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Lyon 2 : le campus de Bron enfin réhabilité et terminé ?

DANS NOS ARCHIVES / C’est la rentrée universitaire. Les étudiants de Lyon 2 reprennent le chemin du campus « Portes des Alpes » qui attend toujours un lifting complet.

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Le 15 juillet dernier, la ministre de l’Enseignement supérieur annonçait une somme de 24 millions d’euros pour la réhabilitation du bâtiment le plus vétuste de ce campus de l’université Lyon 2 situé en la banlieue, à Bron. Une promesse accueillie fraîchement tant les besoins sont immenses et les annonces non suivies de faits. (Article publié initialement le 8 août 2013)

Jane-Amondi Odhiambo et Laurent Burlet

 

C’est un serpent de mer de l’actualité lyonnaise. Régulièrement, on annonce la « réhabilitation » ou la « rénovation » totale du campus de Bron de l’université Lyon 2, qui montre des signes tangibles de grande fatigue. Mais les étudiants et le personnel ne voient toujours rien venir.

En décembre dernier, des travaux d’envergure allaient être lancés pour rénover entièrement le bâtiment K, le plus vétuste du campus, qui abrite les départements de sociologie et d’anthropologie. Mais au dernier moment, le gouvernement a annulé le versement de l’argent escompté. L’intervention était pourtant intégrée au Contrat de Projets Etat-Région (CPER) 2007-2013.

Six mois après, sur la demande insistante des élus et de la présidence de l’université, la ministre de l’Enseignement supérieur, Geneviève Fioraso, a annoncé que le pécule promis serait débloqué en 2014. Faut-il croire ces annonces ?

En tout cas, rien ne peut se faire sans l’État, dont l’apport est indispensable : 14,77 millions d’euros, sur les 23,48 millions annoncés.

A l’entrée du bâtiment K, il faut savoir s’orienter. Photo : JAO/Rue89Lyon

 

« Un campus du tiers-monde »

Sur le campus de 35 hectares, le bâtiment K surprend par ces couloirs labyrinthiques, paliers, demi-paliers et culs-de-sac. Avec l’institut de psychologie du bâtiment L qui jouxte le K, ce sont 7 000 m2 qui doivent être urgemment rénovés .

En 2009, un diagnostic technique de ces bâtiments et de la bibliothèque, dans le bâtiment J, dressait un tableau alarmant :

  • présence d’amiante dans les planchers dégradés, faux plafonds troués et murs fissurés
  • présence de plomb dans les peintures
  • corrosion des structures en métal
  • absence d’isolation thermique
  •  fréquentes infiltrations d’eau
  • câbles électriques entremêlés le long des structures métalliques
  • unique point de sanitaires, à la turque, au rez-de-chaussée

Rue89Lyon s’est rendu sur place et a pu constater la vétusté de ces bâtiments.

(Cliquez sur une photo pour lire les légendes)

Cela fait deux ans que les travaux de maintenance sont au point mort dans le bâtiment K, destiné à être reconstruit. Cela fait également deux ans que Christophe Capuano enseigne l’histoire sur ce campus. Un lieu qu’il a réellement connu en 1991, en tant qu’étudiant. A cette époque, il se souvient déjà des amphis qui avaient « mal vieilli » :

« Quand j’y suis retourné 20 ans après, j’étais stupéfait. Dans le bâtiment K, ça ruisselle quand il pleut… Dans l’un des amphis, on doit même mettre un seau par terre. C’est une vraie fournaise en été et en hiver, on se gèle ! Parfois, on voit des oiseaux, des souris… J’imagine que le personnel de ménage s’arrange pour qu’on ne trouve pas de pigeons morts le matin ! »

Un état des lieux résumé non sans humour par Nathalie Dompnier, élue de la liste Pour une Autre Université au Conseil d’administration de Lyon 2 :

« C’est un campus du tiers-monde juste à côté de chez vous ! »

 

Il pleut dans la bibliothèque

La bibliothèque universitaire est dans le même bateau. Un enseignant évoque un endroit où « il pleut et où la bibliothécaire se bat pour sortir la tête de l’eau ». Dans cet espace de 4500 m², la remise aux normes de sécurité incendie entamée il y a deux ans est tout juste achevée. Au passage, les lames métalliques de faux plafonds qui tombaient fréquemment, ont été décrochées.

