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Lettre à Manuel Valls : « Mon patron a besoin de moi mais je vais être expulsée »

Depuis deux ans Chérifa Cherni, une Tunisienne de 49 ans habitant Villeurbanne, essaye d’obtenir un titre de séjour comme « aide à domicile ». Après trois demandes rejetées pour des raisons qu’il estime infondées, son avocat Morad Zouine a écrit une lettre ouverte au ministre de l’Intérieur, Manuel Valls, dont nous publions les principaux passages.

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Picto_tribuneMonsieur le Ministre,

Je vous adresse ce courrier, frustré par le sort réservé à une femme, Chérifa Cherni, qui réside depuis près de huit années sur le territoire français qu’on lui demande aujourd’hui de quitter. Elle s’est pourtant formée avec passion aux métiers de l’aide à domicile, pour assister les plus vulnérables dans les actes de la vie courante. Un métier dont on sait qu’il est en tension et qu’il a besoin de personnel qualifié.

 

Elle travaille dans un secteur qui manque de main d’œuvre

J’ai suivi avec attention le débat qui vous a opposé à Florian Philippot sur France 2 le 6 février dernier, dans l’émission « Des paroles et des actes ».

Vos propos sur les secteurs où nous manquons de main d’œuvre ont particulièrement attiré mon attention.

Ce discours rencontre justement un écho dans la situation de Mme Cherni.

Plusieurs études ont révélé que le secteur des services à la personne souffrait d’importantes difficultés de recrutement, amenées à s’amplifier avec le vieillissement de la population.

Il serait fastidieux de les exposer dans cette lettre mais je me permets simplement de vous renvoyer au rapport intitulé « Les Métiers en 2015 », publié en 2007, issu des travaux engagés par le Centre d’analyse stratégique (CAS) et la DARES du Ministère de l’Emploi.

Ce rapport indique notamment que :

« La disparition du vivier traditionnel de recrutement des aides à domicile et des assistantes maternelles, et la concurrence entre les différents secteurs de l’aide aux personnes fragiles peuvent faire craindre de sérieuses difficultés de recrutement, particulièrement pour l’aide à domicile ».

Ces difficultés sont confirmées par le MEDEF via son Observatoire « Tendances Emploi Compétences », qui place le métier d’aide à domicile parmi les métiers les plus difficiles à pourvoir.

 

Le directeur du travail du Rhône nie la réalité économique

Face à cette réalité socio-économique, on ne peut que rester dubitatif face à la décision du Directeur de l’Unité Territoriale du Rhône de la DIRECCTE, qui a rejeté une première demande d’autorisation de travail déposée par l’employeur de Mme Cherni au motif notamment que les offres d’emplois seraient bien inférieures aux demandes dans le secteur en question.

Il nous est, en somme, opposé un trop grand nombre de demandeurs d’emploi dans cette branche face à une offre insuffisante, prenant ainsi à contre-pied le constat que partagent le ministre du Travail, le patronat ainsi que des institutions regroupant des structures intervenant dans le domaine des services à la personne.

Ma cliente a travaillé durant près de deux années dans ce domaine et remplissait parfaitement les critères excessivement exigeants fixés par votre circulaire du 28 novembre 2012.

Le Préfet du Rhône a fait le choix de ne pas suivre vos instructions.

 

Son patron veut réembaucher cette femme

Il a souvent été répété que les flux migratoires devaient être adaptés « aux besoins de nos entreprises ».

Le dossier qui vous est présenté aujourd’hui met justement en exergue les difficultés que rencontre un responsable d’entreprise qui souhaite réembaucher une femme qui lui a donné entière satisfaction, et dont le travail est reconnu par une clientèle exigeante, qui attache une grande importance au lien humain développé à travers le cadre professionnel particulier dans lequel s’inscrit le métier d’aide à domicile.

Nous sommes par ailleurs face à un secteur qui rencontre des difficultés de recrutement qui vont en s’aggravant.

Il me semble que cette situation correspond parfaitement à la philosophie même de votre circulaire, et que la régularisation de Chérifa Cherni aurait le mérite d’apporter une certaine cohérence à votre action.

Mais on ne pouvait légitimement s’attendre à ce que les étrangers qui remplissent pleinement les critères que vous avez vous-même qualifiés d’exigeants se voient opposer un refus aussi lapidaire.

 

Des cotisations sociales sans les droits sociaux

Il vous est également demandé de tenir compte du réconfort apporté par cette femme aux personnes vulnérables qu’elle a assistées dans le cadre de son travail, dans un secteur élevé au rang de cause nationale, étant rappelé que votre gouvernement met lui-même en œuvre d’importants moyens pour mener à bien la réforme de la dépendance, qui devait accoucher d’une loi d’orientation avant la fin de l’année 2013.

Chérifa Cherni a apporté sa contribution aux dépenses sociales de notre pays par le biais des cotisations prélevées sur ses salaires, dont certaines ne seront pour elle que des investissements à fonds perdus puisqu’elle ne profitera guère des droits sociaux correspondants, en raison de l’irrégularité de son séjour.

 


#Expulsion

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