Artistiquement, Dexter est un cas d’école de catastrophe industrielle. Poussés à la démission un à un par les exécutifs de la chaîne Showtime, les créateurs du show n’ont laissé à la fin de la saison 4 qu’un bateau ivre, désespérément exsangue de ses capitaines. S’il était encore besoin de démontrer l’incompréhension totale du matériau explosif à leur disposition, les exécutifs de Showtime appointent à son bord Chip Johannessen, l’une des têtes pensantes… de 24 Heures Chrono – avec tout le respect dû à Jack Bauer et ses services rendus à cette grande nation, sa touch n’a tout de même rien à foutre là. Johannessen ne restera que le temps d’une cinquième saison insipide, où Dexter affiche ostensiblement son cahier des charges, pour la plus grande gêne de tous : un grand méchant, une grande thématique traitée superficiellement, une cupine chaude du slip pour notre héros, du gore et une lampée de soft porn à cadence métronomique pour racoler les fans de GTA et leur girlfriend diaphane des abdos impeccables de Michael C. Hall.
Pour ce qui est de l’évolution des personnages, l’échec est encore plus cuisant. Dexter est une machine à tuer, mais avec des sentiments quand même, et des fois, ça le trouble. Debra s’enferme dès le début de la saison 7 dans une dialectique attraction / répulsion totalement inepte car régie par un non-sens absolu. Tous leurs collègues de Miami Metro sont des incompétents, des imbéciles congénitaux incapables de comprendre l’évidence (« Dexter ? Naaaaaaaaaah »), dont les romances indignes d’une telenovelas lestent chaque épisode d’une insupportable chape de plomb.
L’ultime saison de la série, plus qu’un au revoir, est essentiellement un plaidoyer pour l’euthanasie artistique d’un show qui n’a plus rien à dire. L’arrivée du personnage de Charlotte Rampling, matrice de la personnalité du héros débarquée subitement de nulle part, évoque les efforts désespérés de Chris Carter pour relancer l’intérêt de X-Files après en avoir dévoilé toute la mythologie. Aucune intrigue ne tient debout ou ne fait efficacement écho aux autres arcs narratifs. Les facilités d’écriture sont souvent scandaleuses, en particulier dans la gestion de cliffhangers tous plus artificiels les uns que les autres (Debra et Dexter finissent un épisode drogués, à la merci d’un potentiel adversaire ? Ce dernier les laisse se réveiller tranquille dans l’épisode suivant, avant d’arguer que finalement, « Je n’ai pas eu envie » – sic).
L’ultime épisode est la cerise pourrie sur un gâteau bourratif, composé exclusivement de beurre périmé. Une résolution grotesque, sans aucune forme de logique, ravalant Dexter à un personnage fonction, prisonnier d’un code moral sur lequel les scénaristes ne prennent même plus la peine de réfléchir. Eut-elle été un minimum amenée avec cohérence, cette conclusion bêtement ouverte aurait pu fonctionner. En l’état, on ne retient que l’image d’un tueur en série qui, pour protéger sa progéniture, la confie à une autre tueuse en série avant de naviguer vers une tempête en images de synthèse d’un autre temps. Oh, et s’il ne fallait retenir qu’un enseignement pratique de cet épilogue et de son étrange résonnance avec Man of Steel, ce serait “méfiez-vous des bûcherons américains barbus, ces gens-là cachent de lourds secrets“.
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