« Le lobby LGBT envahit les écoles, bourre le crâne de nos enfants avec sa propagande, fait du prosélytisme et en profite pour recruter de futurs adeptes ! » Tel est peu ou prou le discours alarmiste que l’on a pu lire ou entendre ces derniers mois, sur fond de polémique sur « le genre à l’école ».
Derrière ces exagérations et contre-vérités se cache une réalité grossièrement déformée : depuis dix ans, des bénévoles formés par des associations de lutte contre l’homophobie se rendent en effet dans des collèges et des lycées pour parler avec les élèves, pendant une heure ou deux, de discriminations et particulièrement de celles fondées sur l’orientation sexuelle ou l’identité de genre.
L’association Rimbaud, intervenante en milieu scolaire
Pour se faire connaître des établissements scolaires, l’association Rimbaud a envoyé par le passé un dossier de présentation à tous les lycées et collèges de Rhône-Alpes. Mais cette année, aucun démarchage n’a été nécessaire : ce sont les établissements eux-mêmes qui ont contacté les bénévoles associatifs. Contrairement à ce que l’on pouvait penser, les récentes polémiques liées aux « ABCD de l’égalité » ou à ce que ses opposants appellent très improprement « l’introduction de la théorie du genre (sic) à l’école » n’ont pas eu de répercussions sur l’activité. La lutte contre l’homophobie fait partie des missions que s’est fixé le ministère de l’Education nationale depuis plusieurs années : elle était déjà mentionnée dans une circulaire émise en septembre 2008 par le ministre d’alors, Xavier Darcos. L’éducation nationale délivre aux associations un agrément national qui peut être demandé au bout de trois ans d’activité. Heteroclite
À Lyon, trois associations pratiquent ainsi ce qu’elles appellent des Interventions en Milieu Scolaire (IMS) : Contact, SOS Homophobie et Rimbaud. Très loin de cours magistraux, les Interventions en Milieu Scolaire prennent la forme d’une discussion entre les bénévoles et les élèves qui commencent généralement par un bref exposé sur différentes formes de discrimination telles que le racisme, le sexisme, l’handiphobie… et bien sûr les LGBTphobies (ce dernier terme nécessitant évidemment explications et définitions).
Puis les intervenants demandent aux élèves de classer ces discriminations par gravité : une démonstration par l’absurde que toutes doivent être combattues avec la même force. Pour illustrer leur propos, les bénévoles associatifs peuvent s’appuyer sur cinq court-métrages produits en 2011 par Canal + et l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (INPES, organisme public dépendant du ministère de la Santé), qui abordent des thèmes qui sont ensuite débattus avec les élèves : coming-out, homophobie intériorisée, rejet, etc.
« La demande peut venir de professeurs, de proviseurs adjoints ou d’infirmières scolaires », explique Sara Wilder, la présidente de Rimbaud :
« Parfois, ils ressentent de l’homophobie dans leurs classes et c’est pourquoi ils font appel à nous. Mais nous ne sommes pas des pompiers : nous n’intervenons pas dans une seule classe où il y aurait un problème afin de ne pas stigmatiser les élèves, ce qui ne ferait que les braquer ».
« Pédé » n’est pas un diminutif de pédophile
Parmi les outils pédagogiques auxquels ont recours les intervenants, le “jeu des insultes“ consiste à lister les insultes homophobes, qu’elles s’adressent à un homme ou à une femme. Les adolescents prennent ainsi conscience que les premières sont beaucoup plus fréquentes que les secondes et que, lorsqu’elles visent un homme, elles consistent bien souvent à le féminiser : la tapette, la pédale, la tarlouze…
Les intervenants en profitent alors pour mettre en lumière les relations entre homophobie et sexisme, mais aussi rappeler l’étymologie de ces insultes (beaucoup de jeunes croient ainsi que « pédé » est un diminutif de « pédophile ») et insister sur leurs conséquences : on estime en effet qu’un élève les entend environ vingt fois par jour.
Si ces insultes n’ont pas toujours une visée délibérément homophobes (beaucoup d’élèves utilisent ainsi l’expression « sale pédé » par jeu ou entre amis), leurs effets n’en sont pas moins ravageurs : dans la tête des adolescents homos, elles installent l’idée que ce qu’ils sont est une injure. Le « jeu des stéréotypes » invite pour sa part les adolescents à remettre en cause leurs propres clichés en leur demandant s’il est possible de reconnaître un(e) homosexuel(le) dans la rue grâce à sa démarche ou à son habillement ; quant au « jeu des petits papiers », il leur permet de poser anonymement toutes les questions qu’ils souhaitent aux intervenants.
La morale laïque et Le Baiser de la lune
Les Interventions en Milieu Scolaire se concluent systématiquement par un questionnaire de satisfaction distribué aux élèves pour recueillir leur avis sur ce à quoi ils viennent de participer et savoir si cela les a aidés à mieux accepter les homosexuel( le)s. Si le but des Interventions en Milieu Scolaire n’est donc pas d’aborder les sujets qui ont fait l’actualité ces derniers mois (mariage et adoption pour tous, PMA, etc.), ceux-ci sont souvent évoqués spontanément par les élèves.
Pour autant, Sara Wilder, la présidente de l’association Rimbaud, se défend :
« Nous ne sommes pas là pour faire de la propagande, mais pour promouvoir les valeurs de la République : l’égalité des citoyens, la tolérance, la laïcité, le respect des droits et des devoirs de chacun ».
Une sorte de morale laïque qui concerne pour l’instant des élèves de la Quatrième à la Terminale mais qui pourrait bientôt s’adresser à des enfants de huit à dix ans, sous une forme différente et adaptée à leur âge. Dès la rentrée prochaine, Rimbaud souhaite en effet intervenir dans des écoles primaires auprès d’élèves du cours moyen pour leur parler non pas de sexualité mais de relations amoureuses, en s’appuyant notamment sur le court-métrage d’animation Le Baiser de la lune.

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