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Blog du Taulard #26 : « Je ne peux pas rester silencieux sur l’encellulement individuel »

Tu penses bien, lecteur, que je n’allais pas rester silencieux sur la question du moment : l’encellulement individuel. C’est un droit voté en 1875, sous Mac Mahon et cela fait donc 140 ans qu’il n’est pas appliqué. Ce n’est pas la seule aberration en justice de cet acabit mais restons sur ce sujet.

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L'ancienne prison Saint-Paul de Lyon, future campus de l'Université catholique © Laura Steen /

L'ancienne prison Saint-Paul de Lyon, futur campus de l'Université catholique © Laura Steen /
L’ancienne prison Saint-Paul de Lyon, futur campus de l’Université catholique © Laura Steen / Rue89Lyon

Le député Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois à l’assemblée nationale, s’est donc opposé au nouveau moratoire que voulait promulguer Taubira , malgré ses promesses, et qui allait encore faire perdurer cette transgression.

Donc du coup depuis le 25 novembre tous les prisonniers à 2 en cellules (ou à 3, voir 4, avec matelas au sol, matelas que la nouvelle contrôleur des libertés veut interdire en plaidant pour le numérus clausus dans les maisons d’arrêt – là aussi on verra) peuvent porter plainte contre l’état et sont quasiment assurés de gagner et d’être indemnisés pour traitement inhumain et dégradant.

Quel avocat pourrait se saisir de cela, porter les plaintes collectivement et défendre donc les taulards ? La pub qu’il se ferait ! Mais tu penses bien que il n’y en aura pas un pour faire gagner 40 000 taulards d’un coup. Il se mettrait mal avec les juges et se ferait saquer dans toutes les affaires qu’il défendrait par la suite, et l’on sait que ce n’est pas le courage qui caractérise cette profession. En plus ça ruinerait l’Etat qui déjà ne peut donner de l’argent à la fois au riches et aux pauvres à qui elle bloque le Smic tout en traquant les « fraudes ruineuses ». Il ne faut pas que l’esclavagiste qui dirige le MEDEF risque la crise cardiaque.

 

Plus il y a de taules, plus on les remplit

Mais nous sommes déroutés devant les discours contradictoire de ce député Urvoas. En effet, d’un côté il s’oppose à la construction de nouvelles taules, mais de l’autre il dit que Sarko l’excité menteur n’en a pas fait assez et que 2 000 places supplémentaires ne sont pas suffisantes. Va comprendre quelque, chose toi ! En dehors du fait que c’est bien un politique…

La politique répressive de Sarko et de sa bande, les Dati, Ciotti, Estrosi et cie, n’a en rien diminué le phénomène de surpopulation. Ce qui veut bien dire que plus il y a de taules, plus on les remplit. C’est un effet d’aspirateur. Les procs se lâchent, les juges en rajoutent et les jérémiades de Taubira n’y changent rien. La magistrature se fout complètement de sa circulaire de septembre 2013 qui réclame davantage d’aménagements de peine. Il y a même un effet contraire puisque les aménagements sont donnés de plus en plus au compte-gouttes et les peines sont de plus en plus longues.

Que ce député PS donc, ait envie d’exister médiatiquement (et c’est dur avec toutes ces affaires qui tombent comme la pluie sur les Cévennes), on peut le deviner, mais comment va-t-il résoudre la question ? Pas de prisons en plus mais pas d’aménagements et d’alternatives non plus ! Ça devient cornélien, non ? On aura brassé du vent médiatique pour rien et on oubliera au profit d’un autre petit sujet entre deux actions culturelles mises en exergue pour servir de paravent.

 

On n’a pas fini d’entasser dans les taules !

Eh bien tu vois, lecteur, c’est toujours exactement comme cela que ça se passe avec les taules, ça parle, ça parle mais rien se bouge et tout continue. On s’agite autour des taules, des associations font des pirouettes inutiles, sauf pour l’administration pénitentiaire qui se renforce encore plus grâce à elles, mais rien ne se passe. Les avocats piquent le pognon des taulards mais ça ne changent rien. Les universitaires intellos font des thèses qui restent dans les tiroirs du savoir figé et ça ne change rien. L’immobilisme est la règle et quand il n’y a plus de place, il y en a encore. On n’a pas fini d’entasser !

