I/ Le café, tous les matins, debout au comptoir
Tout commence le matin. A peine levé et déjà vous turbinez au café. Après avoir fait glouglouter votre Moka express (de préférence Bialetti, soyons orthodoxe jusqu’au bout), vous vous précipitez, non pas au boulot, mais au café du coin. Le café qui fait bar, boulangerie et tabac.
Là, vous demandez « una pasta e un caffè ». En fait, non. Tout d’abord vous allez demander votre ticket et vous payez. Ou pas, ça dépend, je n’ai jamais vraiment compris, mais peut-être parce qu’il n’y a pas de sens, s’il faut payer avant ou après.
Bref. Votre ticket en main, vous prenez votre « pasta vuota ». Attention, la pasta dans ce cas ce ne sont pas les pâtes, mais un gâteau, qui ressemble à une sorte de croissant. Vuota ? J’ai beau aimer l’Italie, mais faut pas charrier, la pasta, vous la demandez vuota, c’est-à-dire vide, sinon vous prenez le risque de vous retrouver avec une sorte de croissant fourré à la marmelade ou pire, à la crème pâtissière. Je vous aurez prévenu.
Une fois votre croissant qui n’est pas un croissant, enroulé dans un petit mouchoir qui crisse, vous croquez dedans sans vous préoccuper des gens derrière vous et vous vous dirigez vers le comptoir. Vous demandez enfin votre café, la bouche pleine. Cela va de soi.
Alors là, ne soyons pas rabat-joie. Ne vous contentez pas du petit noir. En cinq minutes, les italiens qui défilent sous vos yeux (oui, parce que vous êtes beaucoup plus lent pour avaler votre cawa) font preuve d’une imagination débordante :
« un café court dans une grande tasse », « un macchiato », « un café long dans une petite tasse » (je vous assure, c’est possible), « un capuccio », « un capuccino », « un macchiatone », « un café au ginseng » (oui, ça aussi c’est possible)… »
Si c’est votre première fois, vous allez être dérouté : dans un défilé chaotique, mais organisé, les petits vieux, les travailleurs, vont effectuer ce ballet matinal.
Caisse, gâteau, comptoir (ou gâteau, comptoir, caisse). Tout va très vite. La collation dans une main, le café dans l’autre, le tout ne va durer que quelques minutes. Ils sont debout, les uns à côté des autres, ils ne se parlent pas forcement, mais participent tous de ce grand rituel matinal. Et puis, « grazie, buongiorno ». Et « basta ».
Bien entendu, un jour chômé, tout est plus lent : ils prennent un peu le temps de papoter, de feuilleter le journal, de le commenter.
Un confrère du télégraph vous explique comment et quand boire un café en Italie sans passer pour un touriste. Mais bon, rien qu’à votre manière de tenter de prononcer caffèèè, ça se voit que vous êtes un novice.
II/ « La nourriture est bonne au quotidien »
Alessandro, un ami Sarde, m’a un jour dit :
« Chez vous (en France), vous avez la gastronomie. Chez nous (en Italie), c’est tous les jours que la nourriture est bonne. »
Comment lui donner tort ?
Quand je fréquentais l’université de Florence, comme tout étudiant, j’allais au RU. Ce que l’on appelle, je ne sais par quel miracle en France, un « restaurant universitaire », pourrait être qualifié de tel en Italie.
Dans ce RU florentin, pas de pâtes trop cuites barbotant dans la flotte huilée, ni de haricots sans goût ou de frites molles et trop salées. Dans cette cantine italienne et estudiantine il y avait le self avec un entrée-plat-dessert digne d’un bon restau, et la restauration rapide.
Là, four à pizza, et panini délicieux. Panini. Délicieux. Oui, ça vous semble étrange. Mais parce qu’un panino, normalement, ce ne sont pas deux tranches de carton blanc écrasant un semblant de jambon. Un panino, c’est ça :
Et puis, l’Italien, quand il cuisine, il cuisine. Des pâtes au beurre ? Impensable. Un repas sans légumes, sans viande ou poisson, sans pâtes ? Quelle folie ! Certes, la mamma cuisine. Mais les enfants –et même les garçons, si, si- aussi.
