Par Laureen Laboret
La séance débute par la projection du court métrage Une robe d’été de François Ozon, réalisé en 1996. Dans ce film d’une quinzaine de minutes c’est l’histoire de l’homosexualité sur 200 ans qui est résumée. Deux jeunes hommes amoureux sont en vacances dans le sud de la France, l’un d’eux reproche à son amant son comportement exubérant de « folle ». Il s’en va à la plage et rencontre une jeune espagnole avec qui il fait l’amour. C’est sa première relation avec une femme. Lorsqu’il décide de rentrer, ses vêtements ont disparu, son amie lui prête alors une robe. En enfilant cette robe son comportement change, il assume ce qu’il est, et rentre retrouver son copain.
Dans la première partie du court métrage, on voit se dessiner une homosexualité « à l’ancienne » (jusqu’au 20ème siècle) : cachée, dans l’ombre, on a des comportements mais ceux-ci ne nous définissent pas en tant qu’homosexuel.
Dans la seconde partie, on sort du privé, de l’intime, on s’assume, on va être tout entier dans sa pratique sexuelle. La robe dans le film devient l’outil d’émancipation, c’est elle qui va représenter le genre.
« En portant ce vêtement, le jeune homme transgresse des normes de genre que les vêtements portent en eux, il va afficher son indépendance face à ces normes, on le voit à son comportement lorsqu’une voiture le klaxonne : il relève la tête, il assume » résume Anne Verjus, docteure en études politiques et membre du laboratoire Triangle pour lequel elle travaille sur la division des sexes comme système de pensée politique.
Le troisième genre
Autre thème abordé par le film : l’expérience bi-sexuelle, puisque c’est par la relation avec une femme que le jeune homme parvient à rejeter le dégoût de la féminité de son amant. Cette tendance existe depuis l’antiquité, mais elle n’est revendiquée comme identité sexuelle que depuis peu. Avant la fin du 19ème siècle, la bisexualité n’était pas considérée comme une identité sexuelle légitime rappelle Anne Verjus.
« La bisexualité remet en cause la bi-catégorisation des sexualités » ajoute-t-elle. En Allemagne, depuis le début de l’année, lorsqu’un enfant naît, lors de la déclaration à la mairie, les parents sont obligés de choisir un sexe entre homme, femme…ou intersexué. Même si cette reconnaissance officielle d’un troisième genre n’est pas encore très rependue, elle s’opère dans des pays tels que l’Australie, l’Inde et la Thaïlande. Mais avant qu’elle ne soit complètement acceptée, le chemin est encore long.
« La vie est très difficile pour les personnes intersexuées, elles subissent des mutilations des organes génitaux par des chirurgies natales agressives » résume Anne Verjus.
La remise en cause de cette bi-catégorisation des sexes n’a pas uniquement lieu à la naissance, puisque des adultes peuvent se rendre compte que leur sexe apparent n’est pas celui définit par leur couple de chromosome (XX chez les filles, XY chez les hommes). En ce sens, les cas des athlètes espagnole et australienne, Maria Patiño et Caster Semenya, questionnées toutes deux sur leur identité sexuelle lors de leur participation aux Jeux Olympiques, résument à merveille la citation de la biologiste américaine Anne Fausto Sterling « le sexe d’un corps est trop complexe pour qu’il puisse parler de lui-même et fournir des réponses claires ».
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