Au mensuel Hétéroclite « gay mais pas que », les têtes de liste à Lyon ont exposé leurs propositions pour lutter contre les discriminations et garantir l’égalité entre tous les Lyonnais.
1. Aline Guitard, Front de gauche-Gram
2. Emeline Baume, EELV
3. Eric Lafond, centriste
4. Michel Havard, UMP-UDI
5. Gérard Collomb, PS-PRG-Gaec
Lorsqu’on évoque l’histoire du mouvement homosexuel et de sa lutte pour l’émancipation et l’égalité, les grandes avancées (et parfois, hélas, les grandes reculades) qui viennent en premier à l’esprit sont souvent nationales : dépénalisation, mariage, adoption, PMA…
Pour autant, l’échelon municipal, par sa proximité avec les électeurs, ne doit pas être négligé dans le combat contre les discriminations. Sans surprise, c’est à gauche que la réflexion sur ces enjeux municipaux semblent le plus approfondie.
Dans leurs propositions, écologistes (EELV), Front de gauche-GRAM (le parti fondé par la maire sortante du 1er arrondissement, Nathalie Perrin-Gilbert) ont d’ailleurs reconnu les progrès accomplis sous la mandature qui s’achève, durant laquelle ils ont fait partie de la majorité municipale. Cela ne les a pas empêché de souhaiter que ceux-ci aillent plus loin, d’exprimer des désaccords de fond avec Gérard Collomb (par exemple sur la question des arrêtés anti-prostitution) et de déplorer son manque d’enthousiasme à soutenir le mariage pour tous ou son opposition à la PMA… jusqu’à son soudain changement d’avis.
De leur côté, les soutiens du maire sortant ont rappelé son engagement auprès des associations LGBT (dont les subventions ont quadruplé depuis 2008). Ils soulignent aussi que Lyon a été, en 2010, la première ville à se voir récompensée par le label Diversité décerné par l’Association française de normalisation (AFNOR), notamment pour la formation de ses agents.
Au centre, Éric Lafond (déjà candidat en 2008 sous les couleurs du Modem et qui se présente aujourd’hui en indépendant) semble ne pas avoir très bien intégré la dimension municipale que pouvait revêtir la lutte contre les discriminations et se retranche derrière la promesse générale (et un peu vague) de faire de Lyon une ville « pour tous ». Sa prise de position sans ambiguïté sur la déportation pour motif d’homosexualité durant la Seconde Guerre mondiale réjouira cependant les associations LGBT lyonnaises : il y a six ans, celles-ci s’étaient indignées des déclarations d’un de ses colistiers qui avait affirmé qu’«il n’y a pas eu de déportation d’homosexuels pour ce motif en France».
Contrairement à Éric Lafond, Michel Havard, le candidat soutenu par l’UMP et l’UDI, a signé la “Charte des municipales » promue par La Manif pour tous. Par ce document, les aspirants-maires s’engagent notamment en faveur de l’abrogation de la loi ouvrant le mariage et l’adoption aux couples homosexuels. Soucieux de ne pas trop “droitiser“ son image (certains à l’UMP et au FN l’ont d’ailleurs trouvé trop modéré dans sa contestation de la loi Taubira), il condamne les actes et les propos homophobes, salue le soutien apporté aux victimes mais peine à formuler de véritables propositions.
Enfin, Christophe Boudot, le candidat du Rassemblement Bleu Marine, qui regroupe le Front national et ses sympathisants non-encartés, est la seule tête de liste qui n’ait pas répondu à nos sollicitations. Si, dans le Marais, le parti de Marine Le Pen a présenté des candidats ouvertement gays, Lyon n’est pas Paris et la stratégie de drague de l’électorat homosexuel n’est pas aussi avancée chez l’extrême droite française que chez ses homologues du nord de l’Europe. Mais faut-il vraiment s’en plaindre ?
1. Aline Guitard Liste Lyon Citoyenne et Solidaire, Front de gauche et GRAM
Quelle gestion des ressources humaines de la Ville mettrez-vous en œuvre pour lutter contre les discriminations à l’embauche et au travail chez les agents municipaux ?
Il faut tout d’abord limiter le recours aux contractuels, car on sait que cela crée de la précarité pour les agents et que c’est propice aux annonces potentiellement discriminatoires. Le recours généralisé au recrutement par concours – bien qu’il ne suffise pas à faire disparaître les discriminations – sera un gage d’égalité entre les agents, à l’embauche mais aussi pour le déroulé de carrière.