Enfin, l’Italie, pays des glaces. S’il vous plaît, ne me sortez pas votre pseudo glace italienne, ce tourbillon sans saveur que l’on sort d’un tuyau. Horreur. Non, la glace italienne, il gelato, a du corps. La glace s’attrape à la spatule. Elle contient des morceaux (de fruits, de chocolat, de biscuit…) parce qu’elle est faite maison.
En ce moment, testez les glaces à la myrtille, au melon, à la pêche ou à la pastèque. Des fruits de saison proposés en glace (et pas en sorbet). Et parmi les classiques italiens : la glace au baci, initialement il s’agit de chocolats aux noisettes, fameux en Italie ; la glace au Vin santo avec les biscuits, à l’origine il s’agit d’une liqueur dans laquelle on trempe les biscuits aux amandes ; la glace au nutella…
Les italiens sortent manger une glace. Ce n’est pas une sortie exceptionnelle. Ils descendent de chez eux et se retrouvent, comme le matin au café, debout, à composer puis déguster leur gelato.
III/ L’apéritivo
L’apéro. Une fois de plus, les italiens ont tout compris. J’ai découvert ça en vivant à Florence il y a quelques années. La place Santo Spirito se transforme le soir en un immense terrain de jeu pour jeunes adultes. Dans un couloir, un petit bar proposant l’aperitivo. Sur la place, des centaines de jeunes.
Le principe : pour une boisson achetée, buffet à volonté ! Si je parle de cet endroit c’est parce qu’il était le meilleur rapport qualité-prix de tout Florence. Pour 4 euros nous avions à boire et à manger. Salades diverses, mini sandwichs, pâtes et desserts. Sur la place les consommateurs verres et assiettes en plastique à la main, restent là des heures.
Le concept est présent dans toute l’Italie. Alors bien entendu, dans certains bars, l’aperitivo s’élève à 7 ou 8 euros, ou plus. Mais les mets servis y sont aussi plus délicats.
Récemment, la Repubblica a fait un long article sur la « movida » dans différentes villes de la Botte. Plutôt à charge. Mais chut, pensons aux riverains.
Il est vrai qu’en laissant la place Santo Spirito, le sol ressemblait à une boîte de nuit de Palavas-les-flots après une bagarre géante… C’est le point noir. Car sinon, quel plaisir de manger pour pas cher, à l’air libre et en compagnie d’une centaine d’autres jeunes…
IV/ Bonus bizarrerie
Concluons avec une petite incongruité. Et c’est aussi le plus grand plaisir quand on est à l’étranger : constater les minuscules différences avec sa contrée natale. Les critiquer, les encenser, les moquer, les aduler.
Cette bizarrerie-là est juste… étrange. Dans un supermarché, au rayon fruits et légumes, j’analyse les prix, compare (sans toucher) les produits. Je tends la main pour agripper une grappe de tomates. Et là, me faisant sursauter et lâcher la proie, un « oh » généralisé.
Autour de moi, plusieurs italiens horrifiés commencent à me hurler dessus en faisant de grands gestes avec les mains. A l’époque, je ne maîtrisais pas comme aujourd’hui la langue des signes italienne… Mais je peux vous dire que parmi ces grands gestes, certains étaient franchement belliqueux.
Mon crime ? Avoir attrapé une grappe de tomates sans mettre un gant. Oui, dans les supermarchés italiens, à côté des sacs plastiques permettant d’emballer les fruits et légumes, des gants, en plastique aussi, pour les empoigner. Propre. Mais pas très écolo.
*Amis de l’objectivité, j’espère que vous avez apprécié ce petit voyage dans le temple de « l’amour a ses raisons que la raison ignore » (ou « l’amour est aveugle », au choix). Pour une fois, j’ai oublié Berlusconi, Beppe Grillo et Matteo Renzi, fermé les yeux sur la mafia, délaissé la crise… Pour savourer, rien qu’un instant, mon Italie.
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