Les apparitions du comique sont rares depuis qu’il a mis fin à sa cultissime série « Seinfeld » en 1998 après dix saisons. Le « show about nothing » co-créé avec la complicité du teigneux mais impayable Larry David (« Larry et son nombril ») avait révolutionné le genre et fait de Jerry Seinfeld la personnalité la mieux rémunérée de l’histoire.
On avait perdu sa trace épisodiquement, le retrouvant ici où là sur les planches d’un théâtre New Yorkais où il renouait avec le genre stand up comedy qui le fit connaître au début des années 80 et dont beaucoup de comiques, Gad Elmaleh notamment, se sont revendiqués plus ou moins officiellement.
On l’avait retrouvé doublant l’abeille du film d’animation « Bee Movie » (doublée en France par… Gad Elmaleh) et de temps à autres sur le canapé du « Late Show » de David Letterman qui le fit quasiment débuter.
Un show en mouvement
Elmaleh, Letterman, on les retrouve justement en invités des saisons précédentes de « Comedians in cars getting coffee ». Mais de quoi est-il question, au fait ? « Comedians in cars… » est une adaptation d’un programme anglais intitulé « Carpool » et diffusé de 2010 à 2011 chez les Grand-Bretons.
Il s’agit pour Seinfeld de choisir une voiture, de collection, de sport, de luxe ou d’une banalité déconcertante et d’aller récupérer une star sur le seuil de sa porte pour l’emmener boire un café. L’occasion de papoter sur le chemin, d’évoquer des anecdotes sur la carrière de l’illustre passager et surtout, de bien déconner dans le plus pur style Seinfeld, avec ce don inégalé pour analyser et rire des petits riens de la vie quotidienne et ce sens de l’observation absurde.
« L’intérêt de l’émission, explique Seinfeld, c’est qu’elle est toujours en mouvement. »
Et de fait, difficile de ne pas adhérer à la bonne humeur du programme et de ne pas suivre avec gourmandise les deux amis (car Seinfeld invite surtout des potes) commenter ce qui se passe autour d’eux dans la circulation, chercher une place de stationnement et s’engouffrer dans un restaurant pour continuer la déconne.
Ainsi, encore lui, Gad Elmaleh fut un des meilleurs invités de l’émission, ramassé en bas de son hôtel à New York dans une antique Citroën 2CV par un Seinfeld peu avare en clichés sur la France. Les deux sont visiblement sur la même longueur d’ondes, d’accord sur tout, sur le besoin irrépressible de prélever une frite dans le cornet de son voisin ou sur les mimiques que font les gens dans les ascenseurs.
C’est aussi l’heure pour certains invités, dans le confort douillet d’un coupé Volvo ou d’un Volkswagen Beetle, de livrer quelques confessions souvent poilantes comme celles de Jon Stewart, animateur du « Daily Show » sur Comedy Central. Devant l’affreuse AMC Gremlin avec laquelle Seinfeld est passé le prendre à son bureau, Stewart (dont ce fut la première voiture) se souvient que « dans le New Jersey, ce modèle a longtemps été utilisé comme moyen de contraception. Pas moyen pour un jeune d’emballer quiconque avec une voiture pareille. »
Et lorsque l’AMC refuse de démarrer et émet un gargouillis inquiétant, Stewart d’ajouter « c’est le son de la virginité ».
George & Kramer
Mais les fans de « Seinfeld », le show, toujours à l’affut de la moindre réunion des anciens de la série (Jerry, George, Elaine et Kramer) se seront surtout régalés, dans les saisons précédentes, à retrouver Jason Alexander et Michael Richards, respectivement interprètes de l’irascible George Costanza et du dingue Kramer, en passagers de Seinfeld pour deux des meilleurs épisodes de « Comedians in cars… »
L’occasion pour Alexander d’apparaître non pas en tant qu’Alexander mais en tant que Costanza, le personnage qui le rendit célèbre, et de passer la plus grande partie de l’épisode à s’engueuler avec Jerry comme ils le faisaient pour un oui ou pour un non dans la série. Et pour Richards de montrer qu’il est bien aussi délirant que le Kramer qu’il incarna durant 180 épisodes.
L’occasion pour lui également, plus triste, de revenir sur son pétage de plombs sur une scène de Los Angeles en 2006 quand il agressa d’insultes racistes des spectateurs bruyants arrivés en retard à son show. Mais c’est bien là le seul moment de gravité d’un programme où les invités se défoulent plutôt, de Mel Brooks à Alec Baldwin en passant par Tina Frey, Sarah Jessica Parker, Ricky Gervais, Jon Stewart, Jay Leno ou Carl Reiner.
La mécanique du rire
« Etre drôle ne suffit pas » prévient pourtant Jerry Seinfeld.
« Etre drôle n’est que le carburant. Il faut trouver la mécanique qu’on alimentera de ce carburant, et c’est ça qui fait le show. »
Métaphore automobile pour ce passionné du volant qui voue une admiration pour Porsche au point d’en stocker des dizaines d’exemplaires dans un hangar, la moindre des choses quand on a encaissé plus de 260 millions de dollars avec « Seinfeld » et qu’on apparait encore régulièrement dans des publicités (10 millions pour apparaître dans celle de Microsoft).
Mais le Seinfeld de « Comedians in cars… », certes un peu plus gros et dégarni que celui de son mythique sit-com, n’a pas beaucoup changé, persistant à s’amuser de rien et faisant la sourde oreille aux critiques. Ainsi, lorsqu’on lui reproche la rareté des femmes et des gens de couleur parmi ses invités, Seinfeld répond :
« Ça m’est parfaitement égal. Vous êtes drôle, je suis intéressé. Vous ne l’êtes pas, je ne suis pas intéressé ».
Bien sûr, entre deux pointures, tous les invités ne sont pas forcément très connus de notre côté de l’Atlantique. Bien sûr, il vaut mieux réviser son anglais pour arriver à suivre, car si Seinfeld est plutôt compréhensible, certains de ses amis s’expriment avec un accent américain à couper à la tronçonneuse. Le premier épisode de cette cinquième saison a été diffusé le 6 novembre dernier, six autres épisodes sont prévus et en partie déjà tournés, et quatre autres saisons sont dans les tuyaux. Ça laisse le temps de reprendre des cours.
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