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En octobre à Glasgow, on paie les gens à ne pas boire

C’est en me levant ce matin, vers 13 heures, une barre d’acier au milieu du front, que m’est venu à l’esprit un constat : les Glaswégiens boivent, démesurément. S’il est amusant pour de jeunes gens, étrangers en relative bonne santé, de passer quelques temps à Glasgow pour faire la fête, cela l’est beaucoup moins pour les natifs : le débit d’alcool est tel qu’ici, on meurt beaucoup plus que dans n’importe quelle autre ville du Royaume-Uni. À tel point qu’une fois par an, on organise des levées de fonds pour une association qui lutte contre le cancer, avec comme simple contrepartie : arrêter de boire pendant un mois.

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En octobre à Glasgow, on paie les gens à ne pas boire

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Un bar, de nuit, à Glasgow.
©Rue89Lyon/Matthieu Beigbeder

Commençons par le commencement. Glasgow l’alcoolique, est-ce vraiment un fait ? Malheureusement, oui. Dans les années 80, la ville comptait un taux de décès liés à l’alcool quasiment trois fois supérieur que dans d’autres grandes villes d’Ecosse. Après un pic ascendant dans les années 90, les années 2000 ont vu s’amorcer une légère baisse du nombre de morts pour l’alcool.

 

A Lyon, on compte un bar pour 1640 habitants, à Glasgow c’est un pour 376

Il n’empêche. D’après les chiffres de la ville de Glasgow, sur 100 000 Glaswégiens, plus de 1300 vont se retrouver à l’hôpital à cause de l’alcool. 50,1 d’entre eux vont en mourir, soit le plus grand taux de mortalité d’Ecosse et du Royaume-Uni entier (qui est d’environ 40 pour 100 000). On ne compte plus les études, analyses et autres dossiers d’experts sur le « plus grand intérêt de santé publique d’Ecosse ».

Aujourd’hui, la ville de Glasgow évalue à plus de 11 500 le nombre de personnes ayant un « problème » avec, au choix, soit l’alcool, soit la drogue. Sachant que la ville compte 600 000 habitants, et que beaucoup d’alcooliques ne sont pas registrés – du fait de l’imprécision de la définition de l’alcoolisme -, ça fait beaucoup.

Une des causes identifiées par la ville est le nombre de bars « avec licence », c’est-à-dire les lieux autorisés à posséder un débit de boisson. Ils seraient au nombre de 1553 à Glasgow, soit environ un bar pour 376 personnes. À titre de comparaison, notre capitale Paris compte un bar pour 1964 habitants. À Lyon, qui compte environ 300 bars si l’on en croit le Petit Paumé, on a un bar pour 1640 habitants.

Et les autorités auraient plutôt raison de s’attaquer à ça, si l’on en croit une récente étude des universités d’Edimbourg et de Glasgow. Selon les chercheurs desdites universités, les décès liés à l’alcool sont « significativement plus élevés » dans les quartiers où l’on trouve le plus de magasins vendant de l’alcool – plus du double de morts, comparé aux quartiers où il est plus difficile de s’en procurer. Cause et conséquence, les habitants des quartiers les plus défavorisés de Glasgow meurent à cause de l’alcool 4 fois plus que ceux des quartiers les plus favorisés.

 

Le « Glasgow Effect », pas vraiment Kiss Kool

Doit-on y voir un lien ou non, Glasgow détient le trophée de la ville du Royaume-Uni où les gens meurent le plus jeunes (à environ 73 ans pour les hommes, 79 pour les femmes). Les Glaswégiens vivent en moyenne 5 ans de moins que les autres habitants du royaume. Un bébé sur quatre né aujourd’hui à Glasgow ne fêtera pas son 65ème anniversaire. C’est ce qu’on appelle le « Glasgow Effect », et ce n’est pas vraiment Kiss Kool.

Le « Glasgow Effect », parfaitement décrit dans cet article de la BBC (en anglais), c’est le paradoxe d’une ville à la fois dynamique (avec des universités d’une renommée internationale, une scène culturelle florissante, une architecture victorienne magnifique…), et mortifère (taux de mortalité et de chômage élevés, ghettoïsation de certains quartiers, croissance des inégalités…). Et selon la BBC, l’alcool est en partie responsable de cette ambiance… mortelle :

« Une étude de 2011 a montré que les habitants de Glasgow ont environ 30% de probabilité de mourir jeunes, et que 60% de ces décès prématurés sont la cause de seulement quatre choses : les drogues, l’alcool, le suicide et la violence. »

 

« Soyez sobre en octobre »

Bienvenue à Glasgow. Mais bon, essayons de mettre ceci en perspective : l’Écosse fait partie d’un royaume plutôt porté sur la boisson. Le 9 septembre dernier, l’association Macmillan Cancer Support révélait qu’un britannique moyen passait presque un an entier de sa vie à avoir une gueule-de-bois. Soit environ 7 heures de gueule-de-bois par mois et par personne.

Cette même association est à l’origine du désormais fameux mouvement « Go Sober for October » (littéralement, « soyez sobre en octobre »). C’est comme « Movember », sauf qu’au lieu de se laisser pousser la moustache, on laisse repousser son foie. C’est très simple de fonctionnement : vous vous inscrivez sur le site, et des personnes peuvent choisir de vous supporter en donnant de l’argent – qui, ensuite, va à l’association bien sûr, ça serait trop beau.

Et ça marche plutôt pas mal. À l’heure où j’écris ces lignes, certaines personnes ont déjà réussi à lever plus de 7000 livres pour être restées sobres pendant… 13 jours. Si le mouvement a l’avantage de lier deux bonnes causes (lutte contre le cancer et prévention de l’alcoolisme), on est en droit de se questionner sur ce qu’il advient de toutes ces bonnes âmes le 1er novembre. Enfin bon, peut-être qu’ils ont raison, ces écossais : la solution pour stopper l’alcoolisme, c’est peut-être d’être payer à ne pas boire. En attendant, à la vôtre.

 


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