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Manif des identitaires à la Guillotière : récit d’une petite manipulation

C’est sous les termes joyeux de « rassemblement anti-racailles » que les identitaires avaient prévu ce jeudi soir à la Guillotière une manifestation, interdite par la préfecture du Rhône « en raison d’un risque grave de troubles à l’ordre public ». D’abord anonymes, les organisateurs identitaires ont fini par sortir du bois : avancer avec un faux-nez est une stratégie récurrente des membres de ce mouvement d’extrême droite radicale.

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Manif des identitaires à la Guillotière : récit d’une petite manipulation

Par Matthieu Beigbeder et Laurent Burlet

Mardi 24 juin, à 16h20, les rédactions lyonnaises reçoivent un mail d’un certain Cédric Dulac. En pièce-jointe, un communiqué :

« Suite aux nombreux incidents qui ont suivi le match Algérie Corée, nous organisons un rassemblement contre les supporters-racailles lors du prochain match de L’Algérie.

Nous donnons rendez-vous à tous les citoyens excédés jeudi 26 juin à 22h00, place Gabriel Péri à Lyon, l’endroit le plus touché par les casseurs. Le rassemblement est légal et déposé en préfecture. »

Ce rassemblement est annoncé à la même heure que le match Russie-Algérie, place Gabriel Péri, place centrale de la Guillotière (dans le 7e arrondissement), autrement appelé Place du Pont. C’est le quartier cosmopolite de Lyon où traditionnellement les supporters de l’Algérie se rassemblent. Lors des deux premiers matches de la Coupe du monde, des incidents et affrontements avec la police ont eu lieu.

Le communiqué se termine par un lien vers un groupe Facebook, qui existe toujours à l’heure où nous écrivons ces lignes. Évidemment, Cédric Dulac est un quasi-inconnu aux yeux de Google. Le groupe Facebook a été créé quelques dizaines de minutes avant la réception du mail.

Sur Twitter, le militant Reybene et Génération Identitaire Maxime Martin infirme que l’idée émane de lui, tout en jouant l’ambigüité :

Qui se cache derrière ce « rassemblement anti-racailles » ? Les termes « anti-racaille » tiennent une place VIP au sein de la sémantique identitaire, d’autant que la dernière provocation de ces militants d’extrême droite a précisément consisté à organiser des « tournées anti-racaille » dans le métro des grandes villes.

En attendant, les « likes » pleuvent – et continuent de pleuvoir à l’heure actuelle. Lyonmag plonge sur le communiqué sans expliquer qui se cache derrière la manif. L’article sera ensuite mis à jour.

 

Troubles à l’ordre public et intox identitaire

Le 25 au matin, changement de stratégie : les rédactions lyonnaises reçoivent un nouveau communiqué appelant au même « rassemblement anti-racailles », signé cette fois-ci de Rebeyne, l’une des organisations identitaires lyonnaises. Avec en bonus un lien vers le groupe Facebook créé sans détail.

Si les masques sont tombés, l’intox continue : jusqu’au mercredi milieu de journée, les identitaires continuent à appeler au rassemblement et à expliquer qu’il est autorisé par la préfecture, comme annoncé la veille dans le communiqué anonyme.

Or une manif doit être déposée trois jours francs avant le rassemblement. Uniquement sur un plan formel, ce rassemblement avait donc peu de chance d’être autorisé. En fin d’après-midi, la préfecture du Rhône, annonce que ce rassemblement est bel et bien interdit, dans un communiqué :

« En lien avec Bernard Cazeneuve, le ministre de l’Intérieur, le préfet a décidé d’interdire cette manifestation organisée par le Bloc Identitaire en raison d’un risque grave de troubles à l’ordre public. Mais au-delà du risque de débordements, le titre même de cette manifestation, en appelant à la haine et à la confrontation, n’était pas acceptable.

Le respect entre les personnes, la lutte contre la haine raciste et la considération entre les communautés sont des principes fondamentaux de notre République et ne sauraient être remis en cause. »

Dans le même temps, la préfecture rappelle « que les débordements tels qu’ils ont eu lieu à la fin du match Algérie-Corée du Sud dimanche soir dernier ne sont pas acceptés. »

Suite à l’interdiction de la préfecture, les identitaires ont envoyé un dernier communiqué où ils annoncent finalement qu’ils se « plieront à cette décision » :

« La Préfecture ayant refusé aux Lyonnais le droit de défendre leur ville, l’État n’a donc plus le droit à l’erreur. Nous serons particulièrement attentifs à son action demain pour maintenir la sécurité à Lyon ».

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Une voiture de police passe sur la place Gabriel Péri, à Lyon, le 26 juin 2014.
© Rue89Lyon/Matthieu Beigbeder

Le collectif de vigilance 69 contre l’extrême droite voit derrière cette tentative de rassemblement un « appel à la ratonnade » :

« Cela prouve une fois de plus leur violence, leur dangerosité, leur haine radicale de l’Autre. Et ils espèrent bien créer ainsi des émules, moins organisés mais lecteurs assidus des blogs et autres pages Facebook de la fachosphère. »

 

Une nébuleuse identitaire

Avancer masqué est une des manières de procéder de cette mouvance qui crée différentes associations pour accueillir leurs activités culturelles, sportives ou politiques.

La « montée aux flambeaux », autrement appelée « Lugdunum Suum », en est un exemple. Chaque 8 décembre, l’association « Les Petits Lyonnais » organisent cette marche, supposée être un événement plein de bonnes intentions :

« À l’heure où la Fête des Lumières tend à être un évènement national, voir international, et surtout un outil de promotion commercial pour la ville de Lyon, Lugdunum Suum a pour objectif de réunir les Lyonnais dans l’intimité, loin des discours commerciaux et des activités touristiques. C’est une célébration du 8 décembre, faite par et pour les Lyonnais », peut-on lire sur le blog de l’association.

Mais derrière « Les Petits Lyonnais », on trouve Rebeyne, les jeunes identitaires lyonnais.

Ce jeudi soir, en raison de cet appel à un rassemblement émanant de l’extrême droite et des incidents liés aux deux derniers matchs de l’Algérie, la préfecture du Rhône a donc placé la Guillotière sous haute-surveillance.


#Extrême-droite

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