Alors faut comprendre ce phénomène, parce que, depuis, au moins, 1971 (les GIP de Foucault et ensuite les CAP propres aux taules) que les revendications sur les prisons sont les mêmes (l’encellulement individuel n’en est qu’une parmi des tas d’autres), comment est-possible que au bout du compte il n’y ait pas un vrai mouvement qui dise : ça suffit maintenant ! Nous ne sommes pas des barbares !

Il y a une piste malgré tout pour y voir plus clair. Plus il y a de lois répressives, votées après une bonne campagne manipulatrice dans les médias autour de la peur et de la sécurité, plus, finalement, le citoyen s’habitue. « Bah oui, ma bonne dame, mais que voulez vous, avec cette jeunesse qui fait n’importe quoi hein ? Faut pas s’étonner ».

Même si ces lois par ailleurs viennent rogner les libertés individuelles de cette même bonne dame. Celles votées pour empêcher les gamins d’aller au front djihadiste en est un exemple énorme. Tu as le même phénomène avec le code du travail, même si c’est moins tonitruant. La réponse est là, le citoyen s’habitue, ça rentre dans sa « culture ». Et donc il accepte ces lois et ne proteste plus. Et pour penser à autre chose il disserte sur la légalité de la fessée. « Ah ben dis donc, si on ne peut même plus filer une torgnole à son môme où va-t-on ? Ils veulent qu’on les laisse faire pour les retrouver en prison hein » ?

 

Pour défaire des lois iniques, c’est la galère

Mais lorsqu’il y a quelques personnes lucides qui dénoncent et veulent changer les choses, tu t’aperçois que pour défaire ces lois iniques c’est carrément la galère. Et du coup l’effet rétro se produit pour mieux assurer la répression : encore plus de garanties sont demandées pour aménager. Et vas y pour les conditions de plus en plus drastiques prouvant la réinsertion, la réalité du projet d’aménagement….

Au point que de plus en plus de taulards ne demandent plus rien, ils attendent la sortie sèche, comme on dit, pour ne plus rien devoir à personne, mais dans quel état !! Mais même là, ce n’est plus totalement vrai puisqu’on a créé pour les anciens taulards la surveillance judiciaire qui, si le juge ne l’a pas prononcée au tribunal, elle est quand même encourue, donc applicable. Et si la justice te lâche, enfin, c’est le trésor public qui s’occupe de toi et te couvre de dette au point de retourner faire un braquo.

Mais comme c’est l’omerta sur ce genre de fonctionnement, que le citoyen n’est absolument pas informé, et, il faut le dire, s’en fout, on en reste au spectaculaire et au fait-divers monté en épingle qui fait les choux gras de la presse. Tout le monde est content finalement.

 

La pression de l’administration pénitentiaire pour que rien ne bouge

Il ne faut pas non plus oublier la pression énorme que fait peser l’administration pénitentiaire pour que rien ne bouge, car elle veut garder ses privilèges, notamment celui de surajouter aux sentences l’arbitraire carcéral et de faire sa loi à l’intérieur pour que le prisonnier ne soit plus qu’un numéro d’écrou et un mouton.

Cette situation est un atout pour cette administration car elle peut ainsi exercer une gradation de la détention (les régimes différenciés) et catégoriser entre bons et mauvais taulards, prisonniers dangereux ou non. Un mouton qui courbe l’échine et rampe devant l’autorité, on peut le laisser sortir, il est vaincu s’il n’est pas devenu fou. Et un taulard étiqueté dangereux, cela vient dire au bon peuple que si il est dangereux dedans, qu’en serait-il dehors ? Et donc il faut bien que les prisons existent !

Et après on s’étonne qu’il y ait des prises d’otages, des actions de plus en plus dures du côté des taulards ? Bon, voila la situation. Mais tu le sais, lecteur, il y aura toujours des irréductibles, heureusement, qui eux aussi gradueront les mouvements en réponse à la gradation de la taule.


#Prison

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