Le soutien financier de la municipalité aux associations LGBT a fortement augmenté depuis 2008 ; poursuivrez-vous cet effort si vous êtes élue ?
Nous ne nous engageons pas à augmenter les subventions mais à maintenir l’existant en regardant ce qui peut être fait en fonction de la politique publique qui sera construite, des besoins des associations et du budget municipal. Nous le ferons dans le cadre de contrats pluriannuels permettant aux associations de ne pas passer une partie de l’année dans la course au montage de dossiers de subventions…
Comment entendez-vous lutter à l’échelon municipal contre le VIH et les IST ? Quelle politique de santé mènerez-vous ?
Nous voulons accompagner l’accueil d’un Centre de Santé sexuelle sur le 1er arrondissement en œuvrant à la mise à disposition de locaux de 1000m² appartenant à la Ville et au Grand Lyon. Les Hospices civils de Lyon (HCL), la Coordination régionale de lutte contre le virus de l’immunodéficience humaine (COREVIH) ainsi que les associations de prévention travaillent sur ce projet depuis deux ans. Par ailleurs, nous relancerons le programme d’éducation à la sexualité à l’école primaire qui a été abandonné il y a dix ans.
Comment comptez-vous mettre en valeur le Point G, le Centre de ressources sur le genre de la Bibliothèque municipale de la Part-Dieu, le seul de ce type en France ?
Il faut en faire un lieu permettant des actions pédagogiques, notamment avec les publics scolaires, mais aussi financer un temps plein (au lieu du mi-temps actuel) pour gérer le fond et s’assurer que ce dernier est bien scanné et mis en ligne.
2.Emeline Baume Liste Inspirez Lyon Europe Écologie-Les Verts
Comment travaillerez-vous avec les associations LGBT ?
Nous souhaitons arrêter le one shot, c’est-à-dire les appels à projet qui nécessitent, pour les associations, de solliciter chaque année le bon adjoint au bon moment pour obtenir un bout de financement… Nous développerons des conventions pluriannuelles entre les pouvoirs publics et le secteur associatif. Il faut aussi anticiper dès maintenant le passage à la Métropole au 1 er janvier 2015. Cela va être un profond bouleversement : les élus métropolitains auront ainsi des compétences nouvelles par rapport aux conseillers municipaux (par exemple en matière d’aide sociale) et les associations (notamment LGBT) qui travaillent dans ces domaines doivent s’y préparer. Les politiques d’égalité et de lutte contre les discriminations devront être coordonnées au sein d’une délégation de la Ville dont la charge reviendra à un adjoint à plein temps mais aussi au sein de la Métropole. Enfin, il faut communiquer mieux et plus sur les actions menées par les associations via les supports de la Ville tels que les panneaux Decaux ou le magazine Lyon Citoyen.
Vous engagez-vous à apposer, près du Veilleur de Pierre, une plaque commémorative reprenant l’ensemble des motifs de déportation (dont l’homosexualité) ?
Je pense qu’une telle plaque aurait davantage d’impact et de vertus pédagogiques au Centre d’Histoire de la Résistance et de la Déportation, dans le 7e arrondissement, qui reçoit énormément de publics scolaires.
Quelle attitude adopterez-vous à l’égard des prostitué(e)s ?
Il faut revenir sur les arrêtés pris par la municipalité sortante, qui sont inacceptables. Ils ont compliqué le travail des associations telles que Cabiria, qui font ce qu’elles peuvent avec leurs moyens humains et financiers. Celles-ci ne sont plus en mesure d’effectuer leur mission de prévention auprès des personnes prostituées, qui subissent des agressions fréquentes. Sur ce sujet comme sur d’autres, il est nécessaire d’organiser un état des lieux avec les acteurs associatifs. Aujourd’hui, les politiques n’entendent que les habitants qui se plaignent de la présence de prostituées dans leur quartier…
3.Éric Lafond Liste Lyon pour tous, tous pour Lyon, Centre
Continuerez-vous à soutenir les événements qui reçoivent une aide financière de la Ville de Lyon tels que la Quinzaine des Fiertés LGBT, le festival Écrans Mixtes ou le tournoi TIGALY ?
