Vous êtes en bagnole. Et oui ; et il peut tout à coup vous arriver de croiser des cyclistes roulant tranquillement en sens inverse. Malgré vos regards noirs et coups de klaxon, le cycliste n’est pas en infraction. Car vous vous trouvez en double sens cyclable. Pour faire simple, ce principe réglementaire fait partie du Code de la Rue, décret signé le 30 juillet 2008. Il promeut notamment la généralisation des double sens cyclables dans les zones 30 existantes.
Pour rappel, une zone 30, c’est une rue ou un ensemble de rues aménagées de façon que la vitesse soit « naturellement » inférieure à la vitesse réglementaire maximum de 30 kilomètre/heure.
Chaque ville avait deux ans pour s’y conformer (au 1er juillet 2010). Sauf exceptions motivées et définies par arrêté municipal. Pour des raisons de sécurité, de largeur de voie… A Lyon, l’exception est devenue la règle. Frédéric Rollet, administrateur de l’association Pignon sur Rue, est catégorique :
« La Ville de Lyon a totalement abusé de ces droits d’exception ».
Conformément à la loi, Gérard Collomb a pris un arrêté en date des 17, 20 et 21 mai 2010. Celui-ci est publié au bulletin municipal de la Ville le 14 juin de la même année. Sauf que le maire PS de Lyon a fait jouer le principe d’exception. Et pas qu’un peu. Il a pris soin d’exclure 84% des rues de la zone 30, soit 241 rues sur 287.
Gilles Vesco, vice-président au Grand Lyon délégué aux nouvelles mobilités urbaines, a une explication :
« Le pari lyonnais, c’était d’y aller progressivement pour que les gens s’y habituent ».
Recours contre la Ville de Lyon
Cette volonté n’est pas du goût de l’association lyonnaise La Ville à Vélo. Elle a carrément transmis un recours à la Ville de Lyon le 24 septembre 2010. Après deux ans de procédure, l’affaire a été finalement inscrite au rôle de l’audience publique du 26 septembre 2012. Le jugement a été rendu le 22 octobre de la même année (la décision ici). Résultat : Ville à Vélo a perdu son recours au tribunal. Pour Frédéric Rollet :
« Depuis 2010, une dizaine de recours sur le double sens cyclable ont été déposés en France. Certaines associations ont même gagné leur procédure ».
C’est le cas à Nogent sur Marne (94). Fin juin 2010, un arrêt municipal interdisait la circulation des vélos en contresens dans toutes les rues de la ville, y compris celles classées en zone 30. Juillet 2013, le tribunal administratif, suite à la requête d’Annie Lahmer, ancienne conseillère municipale et actuellement secrétaire régionale EELV en Ile de France, a annulé cet arrêté. La ville avait deux mois pour faire appel. Le maire, Jacques JP Martin ne l’a pas fait.
35 double sens cyclable dans le Grand Lyon
Quand certaines rues autorisent le double sens cyclable, les automobilistes s’étonnent parfois de la présence de cyclistes en sens inverse. Frédéric Rollet explique ce genre de réactions par un manque de communication :
« Par exemple, il n’y a pas eu de papiers diffusés dans les boites aux lettres des riverains. En 2014, on se retrouve avec des automobilistes surpris de croiser des cyclistes circuler en double sens. Sans parler des panneaux pas forcément très bien entretenus ».
En 2013, 35 double-sens cyclables sont recensés dans le Grand Lyon contre 23 en 2011 et seulement 10 en 2007. Parmi les répondants à l’enquête 2013 « Les politiques en faveur des cyclistes et des piétons dans les villes françaises », réalisée par l’Observatoire des mobilités actives (synthèse ici), le linéaire total de double-sens cyclables était de 880 km en 2011, contre 126,5 km en 2007.
Ce chiffre passe désormais à 1 118 kms à périmètre équivalant, soit une progression de 27 % entre 2011 et 2013.
Double sens cyclable = moins d’accidents
Tous les acteurs sont d’accord sur un point : les avantages que procurent le double-sens cyclable. D’un, il évite aux cyclistes de nombreux détours et les fait « descendre des trottoirs ».
Un grand nombre d’entre eux circulait sur ces espaces réservés aux piétons malgré l’interdiction. Le double sens cyclable renforce à la fois la zone 30, diminue la vitesse et pacifie le trafic. On garde le meilleur pour la fin: le taux d’accident est minime. Thomas Jouannot, du département Voirie, espace public à la CEREMA (Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement) le confirme ainsi:
« Il n’y a pas plus d’accidents avant ou après la mise en place du double sens cyclable ».
En 2000, l’Institut fédéral sur la recherche routière allemande a examiné les installations à contre-sens dans ses villes. Résultat : les rues à sens unique autorisant la circulation cycliste en double sens ont eu le même nombre d’accidents que les autres. Ni plus, ni moins. Et en France ? Une étude menée en 2008 par le centre d’études sur les réseaux de transport et l’urbanisme (Certu) dans plusieurs villes est arrivée aux mêmes conclusions.
Grenoble a par exemple comptabilisé six accidents sur des voies cyclables à double sens sur 257 accidents répertoriés en cinq ans.
Pour l’instant, Gilles Vesco touche du bois :
« Aucun accident de vélo n’a été constaté sur Lyon depuis la mise en place des doubles-sens cyclables ».
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