A la permanence des Amoureux au ban public, en octobre 2013. © Claire Branchereau / Rue89
Accompagner son mari à la préfecture une fois l’an lui suffit amplement. Roxane « préfère encore aller aux impôts ». Cette documentaliste de 27 ans, française, a mis deux années à venir à bout des démarches nécessaires pour se marier avec Tony, un Péruvien.
Non pas qu’ils tenaient absolument à se marier, mais c’est la « seule solution » qu’ils ont trouvée pour pouvoir vivre ensemble en France. Ils font donc partie des quelques 30 000 couples franco-étrangers mariés en 2011 et recensés par l’Ined, l’Institut national d’études démographiques.
« Tout est fait pour que tu lâches l’affaire »
Ce chiffre baisse au fil des années, suite au durcissement de la législation en 2006 puis 2010. En cause : « l’accroissement du nombre des mariages de complaisance et des mariages forcés », peut-on lire sur Legifrance.Gouv.fr, mais aussi l’émergence de mariage gris et de filières.
Si tout va bien aujourd’hui pour Roxane et Tony – ils ont fêté leurs deux ans de mariage, et Tony vient juste de renouveler son titre de séjour vie privée et familiale –, ça n’a pas toujours été le cas.
« Tout est fait pour que tu lâches l’affaire », assure la jeune femme en se remémorant la guichetière de la préfecture de Caen qui lui balance : « Bah bon courage ! Vous n’avez pas fini ! »
Elle se rappelle aussi les e-mails intimes à verser au dossier, le tampon manquant, les 5 000 euros que tout ça lui a coûté et les tensions au sein du couple à cause « des papiers ». Elle ajoute :
« Si je dois retomber amoureuse, ça ne sera pas d’un étranger. Je n’aurais pas la force de le revivre. »
Et pourtant, ça aurait pu être pire. Si Roxane était tombée sur la préfecture de Nanterre ou de Nogent-sur-Marne, par exemple.
« Des préfectures, il y en a qui se lâchent »
Jeudi 17 octobre, rue des Amandiers à Paris, les bénévoles de l’association des Amoureux au ban public parlent justement de la préfecture de Nanterre. Ils songent à tenter une action. Parce que parfois, fournir une aide juridique aux couples binationaux ne suffit pas.
« Ils font face à un tel mur avec l’administration », déplore Charlotte, coordinatrice nationale de l’association, avant de poursuivre :
« Et puis en France, il y a la loi et les pratiques. Les pratiques diffèrent d’un lieu à l’autre. Certaines préfectures jouent le jeu, et puis il y en a qui se lâchent. »
En vertu de quoi ? De la marge de manœuvre que leur laissent les lois relatives au droit des étrangers (regroupées dans le Ceseda, ou « code des étrangers ») et les diverses circulaires.
Laure Navarro, avocate en droit des étrangers et de la nationalité, précise :
« Pour certains titres de séjour, commerçant, salarié, compétence et talent par exemple, le code est assez complet. En revanche, il n’est pas très précis pour les titres de séjour vie privée et familiale [celui qui concerne les couples binationaux, ndlr]. En fait, plus l’autorité préfectorale dispose d’un large pouvoir d’appréciation et plus les textes sont imprécis, voire absents. »
Courriers de vos voisins et commerçants
Charlotte montre la liste des pièces à fournir à la sous-préfecture de Nogent-sur-Marne (94) pour renouveler son titre de séjour en tant que conjoint de Français.
Au total, une vingtaine de documents différents, là où certaines préfectures en demandent douze comme à Caen [PDF] ou Lille.
Parmi les éléments requis, des « attestations de votre médecin référent […] certifiant qu’il vous voit ensemble, courriers de voisins, de commerçants […] précisant qu’ils vous voient ensemble régulièrement et indiquant depuis quand ».
On exige aussi la carte d’identité du conjoint français, ainsi que son certificat de nationalité française.
Entre les différentes préfectures, les pratiques divergent. A ce sujet, la Cimade a publié un rapport [PDF] en juillet 2013. Il pointe des exemples de préfectures qui, selon l’organisation, font du zèle.
Celle du Rhône par exemple, demande une attestation de la Sécurité sociale de chaque membre de la famille du demandeur.
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