Oui, à condition que ceux-ci s’inscrivent dans une logique de mélange et pas de recroquevillement sur soi-même. C’est très important car c’est la méconnaissance de l’autre qui fait que l’on fantasme des choses terribles à son sujet. Je suis convaincu qu’il faut vivre et laisser vivre, donc je n’aurai pas de problème à soutenir de tels événements.
Avez-vous déjà participé à la Marche des Fiertés LGBT de Lyon et y participerez-vous en tant que maire ?
Non, je ne crois pas que le rôle d’un maire soit d’être associé à cela, car il est le maire de tous les habitants de sa commune. Il n’a pas à aller défiler dans la rue, quel que soit le sujet : vous ne me verrez donc pas plus à d’autres manifestations. Je préfère faire la promotion de l’égalité de traitement plutôt que de défendre une cause minoritaire.
Vous avez participé aux “Cafés pour l’enfance” organisés par En marche pour l’enfance, une des associations coorganisatrices de La Manif Pour Tous. Qu’y avez-vous déclaré ?
J’y ai rappelé que les études de genre existent depuis quarante ans et qu’elles sont pertinentes : en tant qu’universitaire, je trouve toujours intéressant d’essayer de comprendre comment la féminité et la masculinité se marquent dans la société. Je ne crois pas en revanche à l’idéologie du genre, l’idée qu’on ne naît pas fille ou garçon, mais qu’on le devient. Je pense qu’il existe un sexe et un genre, qu’on peut distinguer les deux mais qu’en aucun cas on ne saurait les dissocier.
Continuerez-vous à inviter les associations homosexuelles aux cérémonies commémoratives de la déportation ?
Oui. Pour moi, la question ne se pose pas puisque l’homosexualité est clairement identifiée comme ayant été un motif de déportation durant la Seconde Guerre mondiale.
Avez-vous signé la «Charte des municipales» de La Manif pour tous ?
Non, car celle-ci demandait l’abrogation du mariage pour tous. Pour ma part, j’étais plutôt favorable à une union civile, mais la loi a été votée et je considère qu’il ne sert à rien de revenir dessus.
4.Michel Havard Liste Génération Lyon, UMP et UDI
Quelle politique de prévention des discriminations liées à l’identité de genre et à l’orientation sexuelle comptez-vous mettre en œuvre dans la gestion des ressources humaines de la Ville de Lyon ?
Il faut condamner toute sorte de discrimination liée à l’identité et à l’orientation sexuelle. Ceci relève du domaine de la loi et de son application. En tant que maire, je peux dénoncer, demander des sanctions, informer et montrer l’exemple.
Comment entendez-vous lutter contre les violences et les préjugés homophobes, lesbophobes et transphobes ?
Il faut condamner avec la plus grande sévérité tout propos homophobes. Il y a des lois qui condamnent les propos homophobes comme les propos racistes ; il faut naturellement les appliquer.
Quel soutien apporterez-vous aux associations LGBT pour leur permettre de mener leurs actions ?
Toute action qui peut aider les lesbiennes, les gays, les bi et les trans à se sentir soutenus est très importante. Par exemple, l’association Le Refuge fait un travail remarquable pour venir en aide aux jeunes que leur orientation sexuelle a éloignés de leur famille. Je regrette d’ailleurs que durant le débat sur le mariage pour tous, la question de l’acceptation et de l’intégration des jeunes homosexuels n’ait pas été abordée.
Quelle politique de lutte contre le VIH et les IST souhaitez-vous mener ?
Il y a eu beaucoup de progrès dans la politique de prévention. Celle-ci doit être poursuivie. Par ailleurs, la mise en place d’une politique de santé publique peut être accompagnée, au niveau municipal, d’actions d’information ou de campagnes de prévention.
Au-delà des politiques municipales, que pensez-vous de l’ouverture de la procréation médicalement assistée aux couples de lesbiennes ?
Je suis contre. Je suis favorable à une union civile mais la PMA est un sujet très complexe qui remet en question le fondement même de la famille en détruisant les structures traditionnelles et en fabriquant des enfants sans mère et sans père.
5.Gérard Collomb Liste Évidemment Lyon PS, PRG et GAEC
La contestation du mariage pour tous a été très forte à Lyon ; ne l’avez-vous pas encouragée en vous montrant compréhensif envers les manifestants ou en vous prononçant contre la PMA et la GPA au moment des débats ?
