L’école, nouveau lieu d’élection du documentaire français ? Le triomphe d’Être et avoir, la Palme d’Entre les murs — une fiction, certes, mais avec de gros morceaux de réalité à l’intérieur — et le succès au long cours du très réac’ Sur le chemin de l’école pointent en tout cas la salle de classe comme miroir d’une société, de ses conflits, de ses espoirs et de ses doutes.
Avec La Cour de Babel, Julie Bertuccelli opère une parfaite synthèse de tous ces films-là, posant sa caméra pendant un an dans une classe d’accueil parisienne, c’est-à-dire un « sas » de remise à niveau pour adolescents étrangers fraîchement arrivés en France. Il y a là une institutrice modèle — Brigitte Cervoni — des élèves attachants, certains très doués — Felipe, un Chilien qui raconte son histoire dans une BD particulièrement inspirée, Andromeda, une Roumaine à l’intelligence éclatante et au regard débordant de bienveillance — et des parents fiers de la volonté d’apprendre manifestée par leur progéniture…
Le film avance à coups d’événements clairement anecdotiques — le départ de la belle Mariam, moment d’émotion collectif, la présentation lors d’un festival du film qu’ils ont réalisé en cours — et circule des discussions en classe sur des sujets éclairant les différences culturelles qui séparent les ados — la religion, encore et toujours — aux réunions individuelles entre l’instit’ et les parents.
La mondialisation entre les murs
LA COUR DE BABEL – Bande-annonce VF par CoteCine
Cette structure de chronique pointe la limite d’une œuvre artificiellement formatée sur la durée d’un long-métrage alors qu’elle pourrait donner lieu à une mini-série télé à la manière de La Loi du collège. C’est paradoxalement dans cette apparente dédramatisation des choses que repose le tour de force de Bertuccelli.
En juxtaposant les parcours singuliers de ces jeunes exilés, la cinéaste dresse en creux un état du monde et de ses troubles actuels : la permanence d’une extrême droite antisémite en Serbie, l’impossible émancipation des femmes en Afrique, la violence urbaine en Amérique du Sud, le conflit jamais éteint entre catholiques et protestants en Irlande du Nord et, partout, les inégalités sociales qui poussent à un exode à l’issue incertaine…
La Cour de Babel trouve ainsi dans une situation locale le reflet d’un désordre global dont la solution, d’un optimisme naïf mais nécessaire, réside dans une tolérance et une compréhension mutuelles, celles que manifestent entre eux les héros ordinaires de ce joli film.
Par Christophe Chabert, sur petit-bulletin.fr.
La Cour de Babel
De Julie Bertuccelli (Fr, 1h28) documentaire
Chargement des commentaires…