Ils ont tous été pré-sélectionnés avant de se présenter à l’Hôtel de ville. Selon des critères basiques : être titulaire d’un diplôme attestant de leurs capacités à travailler avec des enfants, et/ou une « expérience significative » dans le monde de l’enfance. Sur les 500 postes à prendre, la Ville de Lyon table sur un recrutement de 50% de titulaires du BAFA (ou d’un CAP « Petite enfance »), 30% d’animateurs « en cours de formation », et 20% de « tolérance », c’est-à-dire des personnes ne présentant pas forcément de diplôme mais possédant une « expérience significative », qu’on va inscrire et former « dans l’année, grâce aux fonds de la Ville et de la CAF ».
La gestion de l’affluence des candidats, malgré leur nombre, est bien huilée. Pour chacun d’entre eux, trois tickets : un pour passer un entretien directement avec la Ville de Lyon, deux pour passer un entretien avec des associations ou centres sociaux. Les postulants sont ensuite dispatchés aux quatre coins de l’Hôtel de ville, en fonction des arrondissements qui les intéressent.
« C’est l’employé qui choisit son employeur », nous répètent l’équipe municipale.
Mélissa, 17 et demi, postule pour la MJC de Laënnec
Mélissa, 17 ans et quelques mois, attend son tour devant la section « 7e et 8e arrondissement », au premier étage du bâtiment. Habitante de Valence, elle a fait le trajet exprès. Elle vient d’effectuer un entretien avec les services de la ville, qui s’est « super bien passé ». Plus que deux tickets en poche.
Elle vise la MJC de Laënnec-Mermoz, dans le 8e arrondissement, qui s’occupera des activités périscolaires de deux écoles maternelles proches du métro Mermoz-Pinel. Quand vient son tour, Mélissa se retrouve en face de Ludivine, 28 ans, directrice adjointe de la MJC, et Alexia, 27 ans, future directrice de l’accueil de loisir.
L’entretien se déroule bien, chacune semble intéressée par l’autre et vice-versa. Le BAFA presque en poche, Mélissa fait du théâtre sa spécialité, un atout dans cet océan d’animateurs aux profils plutôt sportifs, selon les recruteurs eux-mêmes. La directrice adjointe explique que la MJC cherche à développer « des valeurs d’accès à la culture », et se dit « très intéressée » par le profil de Mélissa.
Êtres pédagogue « avec les parents et avec les enseignants »
Ludivine explique ensuite ce qu’on attend des animateurs. Il y aura deux temps d’activités à distinguer. Un premier temps lors des pauses méridiennes, tous les jours, entre midi et deux. Un second temps le vendredi après-midi, de 13h30 à 16h30, conformément à l’emploi du temps choisi par Gérard Collomb, qui avait soulevé une vague de critiques (notamment de la première fédération de parents d’élèves, la FCPE).
« L’objectif est d’arriver à faire décrocher les enfants, leur faire comprendre qu’on est en accueil de loisir et non en cours », étaye Ludivine.
Pour le vendredi après-midi, a priori, pas de problème pour la MJC de Laënnec. La Ville de Lyon leur a envoyé une trame, avec des objectifs à suivre. S’ils restent flous pour le moment, il s’agira en gros, selon la directrice adjointe de la MJC, de développer l’autonomie des enfants. Et d’être pédagogue, surtout au début, avec les parents et les enseignants.
« Si les enfants ne sont pas très bons dans une matière, ils peuvent être bons ailleurs »
Pas de problèmes majeurs non plus pour Sylvie Charlety, la directrice du Centre social de Champvert, situé entre Tassin et St-Just (9e arrondissement) :
« Le vendredi après-midi sera consacré à la découverte, à l’expérimentation. Les enfants pourront découvrir leurs talents cachés, ils pourront voir que s’ils ne sont pas très bon dans une matière, ils peuvent être bons ailleurs. Concrètement, ils vont faire du sport, une activité artistique. Ça ne va pas non plus être trop brutal, ça reste un éveil. »
Et d’étayer le calendrier de son centre social :
« De septembre à octobre, les enfants vont tourner. Ils seront obligés de faire toutes les activités qu’on va leur proposer. Le reste de l’année, ils pourront choisir ce qu’ils préfèrent. »
« Pour ne pas que le ‘rien faire’ parte en vrille »
Pour les pauses méridiennes et le contenu des activités, c’est un peu plus flou, chez les centres sociaux. Les enfants finissent à 11h20, et commencent à manger à 11h30, au plus tôt. En sachant qu’ils reprennent les cours à 13h30, il leur reste entre 1 heure et 1h30 pour faire des activités.
