C’est un feuilleton qui ne date pas d’aujourd’hui. Le projet de la classe unique est sur les rails depuis 2010. Il est inscrit noir sur blanc dans les programmes électoraux de la majorité (voici celui d’EELV). Des paroles aux actes, quatre ans se sont ainsi écoulés. EELV en a fait l’un de ses chevaux de bataille.
Cette année, le parti écolo comptait utiliser une procédure à la région, appelée « niche » lors de la session du 19 juin prochain. Celle-ci permet à chacun des groupes de la majorité de proposer au vote une délibération par an, sans passer par un accord d’exécutif. L’idée est abandonnée après discussion avec Eliane Giraud, vice-présidente à la Région, en charge des transports. Et selon elle, une procédure tient aujourd’hui la corde :
« Celle d’une délibération cadre qui viserait à améliorer le service aux voyageurs TER. Et dans laquelle il pourrait y avoir quelque chose sur la classe unique ».
L’emploi du conditionnel est important. Aujourd’hui, il est impossible de savoir la teneur de la session du 19 juin. La raison est simple : l’ordre du jour n’a pas encore été signé par le président de la Région, Jean-Jack Queyranne
Corinne Bernard, élue régionale EELV, s’impatiente :
« Maintenant, il est temps de tenir nos promesses et le programme pour lequel les électeurs ont voté ».
Libérer de la place
D’après elle, la classe unique est un prolongement logique de la situation actuelle. En effet, si la seconde classe est sur-bondée, chaque usager a le droit de s’installer en première et éviter ainsi l’étouffement. La pratique est courante et surtout légale. Elle a fait l’objet d’une délibération votée depuis quelques années par la Région. Corinne Bernard est très claire :
« L’idée, c’est d’enlever la première classe pour libérer de la place. Les gens, ils veulent juste des trains à l’heure et pouvoir s’asseoir ».
Au Front de Gauche, les priorités ne sont pas les mêmes. Avant d’instaurer la classe unique (il est pour), Antoine Fatiga, élu régional depuis 2010, préfère voir autre chose : par exemple, l’instauration de billets à un euro pendant les périodes creuses. L’objectif est simple : remplir les TER quand d’autres (EELV) souhaitent désengorger certaines lignes. Question de dosage.
« Certaines régions l’ont déjà fait comme le Languedoc-Roussillon ».
L’urgence : redonner un service de qualité aux usagers
Eliane Giraud, vice-présidente PS en charge des transports, refuse toute position idéologique. Pour elle, le débat se trouve ailleurs :
« Je ne suis pas contre la suppression de la première classe. Il faut savoir où mettre les priorités. Et aujourd’hui, l’urgence, c’est de redonner du service de qualité à l’ensemble des voyageurs. Entre les grèves, le dilettantisme, l’absence d’informations, le manque de considération des voyageurs, on n’est pas forcément au rendez-vous du service qu’on attend ».
Eliane Giraud soulève un autre point : très souvent, les usagers en possession d’un billet TGV première classe, achètent aussi un billet TER en première classe.
« En instaurant la classe unique, ces gens-là vont se retrouver à voyager dans des conditions qui ne leur conviennent pas ».
A ses détracteurs, elle tient à rappeler que d’autres moyens sont mis en oeuvre pour lutter contre le trop plein de voyageurs. En tête, les fameuses rames Regio2N, fabriquées par les usines Bombardiers de Crespin, à côté de Valenciennes.
« La Région a investit 400 millions d’euros pour avoir des trains à deux étages. Les premières rames seront déployées à l’automne sur l’axe Villefranche-Vienne, puis dans un second temps sur la ligne Ambérieu-Lyon-St Etienne-Firminy. Il y avait un problème non pas de modernisation du matériel mais de capacité. On pourra mettre plus de gens à l’intérieur. Du coup, ils voyageront de manière confortable ».
C’était sans compter les récentes révélations du Canard Enchaîné de l’inéquation, au niveau national, entre ce nouveau matériel, plus large que le précédent, et les quais existants. D’après le Réseau Ferré de France, 65 gars et 119 quais sont directement concernés par cette problématique en Rhône-Alpes. L’investissement est chiffré à 5 millions d’euros pour réaliser le fameux « rabotage » de 2 à 4 centimètres des quais. Jean-Jack Queyranne refuse de sortir le moindre centime.
« La Région Rhône-Alpes n’entend pas payer, ni de manière directe, ni via les redevances qu’elle paie pour la circulation de ses TER ».
La classe unique, c’est 4 millions d’euros
Il y a bien une chose sur laquelle les élus sont d’accord : le coût. Instaurer la classe unique = une perte de recettes nette pour la SNCF, évaluée à 4 millions d’euros. Pour l’ensemble des lignes. Une perte que la Région devra compenser, depuis son statut d’autorité régulatrice. Eliane Giraud confirme ce montant. Pour Corinne Bernard, élue régionale EELV :
« Le PS est aujourd’hui dans une phase d’hésitation, et à la Région, ils sont obsédés par les contraintes budgétaires et l’austérité. Les élus socialistes sont devenus seulement des gestionnaires ».
Pas besoin d’hésiter longtemps. Les écolos ont déjà trouvé une combine pour financer cet investissement. La TICPE (Taxe Intérieure de Consommation sur les Produits Energétiques). Corinne Bernard a déjà sorti la calculette verte.
« Cette taxe va rapporter 66 millions d’euros par an à la Région. On a une manne financière que l’on avait pas auparavant ».
Il existe encore une dernière hypothèse. Aujourd’hui, quatre lignes TER ( Lyon/Grenoble, Lyon/Annecy, Lyon/Genève et Lyon/Saint-Étienne) sont les plus rentables pour la SNCF. Oui, et alors? En laissant la fameuse première classe sur celles-ci, la facture sera moins salée pour la Région. Selon Antoine Fatiga :
« Elle sera divisée par deux. Soit deux millions d’euros ».
Alors la Région Rhône-Alpes sera-t-elle la onzième région à se doter de la classe unique? Réponse le 19 juin prochain.
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