En octobre 2013, la mobilisation des avocats avait empêché une baisse sans précédent de l’aide juridictionnelle, touchant précisément l’indemnisation des avocats qui interviennent volontairement en faveur des justiciables les plus précaires.
Constatant l’importance de « l’accès au juge et la reconnaissance des droits de ceux dont les revenus sont particulièrement bas », Madame la Garde des sceaux s’était alors engagée à réformer en urgence l’aide juridictionnelle par « des dispositions juridiques et budgétaires adaptées et pérennes » et avait confié à Monsieur Carré Pierrat, avocat général honoraire, une mission en ce sens qui devait aboutir à des propositions et un calendrier le 1er mars 2014.
Le rapport a été déposé le 10 février 2014 mais n’a été ni publié, ni suivi d’effet…
A ce jour, moins d’un mois avant la fin des arbitrages budgétaires, aucune proposition concrète et chiffrée n’a été adressée aux avocats.
La réforme de l’aide juridictionnelle enterrée alors qu’elle est nécessaire et urgente
Pourtant la réforme de l’aide juridictionnelle est nécessaire et urgente tant pour les avocats qui interviennent au titre de l’aide juridictionnelle, que pour les justiciables les plus démunis.
En effet, les avocats qui assistent et représentent les justiciables bénéficiaires de l’aide juridictionnelle perçoivent en contrepartie une indemnité versée par l’Etat.
Dans la réalité, pour assurer par exemple la défense d’un mineur devant le tribunal pour enfant ou représenter un salarié licencié devant le Conseil de prud’hommes, cette indemnisation ne suffit pas à couvrir les frais de fonctionnement d’un cabinet d’avocat.
L’Etat le sait pertinemment et s’était engagé en 2000 à verser une véritable rétribution correspondant à la réalité de la prestation fournie.
Mais, depuis 2007, cette indemnisation n’a connu aucune revalorisation.
Cela place les avocats dans une situation intenable, tiraillés entre la poursuite de leur mission auprès des justiciables les plus démunis et la mise en péril de l’équilibre économique de leur cabinet.
Aussi, il est fortement à craindre qu’ils ne puissent plus continuer à travailler dans de telles conditions.
Le développement d’une justice à deux vitesses
Le non respect par l’Etat de ses engagements touche inévitablement les plus démunis face aux multiples questions juridiques impactant leur vie quotidienne (contentieux familiaux, droit du logement, surendettement, droit des étrangers,…) et éloigne plus encore les justiciables de l’accès à une justice de qualité.
Il pénalise également le fonctionnement des lieux d’information juridique gratuits (Maisons de Justice et du Droit, bureaux d’aide aux victimes,…) qui permettent aux personnes de mieux connaître leurs droits et ainsi de mieux s’en saisir. En matière d’impayés de loyer par exemple, les permanences d’accès au droit sont déterminantes quand on sait que seules 40 % des personnes menacées d’expulsion sont présentes ou représentées à l’audience.
Alors que le taux de pauvreté ne cesse de croître, on ne peut que s’alarmer devant le développement d’une justice à deux vitesses et la mise en péril des droits effectifs de chaque citoyen.
Aussi, le budget de l’aide juridique doit être au minimum doublé. Et le montant de l’indemnisation des avocats revalorisé, par le biais de financements complémentaires, hors budget de l’Etat, que la profession a déjà proposés à Madame la Garde des Sceaux : financement complémentaire via une taxation des actes juridiques, sollicitation des assurances de protection juridique, nouveau mode d’exercice conventionné,…
Au vu de la gravité de la situation, les avocats se mobiliseront partout en France le jeudi 5 juin pour exiger du gouvernement qu’il respecte ses engagements.
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