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Blog du taulard #4 : La promenade, c’est le lieu des revendications

Alors lecteur, ces cours de promenade, goudronnées, sans herbe, sans banc, avec un avant toit quand il pleut et un robinet si on a soif. Allez, tu en as vu dans les films ou dans les reportages.

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Blog du taulard #4 : La promenade, c’est le lieu des revendications

Image tirée du film Midnight Express d'Alan Parker (1978).
Image tirée du film Midnight Express d’Alan Parker (1978).

Tu sais, les mecs tournent toujours à l’inverse des aiguilles d’une montre, toujours. Comme pour contrer le temps, comme dans le film Midnight Express.

D’autres sont debout à discuter, assis sur le sol à jouer aux cartes avec les sempiternels :

« – T’as une roulée ? T’as une feuille de cigarette ?

– Ha non, c’est la misère mon gars. »

La cour de promenade, point hautement stratégique, balayée par les caméras où, quand on y est, jamais un maton n’entre. Même en cas de bagarre, pas si fréquentes qu’on le raconte. S’il y a un taulard qui pisse le sang, les matons disent à quelques-uns « Sortez-le, mais sortez-le ! ». Mais eux ne rentrent pas. A quatre ou cinq contre 30 à 60 ; ils ont peur, si peur qu’ils laisseront crever le type.

Le lieu des revendications

La promenade, c’est le lieu des revendications, le plus courant et le plus utilisé. Les taulards « bloquent ». Autrement dit, ils refusent de remonter. Le maton ouvre la porte :

« Allez, tel étage, on remonte ! »

Et les taulards continuent à tourner sans répondre.

Parfois un gradé vient parler à travers le grillage. Un ou deux taulards se dévouent pour poser la revendication. Ceux-là savent qu’ils prennent des risques et qu’ils seront certainement transférés dans une autre taule, considérés comme meneurs. Évidemment les matons disent de remonter, qu’on en causera après. Comment ? Bloqué en cellule, on ne peut plus « discuter » ou négocier.

Si le blocage s’éternise, on sait que les ERIS (Equipes régionales d’intervention et de sécurité) qui vont arriver. Oui, toujours la sécurité. Ce sont des individus suréquipés (matraque, gilet pare-balles, cagoule, taser, menottes, bombe à gaz, bouclier…) qui s’entraînent toute l’année. Mais leur entraînement, c’est pour de faux, il ne tapent pas vraiment.

« La force strictement nécessaire »

Alors quand ils ont l’occasion d’être dans le réel, ils se frottent les mains et ils ne font pas semblant. Ils arrivent à trois contre un, car il y a toujours quelques taulards qui finissent par rentrer avant l’affrontement. Et ça cogne. « Avec la force strictement nécessaire », dit la loi. Les CRS à côté sont des gentils ; les taulards ne gagnent jamais.

Après, quand on a traîné les récalcitrants, souvent en sang ou couverts de bleus dans leur cellule, il y a l’enquête. La fameuse enquête pour déterminer les meneurs. On passe un par un dans le bureau du gradé, où menace et récompense permettent de désigner celui qu’on a repéré d’avance. Et dans les 10 jours, il y a des taulards qu’on ne revoit plus, transférés à l’Est, au Nord et à l’Ouest.

Les matons, ils veulent tout maîtriser, tout savoir, tout voir. Ils sont comme Argos, dans la mythologie grecque : l’espion aux 100 yeux, à la solde de Héra, surveillant les infidélités de son époux Zeus. Cinquante yeux se reposaient pendant que cinquante autres veillaient. La vigilance 24 heures sur 24.

En taule, heureusement, tous ces yeux électroniques ou humains ne sont pas toujours performants. Il y a des myopes, volontaires ou involontaires.


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