« Pour vraiment dissocier l’école et l’accueil de loisir, on a pensé à changer les règles, notamment de conduite, réaménager les salles, explique Ludivine, de la MJC de Laennec. Quoiqu’il en soit, il va falloir s’adapter à l’école avec laquelle on travaille. On va faire quelque chose de plus ludique que ce qui existe maintenant, mais toujours en lien avec le projet pédagogique de l’école. »
« Soit les enfants jouent, soit ils participent à des ateliers, soit ils ne font rien »
Pour ajouter au mélange des genres centres de loisir/école, des agents spécialisés des écoles maternelles (ATSEM), qui sont les aides des professeurs des écoles en salle de classe maternelle, devront « travailler main dans la main avec les animateurs ».
« Ils connaissent déjà les enfants, ça va nous aider à organiser au mieux les activités périscolaires », juge Ludivine.
Sylvie Charlety et son Centre social de Champvert, tente de présenter son projet :
« L’objectif des activités du midi, c’est de faire que les enfants retournent en classe sereins. Une fois qu’ils auront mangé, ils auront plusieurs choix : soit ils jouent – ça paraît bête mais c’est important -, soit ils participent à des ateliers – dans des endroits un peu plus calmes -, soit ils ne font rien, ils se reposent. »
Mais en quoi cela est-il différent de ce qui se fait aujourd’hui ?
« Aujourd’hui, on n’a pas les espaces physiques et l’encadrement humain nécessaire pour que le ‘rien faire’ ne parte pas en vrille », répond Sylvie Charlety.
« Ce sont les compétences des animateurs qui vont orienter les activités »
Concernant le contenu des activités, c’est particulièrement opaque.
« Il sera fixé entre les écoles et les différents centres de loisir, qu’ils soient associatifs ou municipaux », nous explique la municipalité.
On imagine, surtout lorsque certaines structures d’accueil de loisir ne bénéficient pas de nombreuses demandes, que le contenu des activités périscolaires proposées varie en fonction du profil des animateurs qui se se sont présentés. Sylvie Charlety nous le confirme :
« Ce sont évidemment les compétences des animateurs qui vont orienter les activités. Mais tout cela sera fixé durant l’été. Des séances de travail, pour mettre en place les éléments pratiques et les éléments de contenu des activités, sont prévues du 28 août au 2 septembre. »
Mélissa, quant à elle, est satisfaite de son entretien. Avant de quitter Ludivine et Alexia, de la MJC de Laennec, elle inscrit son nom sur une liste, en-dessous de cinq autres noms. Pour la structure, l’objectif est d’en recruter 14 avant la rentrée. D’autres personnes prennent sa place, les entretiens se poursuivent.
« C’est quand même incroyable, on est en train de vous draguer ! »
Devant la MJC de Laennec, la table du centre social Etats-Unis, toujours dans le 8e arrondissement. Celle-ci est moins populaire : à la mi-journée, seuls trois candidats sont passés voir Linda Bideault, responsable périscolaire de l’école Fournier. Sur un objectif de recrutement de 15 animateurs.
Pourtant, le centre social Etats-Unis n’est pas une petite structure : 571 élèves, une salle informatique, une salle de musique, un gymnase. L’endroit rêvé pour un animateur. La raison du manque d’affluence est toute autre, selon Linda Bideault :
« Il y a un certain nombre d’étudiants qui postulent, et les Etats-Unis ne sont pas sur le trajet des facultés. D’un autre côté, ceux qui postulent ici sont vraiment motivés, c’est un bon point pour nous. »
Mélissa, qui va rentrer en première année de licence de Lettres et d’Art du spectacle, à Bron, confirme :
« Les Etats-Unis, c’est un peu loin de ma fac et de mon logement, et pas sur la bonne ligne de Tram. »
Les postulants choisissent effectivement leur employeur, mais il ne faut pas qu’il soit situé trop loin du lieu d’études, et/ou du logement. Une attitude confirmée par les tentatives des organisateurs de l’événement, un peu désespérés, pour rameuter un peu de monde dans la section « 5e et 9e arrondissement », zone soigneusement évitée par les candidats toute la matinée.
« Allons, ce n’est qu’à deux arrêts de bus du métro Gorge-de-Loup ! C’est quand même incroyable, on est en train de vous draguer ! », assène sur le ton de l’humour Sylvie Charlety, du centre social de Champvert.
La directrice se transforme en femme-sandwich devant les candidats qui ne semble pas intéressés par son arrondissement. Il lui manque 21 animateurs, à dégoter avant le 2 septembre, pour un peu plus de 500 enfants, en maternelle et élémentaire.
« Ça n’est qu’une question de transport : les candidats ne connaissent pas les associations ou centres sociaux. À Champvert, on va recruter tout l’été, en espérant que le compte soit bon au 2 septembre. »
Le timing est serré. La Ville de Lyon va-t-elle devoir annoncer sur son site, comme la commune limitrophe d’Oullins, que les activités péri-éducatives ne démarreront pas avant fin septembre ?
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