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Mamela Nyamza perd une bataille, pas la guerre des sexes

Après Via Katlehong et Dada Masilo, la Maison de la Danse achève son panorama de la danse sud-africaine avec la chorégraphe du Cap et une bande de djeuns bondissants de Soweto. Leur rencontre, explosive, cible le fossé qui sépare hommes et femmes dans la « nation arc-en-ciel ».

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Mamela Nyamza et les soweto's finest
Mamela Nyamza et les soweto’s finest

La danse, aussi, est un sport de combat. Mamela Nyamza, que l’on connait à peine en France, ne refuse jamais la confrontation. Sa rencontre avec les Kids de Soweto n’est pas à son avantage. Toujours à la lisière de la performance, la chorégraphe du Cap se mesure cette fois à la jeune génération sud-africaine, la génération Y qui n’a (presque) pas connu l’apartheid, et n’en fait qu’à sa tête, avec de fortes convictions. Pour l’incarner, elle ne pouvait trouver mieux que ces Soweto’s Finest. Avec ce groupe de cinq garçons frondeurs et bondissants, elle met en scène un rapport de force ludique, au déroulé peut-être un peu trop systématique, mais revigorant quand il laisse parler la spontanéité.

Mamela Nyamza les a découverts l’an dernier à Johannesbourg. Elle y a mené un atelier où il s’agissait de « faire entrer le hip hop dans le théâtre ». Pour lui taper dans l’œil à ce point, on s’imagine que ces Kids ont dû débarquer comme ils le font dans le spectacle. Décontractés et sûrs de leur art. Sacs au dos, baskets flashy et casques sur les oreilles, ils entrent en scène comme à l’entraînement. La place est à prendre ? Ils la prennent en déclenchant une battle entre les sifflets et une musique tonitruante, envoyée sur ordre – « hey, Sila ! » – depuis la régie. Sans attendre, chacun à leur tour décline les figures d’un style séduisant, sophistiqué. Leur style.

 

Mise à l’épreuve

Pas à une fanfaronnade près, les pépites du township disent avoir inventé leur propre danse : le sbuja. Un mot dérivé du français bourgeois, pour signifier leur ambition. Dans la rue, les Kids sont les plus « classe ». Parce qu’ils se démarquent du populaire pantsula, mouvement qui mime la vie des ghettos. Parce que le sbuja emprunte autant aux danses traditionnelles (zouloue, tsonja, tswana) qu’au hip hop et à Michael Jackson. Parce qu’il met en tension tout leur corps : visage grimaçant, bras, c’est rare, aussi toniques que les jambes, pieds animés par saccades irrépressibles.

Face à eux, Mamela Nyamza n’a pas eu « le sentiment d’être face à des Africains qui reproduisent quelque chose d’européen ». Admirative, elle les pousse sous les feux des projecteurs pour les mettre à l’épreuve. Au début, on ne la voit pas. Elle reste en coulisses, puis d’un signe interrompt la démonstration de ses protégés. La danseuse, passée par l’école Alvin Ailey à New York et par des comédies musicales telles le Roi Lion ou We will rock you avant d’entamer une carrière solo en 2006, apparaît, sculpturale, sanglée d’une combinaison de vinyle noire, pour reprendre le contrôle de ce qui s’avère être une répétition. Les Kids de Soweto s’y plient de mauvaise grâce.

 

La fille et les garçons

Mamela Nyamza leur professe une série d’exercices, qui tous revendiquent sa présence, son rythme, sa pensée au sein d’une bande mue par le plaisir immédiat. Le spectacle va suivre dès lors la même dialectique entre les consignes, les jeux rhétoriques de la chorégraphe et le retour bravache des Kids à leur petite affaire brillante. « Cette fois, explique-t-elle, je ne veux plus revenir sur les images de notre Histoire » – ça, elle l’a fait jusqu’au duo 19-born – 76-rebels, livré en juillet au festival d’Avignon, « mais travailler sur le rapport entre les corps. »

En Afrique du Sud, la question de la race, encore marquée par la « colonisation de l’esprit », tend à s’effacer derrière la discrimination de genre. La démarche de Mamela Nyamza n’est pas anodine. Elle intime à ces garçons, qui peuvent puiser partout de quoi favoriser leur triomphe, de faire avec les filles, qui auront toujours plus de mal à s’imposer. L’échange avec les Kids prend différentes tournures. Hypnotique, quand elle les contraint à répéter cet ample mouvement de bras qui vient toucher l’épaule et se répercute d’un mec à l’autre. Radicale, quand la danseuse, figée en grand écart, passe de mains en mains. Caricaturale, quand elle orne leurs visages de baisers et de rouge à lèvres.

S’il feint de les exaspérer, le dispositif au final ne les perturbe pas plus que ça. A chaque fois, les Soweto’s Finest reprennent la main et leurs déhanchés étourdissants, la musique à fond. Avant de partir comme ils sont venus. Sans complexe. Le privilège d’une génération qui, leur tutrice l’espère, « va peut-être gagner vraiment sa liberté ».

 

Infos pratiques

Le 18 novembre à la Maison de la Danse, Lyon
Le 19 novembre au Festival Instances, à l’Espace des arts de Chalon-sur-Saône

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