Selon Claire Charrier, présidente de l’UNEF et vice-présidente étudiante de Lyon 2, malgré son fonds important, la bibliothèque demeure désertée par de nombreux étudiants :

« L’espace est mal agencé, il y a trop de bruit parce qu’il n’y a aucun espace de travail clos. Et la chaleur est insupportable, on ne peut pas travailler dans ces conditions. »

L’édifice est recouvert d’immenses baies vitrées qui font l’effet d’une serre lorsqu’on est à l’intérieur. Ainsi, les revues conservées au dernier étage finissent par jaunir. Le poids que peuvent supporter les installations d’origine étant dépassé depuis longtemps, le sol s’affaisse un peu plus chaque année, d’après le diagnostic de 2009. Résultat : les rails de transport des livres se sont déformés, rendant certains titres complètement inaccessibles. Dernièrement, ces ouvrages ont été remis à la disposition du public, mais rien n’a été entrepris en profondeur pour remédier aux problèmes.

La bibliothèque n’offre pas de bonnes conditions de conservation des livres. Photo : JAO/Rue89Lyon

 

« Une panne dans la réhabilitation »

Ces problèmes dans les bâtiments K, L et J sont de notoriété publique pour qui est déjà allé sur le campus de Bron. De A à F, les bâtiments ont été rénovés dès 2004, bien qu’ils présentent toujours des rampes pour personnes handicapées non-conformes (voir photo) et des plafonds fissurés. Mais la rénovation n’est pas allée plus loin. Des préfabriqués ont, par contre, été installés dans l’arrière-cour. Leur état énerve également ce doctorant qui témoigne anonymement :

« Ils ont fait des travaux qui sont des cache-misère. Il y a des trous dans le plancher. En hiver, les étudiants sont tous avec leur anorak sur le dos. Il m’est déjà arrivé de leur dire de ne pas s’installer, qu’on allait sortir chercher une autre salle parce qu’il faisait trop froid. »

Les accès handicapés n’ont pas fait partie de la réfection des bâtiments A à F. Photo : JAO/Rue89Lyon

Norbert Landon reconnaît volontiers une « panne dans le processus de réhabilitation » tout en assurant que personne n’est en danger :

« Les remises aux normes ont été assurées au fur et à mesure qu’elles évoluaient. Que ce soit pour la bibliothèque ou les bâtiments K et L, on a les autorisations d’exploitation au titre de la sécurité incendie. »

Le dernier contrôle du SDIS (service départemental d’incendie et de secours) a toutefois pointé du doigt l’absence de séparation physique entre les bâtiments, ce qui peut favoriser la propagation rapide des flammes. Si cette séparation n’est pas encore effective, c’est qu’elle nécessite des travaux lourds qui ne seront réalisés qu’avec la déconstruction du bâtiment K.

 

Un campus à deux vitesses

Malgré tout, depuis quelques années, de nouvelles structures ont vu le jour : la Maison des Étudiants, le bâtiment Europe, le Centre de langues… Pour ses 20 ans, l’IUT Lumière jouira même d’un troisième bâtiment, à la rentrée 2014. Pendant que certains édifices tombent en ruines, l’université met en avant la modernité de ses nouveaux équipements.

Le récent bâtiment Filtre abrite notamment le Centre de Langues. Photo : JAO/Rue89Lyon

A sa naissance en 1973, le site universitaire de Bron passait également pour un bijou de modernité en plein milieu des champs. Son architecture béton-métal audacieuse n’est pas sans rappeler le Centre Beaubourg à Paris. Pour faire vivre ce campus flambant neuf, on envisageait de mettre en place des dessertes et des logements étudiants, comme le montre ce reportage de l’époque.

Mais le premier choc pétrolier et les débuts de la crise économique ont mis un terme aux projets. Non seulement le programme n’a jamais été achevé, mais les dernières constructions ont été réalisées à la va-vite, regrette Norbert Landon :

« Dès 1973, on savait que ça allait être un gouffre ».

Avec la scission des universités donnant naissance à Lyon 2 et Lyon 3, le campus de Bron s’est vu attribuer les filières sciences humaines et sociales. Une réputation de repaire de « gauchistes » a pris forme, étiquette qui aujourd’hui encore lui colle au béton.

 

Duel de sciences : l’arrière-goût du Plan Campus

Ce sentiment d’être délaissé ne date pas d’aujourd’hui. Il a été largement réactivé en 2008 avec le Plan Campus, qui n’a pas retenu Porte des Alpes. Le volet local de l’opération nationale, Lyon Cité Campus, s’est en effet concentré sur les sites de la Doua et de Charles Mérieux, leur réservant une enveloppe de 727 millions d’euros pour transformer leurs bâtiments. Depuis, le corps enseignant brondillan n’a toujours pas digéré cette exclusion.

