Il s’agit de la ballade avec 2 « l », autrement dit un genre musical qui vient de la poésie du moyen-âge. La célèbre « Ballade des pendus » de François Villon, ce poète truand, effectivement pendu en 1465 en est l’exemple type. Cela n’a rien à voir avec la balade (un seul « l »), à savoir la promenade dans la forêt ou dans les ignobles cours des prisons. Villon rappelait aux humains, au premier degré de son chant poétique, qu’ils étaient tous mortels, et, au second degré, il laissait entendre que chacun pourrait être à sa place sur le gibet. Bref le pendu de l’instant aurait pu être un autre sans qu’il n’y ait aucune différence entre tel ou tel.
A mon sens, comme Léo Ferré a chanté Villon avec talent (voir la vidéo ci-dessous), il nous faut chanter Aurousseau avec détermination pour dénoncer, à notre tour, l’inhumanité stupide des lieux d’enfermement où la société se condamne en nous condamnant.
La Suède et les Pays-Bas ferment des prisons, pourquoi pas la France ?
Tu penses bien, lecteur, que ce livre m’a plu. D’autant plus que j’ai vu dernièrement, sur canal, que la Suède fermait ses prisons et refusait de les louer à la Finlande qui, elle, a trop de prisonniers. Elle préfère en faire des centres d’accueil. Belle reconversion ! C’est le second pays européen à fermer des taules après les Pays-Bas qui, par contre, les loue à la Belgique dont le système est aussi ignoble et ahurissant que le nôtre, avec sa dose de surpopulation. Pourtant dans ces 2 pays la criminalité n’est pas plus élevée que chez nous et l’insécurité n’y est pas plus grande. C’est peut être même l’inverse.
En lisant ce livre, certains passages m’ont tout de suite fait repenser à ce reportage effrayant qui s’intitulait « Prison valley » (un documentaire et un webdoc de David Dufresne, ndlr) où toute une population, dans un morceau de province américaine, vivait réellement des prisons et que de ça. Si mes souvenirs ne me trahissent pas, il doit y avoir une bonne douzaine de prisons réunies dans un seul endroit, dans la même vallée et la totalité des activités économiques tourne autour des taules devenues une véritable industrie nourricière.
Si l’on supprimait la prison, on mettrait des centaines de milliers de gens au chômage
Cet ancien taulard, ex-braqueur émérite qu’est Nan Aurousseau, nous démontre très bien dans son livre, à la fois avec sérieux et humour qu’il y a tellement de monde autour des prisonniers (flics de toutes sortes, avocats, greffiers, matons évidemment, prestataires de services, psy….) que si l’on supprimait le système carcéral, on mettrait des centaines de milliers de gens au chômage. C’est peut-être aussi une raison supplémentaire de la résistance à l’abolition.
Par ailleurs, si il y avait l’abolition, la perte sèche que subirait les boites comme Sodexho ou Eurest, à l’heure où elles exploitent le taulard, tant par la télé, en se foutant du décret du conseil d’état fixant le prix de location à 8€ sur le territoire français puisqu’elle taxe jusqu’à 18€/mois dans certaines taules, que par les prix majorés des produits qu’elles lui vendent dans les cantines, provoquerait une telle descente en bourse qu’elles risqueraient d’y laisser leur peau, enfin, leurs comptes.
Restons encore sur l’aspect l’économique de l’abolition, car, comme pour l’écotaxe abandonnée qui va générer d’incroyables dédommagements aux prestataires de service, si les prisons fermaient, Bouygues, Eiffage et compagnie auraient de belles compensations dans le cadre des « PPP » (partenariats public-privé) qu’ils ont signé avec l’Etat. Puisque ces entreprises ont la gestion des taules pour 30 ans et que celles-ci, à la fin, reviendront au moins à 3 fois leur prix de base de toutes façon.
Enfin n’oublions pas les grosses boutiques du CAC 40 et quelques autres qui filent du boulot aux prisons, non par charité, mais parce que cela est plus intéressant pour elles que d’envoyer faire ces petites manutentions au Bangladesh. C’est dire le salaire d’esclave qu’on verse aux travailleurs taulards.
Comme le dit très justement Nan Aurousseau, « la société se nourrit du crime et les prisonniers sont des clients ». (Lui il emploie le mot détenu, ce que je ne fais pas car on détient quelque chose et non quelqu’un. On peut détenir un objet mais pas un être humain).
Si la prison coûte cher, elle rapporte gros aussi
Alors lecteur, lorsqu’on te raconte que les prisonniers coûtent cher à l’Etat donc au contribuable, on ne te dit pas la vérité. Tes impôts servent à engraisser tous ces gens là, car ce sont eux qui se gavent sur le système. Si la prison coûte cher elle rapporte gros aussi. Les taulards, avec toi, font vivre tous ces profiteurs, quoi qu’on en dise. Et en plus, on vient nous dire qu’il faut qu’on se réinsère ??? Les élus qui se servent à qui mieux mieux en posant des actes délinquants, on leur demandent de se réinsérer ? Les Balkany, Cahuzac, Coppé, Sarko et tous les autres phobiques administratifs ils vont être suivis par des agents de probation ? Non, ! Eux, ils ne vont pas en taule !
J’ajouterai que cette remarque de Nan Aurousseau, comme quoi le « crime » nourrit la société va bien au-delà du point de vue économique. On peut l’entendre aussi sur le plan sociétal, sur le plan moral, sur le plan narcissiquement personnel…. Elle se décline à l’envie, comme le fric qui est à tous les étages du système judiciaire et pénitentiaire français. Le bouc émissaire est bien celui qui nourrit l’imaginaire, le fantasme ou la violence de l’ensemble et le légitime. Il y a un proverbe qui dit que le malheur des uns fait le bonheur des autres, non ?
Tu vois, lecteur, une zone d’ombre dont on ne parle jamais s’éclaire pour toi. Cette fameuse « case noire » dénoncée par Michel Foucault dès les années 70, l’est un peu moins. Mais bon, on s’offusque sur le moment et on va vite oublier, comme cela va se faire pour la mort de ce jeune au barrage de Sivens et l’Etat pourra continuer à dénoncer la violences des manifestants, alors que ce sont les flics qui se déguisent en casseurs pour légitimer la violence de leurs collègues. Alors demain, il faudra recommencer à témoigner pour rappeler à nouveau ces ignominies carcérales. Cela dure effectivement depuis le tout début des années 70 soit bientôt 45 ans.
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