Elle ne délivre pas la licence d’agent de footballeurs nécessaire à l’exercice du métier, mais « prépare à l’examen ». C’est à un public très varié que l’équipe pédagogique de l’école d’agents de joueurs de football (EAJF) en tournée ce mois-ci a toutefois vendu sa formation. Parmi eux, un aspirant entouré de beaucoup de monde. D’amis et de sa mère qui, tandis que nous l’approchions pour engager la conversation, a fait barrage de son corps, déclarant que son fils avait « déjà parlé au Progrès ». Mère d’agent, mère de joueur, même combat…
Un cousin « pro »
Toutes les femmes présentes étaient en effet des accompagnatrices, d’un fils, un mari, un compagnon… Toutes sauf une. Soren, 47 ans, s’est présentée comme une mère de trois enfants qui, après 25 ans d’une carrière de comptable « veut voir autre chose ». « Issue d’une famille de footeux », elle s’est qualifiée de « passionnée du ballon rond » :
« Je vais allier mon expérience dans l’aspect financier et administratif à ma passion. J’ai les armes pour faire ce métier. »
Sa seule crainte : la perception des femmes dans un milieu exclusivement masculin.
« Faut pas se raconter d’histoires, il faudra se battre, mais ça ne me fait pas peur. »
C’est un projet qu’elle mûrit depuis quelques années, mais dans lequel elle n’a décidé de se lancer que cette année.
« C’est difficile, quand on fait le même métier depuis 25 ans, de se décider à quitter le confort d’un bureau. »
Inscrite depuis fin décembre, Soren n’attend que le 2 juin pour s’installer sur les bancs de l’école, et pouvoir profiter du réseau de professionnels offerts que l’école prétend avoir. Si elle a baigné depuis toujours dans le milieu du football du côté des supporters, elle connaît également les coulisses de la profession : un de ses cousins était « pro », dit-elle.
Bruno Lalande, actuel directeur du cabinet d’agents associé à l’EAJF, s’est montré en exemple pour convaincre les candidats de s’inscrire : footballeur occasionnel, il avait pour lui sa passion du football. « Et c’est tout ». Il fait partie des premières promotions de l’école et joue la vitrine parfaite. Celui qui n’est parti de rien et qui a réalisé son rêve de gosse.
«C’est un métier que j’avais envisagé quand j’étais ado, mais pas plus que cela.»
Après l’obtention de sa licence d’agent joueur, nécessaire à l’exercice de la profession et exigée par la FIFA, il décide de créer, en partenariat avec l’école, un cabinet d’agent de joueur, XI de légende. Aujourd’hui, il gère une petite dizaine de joueurs de tous les niveaux, ce qui, selon lui, aurait été impossible à faire en si peu de temps s’il avait été tout seul.
De l’AS Lyon-Duchère au clubhouse de l’OL
Le réseau, ce n’est pas un problème pour Abdelaziz. Cet agent de maîtrise de 56 ans a le football dans la peau : son frère a joué pro, son fils également. Lui, s’il a tâté du ballon « à petit niveau », il a toujours été « plus dans l’organisation ».
Il fait partie ou a fait partie de nombreux clubs de football dans la région lyonnaise, notamment l’AS Lyon-Duchère, qui évolue en CFA ou CFA 2 depuis une dizaine d’années. Agent de joueur, il l’est un peu déjà, depuis longtemps, avec son frère, son fils. Ou d’autres. Hésitant depuis quelques années à sauter le pas de la formation, un récent gain de « temps libre » l’a décidé. A propos de l’EAJF, il dit :
« Ce sont des gens sérieux, ça se voit. »
Le réseau d’Abdelaziz est déjà constitué. Il assure que des gens l’attendent, les contrats avec :
« En fait, on m’a un peu poussé à passer ma licence. »
Coïncidence, le frère d’Abdelaziz collabore occasionnellement avec l’EAJF : il est désormais entraîneur de l’équipe féminine du PSG. Il ne lui manque plus que la carte en PVC le bombardant « agent de joueur » officiel de la fédération française de football (FFF).
Possible de payer en plusieurs fois ?
Les cadres de l’école l’ont répété : l’examen pour obtenir la licence d’agent de footballeurs présente une « grande complexité juridique ». Si elle ne délivre pas la licence, l’école insiste sur son rôle préparatoire. Une façon de légitimer et la formation et son coût : 1649 euros pour la formation e-learning, 3349 euros pour une formation alliant cours en ligne et approfondissement avec les professeurs.
C’est d’ailleurs le principal thème des questions posées à l’équipe dirigeante : est-il possible de payer en plusieurs fois, les formations sont-elles éligibles à l’AIF (Aide Individuelle à la Formation) ou au CIF (Congé Individuel de Formation), peut-on faire financer la formation par les Missions Locales ?
« Le temps de la réflexion »
Ratamen, 28 ans, « dans le conseil fiscal », vient chercher « une autre vision du football ». S’approcher des réalités, loin des « clichés vendeurs des médias« , et ajouter une corde à son arc d’entrepreneur. Il apprécie le football, mais semble surtout avoir été séduit par le discours sur les valeurs de «l’agent de joueur idéal» délivré par l’école : le professionnalisme, l’ouverture, et l’excellence…
Pour autant, il se laisse le temps de la réflexion.
Direction le cabinet de Bruno Lalande
L’EAFJ a limité le nombre de places à 30, « certaines étant déjà retenues ». S’ils la suivent, la formation devra préparer les aspirants à passer l’examen pour la licence officielle, consistant en une épreuve de droit général aux alentours du mois de novembre, et une épreuve spécifique aux règlements de la FIFA aux alentours de mars.
L’examen a en effet un taux national de réussite d’environ 20%. La faute aux « candidats mal-préparés, qui pensent qu’en connaissant quelques règles du football, on peut réussir », martèle le directeur de l’école. Pour environ 3400 euros la formation multimodale, l’école promet une réussite de 70% des candidats présentés.
Bonus : les cinq majors de la promotion pourront intégrer le cabinet d’agents dirigé par Bruno Lalande. Une « saine compétition », un milieu très fermé à intégrer, des sommes d’argent considérables : quelques caméras en plus et on tiendrait presque les ingrédients d’un parfait reality-show.
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