J’ai voté la loi « mariage pour tous ». Jamais je n’ai encouragé ce mouvement [La Manif pour tous, NdlR ] dont je ne partage pas la vision de la société. Mais il y a en France un droit à manifester auquel je suis attaché. Je regrette les violences qui ont pu émailler ce mouvement et la libération d’une parole homophobe qui s’en est suivi. Sur la PMA et la GPA, j’ai effectivement estimé que cette loi n’était pas l’outil législatif adapté pour traiter de ces deux sujets. Bien des questions d’éthique se posent encore car ce sont des sujets ô combien sensibles. Il me semble cependant que les revendications des associations sont légitimes. Mais s’il faut toujours souhaiter une progression des droits, il faut aussi savoir engager un dialogue sur ces questions et préparer ainsi l’acceptation de la société. La PMA existe en France depuis les lois bioéthiques de 1994. Nous devons, évidemment, mettre un terme aux discriminations qui subsistent encore dans nos lois entre les couples de femmes et les couples hétérosexuels.
Quel est le sens de la présence sur vos listes de Jean-Dominique Durand, un proche du cardinal Barbarin, alors que vous avez voté en faveur du mariage et de l’adoption pour tous ?
Nous partageons avec Jean-Dominique Durand une même ambition pour Lyon. La liste Évidemment Lyon est représentative de la diversité de la société française et de ce qu’est Lyon aujourd’hui. Jean-Dominique Durand est un historien reconnu et un professeur des Universités apprécié. Issu du catholicisme social, il s’est engagé dans la vie de la Cité pour un meilleur vivre ensemble. Il s’est aussi opposé avec force au négationnisme qui a sévi pendant de nombreuses années à Lyon III. Il n’a jamais émis publiquement de réserve contre la loi “mariage pour tous » que j’ai voté, au Sénat, avec conviction. Votre journal est un antidote contre les préjugés à l’encontre d’une minorité, évitons d’en avoir à l’encontre d’un homme en raison de sa religion.
Beaucoup d’associations LGBT lyonnaises vivotent faute de moyens ; allez-vous approfondir le soutien financier engagé sous vos précédentes mandatures, par exemple via des conventions pluriannuelles d’objectif ?
Les associations LGBT et de lutte contre le sida sont nombreuses et dynamiques. Je me suis fortement mobilisé pour les soutenir. Le montant global des subventions a significativement augmenté depuis mon élection en 2001. Il s’élève, aujourd’hui, à plus d’un million d’euros, sur l’ensemble du mandat. Au-delà des subventions, nous avons également mis à disposition des associations du matériel municipal, des équipements sportifs et des salles municipales. Aujourd’hui, l’enjeu pour les associations est de pouvoir bénéficier d’une stabilité financière. C’est pourquoi, pour la prochaine mandature, je proposerai un pacte associatif qui confortera la relation de confiance qui existe entre les structures associatives et la municipalité et qui pérennisera le soutien de la Ville dans un cadre pluriannuel.
Y aura-t-il, au sein du futur Hôtel-Dieu, un Pôle régional de Santé proposant IVG et dépistage du VIH en centre-ville ?
Depuis 2001, la promotion de la santé est au cœur de mes priorités. Je suis conscient des coupes drastiques de l’État dans les budgets alloués aux actions de prévention VIH/IST. Je sais aussi que l’arrivée des TROD [Tests Rapides d’Orientation Diagnostic, NdlR ] a fortement ponctionné le budget des associations. Mon engagement en soutien aux projets portés par des associations comme l’Association de Lutte contre le Sida (ALS), Keep Smiling, AIDES ou encore Chrysalide se poursuivra. Toujours aux côtés des bénévoles, je redynamiserai la Journée mondiale de lutte contre le sida. S’agissant du Pôle régional de Santé, la réflexion au sein de mon équipe municipale a déjà commencé, en lien avec des associa -tions de santé et le travail se poursuivra. J’implanterai, au cœur de la ville, un Centre de santé sexuelle. Ce projet sera construit en lien étroit avec les acteurs du secteur. Mon souhait, a priori , est que ce lieu puisse regrouper des associations de santé communautaire, des professionnels de la santé et de l’écoute et qu’il propose des services de prévention contre les discriminations, de dépistage anonyme des IST et du VIH et d’information sur la santé sexuelle et le bien-être.
A lire sur Heteroclite.org par Romain Vallet
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