGTEC (BTP construction) ou encore Transcom (services). L’activité s’est également totalement arrêtée à l’imprimerie Caractère à Aurillac ou à l’usine Elba (fabricant de classeurs à anneaux) à La Monnerie-le-Montel. »
« L’Auvergne apportera beaucoup à Rhône-Alpes en termes d’agriculture »
Mais ne dramatisons pas la situation auvergnate : Michelin, le géant des pneus, investit dans l’innovation. 90 postes vont être créés à Blavozy d’ici 2019, et 270 millions d’euros vont être injectés dans un futur campus de recherche et développement à Ladoux. Crise oblige, l’industrie du luxe se porte également très bien, toujours d’après l‘Insee :
« En progression constante en Auvergne, la filière cuir-luxe peut désormais s’appuyer sur un comité stratégique. Sa création vise à consolider ce secteur, identifié comme filière industrielle stratégique dans le cadre des États Généraux de l’Industrie. Fleurus (maroquinerie de luxe) basé à Saint-Flour, l’une des entreprises de la filière, se développe et a en projet la création d’un atelier supplémentaire de 1 000 m². »
Le secteur aéronautique est en croissance, et des entreprises comme « Aubert & Duval » ou « Constellium », en contrat avec l’américain Boeing, font offices de figures de proue.
Avec des pronostics et quelques moteurs comme ceux-là, on peut supposer que les spécificités économiques de l’Auvergne ne pénaliseront pas la région Rhône-Alpes. Au contraire. René Souchon, président PS de la région Auvergne estime également que « l’Auvergne apportera beaucoup à Rhône-Alpes en termes d’agriculture ».
5. Quid du mode d’élection ?
Les dernières élections régionales ont eu lieu en 2010. Les prochaines auraient dû, théoriquement, avoir lieu en 2016. C’était sans compter sur le chamboulement de la réforme territoriale : des élections anticipées auront lieu à l’automne 2015.
Depuis 2003, les assemblées régionales sont élues pour six ans avec renouvellement intégral. Le mode de scrutin est un « scrutin de liste, à deux tours, avec représentation proportionnelle à la plus forte moyenne, sans panachage ni vote préférentiel, se combinant avec une prime majoritaire », nous indique sobrement le code électoral.
En clair, si aucune liste n’obtient la majorité absolue (50% des voix plus une) au premier tour, celles qui ont obtenu plus de 10% des suffrages exprimés se répartissent les sièges selon la règle de la plus forte moyenne au second tour. Ce mode de scrutin à la proportionnelle implique une assemblée représentative du nombre d’habitants de la région. Actuellement, l’Auvergne dispose de 47 élus, contre 156 pour Rhône-Alpes.
Et le flambant neuf conseil régional de Clermont-Ferrand à 80 millions d’euros ?
François Hollande n’a pas indiqué, dès lors, comment seront élus les nouveaux super-conseillers régionaux. Seule certitude, il y en aura « moins », selon le chef de l’Etat.
Ce que l’on sait pour le moment, c’est que le siège régional sera à Lyon, à l’Hôtel de région, tandis que les commissions permanentes auront lieu à Clermont-Ferrand, au flambant-neuf conseil régional d’Auvergne. Pour les deux présidents de région, Jean-Jack Queyranne et son homologue auvergnat, René Souchon, il fallait tout de même bien rentabiliser les coûts faramineux des deux (ex-)conseils régionaux : 80 millions d’euros pour celui d’Auvergne, 147 millions d’euros pour celui de Rhône-Alpes.
« Au-delà du symbole que cela représente, on ne va pas déplacer 400 fonctionnaires à Lyon. Ça n’aurait pas de sens », avait alors déclaré René Souchon.
Bon, et maintenant, qui se lance pour faire de Saint-Etienne la capitale de la super-région ?
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