La carte des campus lyonnais. Capture d’écran du site du Grand Lyon.

Nathalie Dompnier enseigne les sciences politiques dans le bâtiment K. Auprès des collègues, l’ambiance est morose :

« On assiste à un certain fatalisme, même les étudiants ne réagissent plus. Les efforts sont sur les quais, par le Plan Campus. C’est un choix politique. Si ça avait été la médecine sur ce campus, ça ferait longtemps que tout serait rénové et aux normes. »

La déception ravive l’éternel clivage entre les sciences dures et les sciences humaines et sociales. Un constat que partage Jacques Gerstenkorn, enseignant à Bron depuis 1988 :

« Le Plan Campus aurait dû inclure Bron en priorité. On paye 20 ans d’absence de réflexion sur l’enjeu des sciences humaines et sociales dans une société, et c’est une erreur tragique. Sans doute est-ce en partie parce que l’université dominante, Lyon 1, est la plus puissante financièrement. La biologie et la santé en général sont valorisées. »

 

Le campus du futur : un chantier titanesque

Personnels administratifs, étudiants, professeurs… tous semblent avoir du mal à croire à la reprise des travaux de démolition/reconstruction. Leurs espoirs ont été douchés en 2012 quand le ministère a annulé à la dernière minute les autorisations d’engagement pour le bâtiment K. L’heure est au scepticisme. Comme en témoigne cette employée de l’université croisée sur le campus :

« Quand ils annoncent qu’ils vont rénover ce bâtiment, c’est toujours repoussé. L’année dernière, c’était sûr, on allait déménager, on avait tout préparé, et puis rien. Donc on est sceptique. On sait qu’il y a beaucoup de travaux sur les quais, on ne sera pas prioritaire. »

Mais si cette fois c’était la bonne ? Une réunion technique devrait avoir lieu en septembre pour définir précisément les termes de l’opération. En cas de feu vert, le chantier durera au moins trois ans, ce qui présage une entrée dans les lieux à la rentrée 2018. Pendant ce temps, 250 bâtiments modulaires seront installés, soit 5500 m² de campus provisoire, sans un seul amphithéâtre.

Mais avant toute chose, le désamiantage s’impose. L’opération pourrait tripler, voire quadrupler le coût de la démolition, selon le volume d’amiante retrouvée. Or, chaque bâtiment ayant été construit différemment, il n’y a aucun moyen de s’en faire une idée avant d’avoir établi un diagnostic précis.

Ce que pourrait être le futur bâtiment K. Crédit : Université Lyon 2.

Puis, peut-être enfin, viendra le tour de la bibliothèque. Documentation en ligne, équipements numériques… Place au Learning Center, un espace repensé pour des réseaux performants. Un projet vieux de cinq ans, qui pourrait se voir attribuer 23 millions d’euros de la région Rhône-Alpes, si d’autres partenaires (Grand Lyon, notamment) mettent la main à la poche. Et sur ce point, rien n’est joué. Car si l’actuel CPER est prolongé d’un an pour inclure la réhabilitation du bâtiment K, le Learning Center devra attendre la prochaine contractualisation entre l’État et la Région.

Malgré l’incertitude, les contours de ce nouvel espace se dessinent déjà. Le pré-projet sera présenté cet automne, et comprend :

  • la déconstruction-reconstruction d’une partie de la bibliothèque
  • la construction d’une Maison de entrepreneuriat et de la formation professionnelle sur une emprise libérée de 2500 m2

 

Vers une vraie cité universitaire ?

De nouveaux bâtiments, oui, mais pas que. Avec 40 minutes de tram (bondé) deux fois par jour, les difficultés d’accès au campus insupporte les étudiants. Claire Charrier de l’UNEF décrit la situation :

« En hiver, beaucoup font le choix de ne pas aller à leur cours magistral à 8 heures, parce qu’il faut attendre quatre trams pour y aller. »

« A l’arrêt de tram Grange Blanche, s’il y a un événement à Eurexpo, c’est le chaos » complète Norbert Landon. Le vice-président souhaite que la rénovation du site de Bron puisse inclure la question des transports :

« Nous voulons privilégier les déplacements doux pour rejoindre les stations de métro Mermoz ou Parilly. On peut imaginer des dessertes en bus de la gare de Vénissieux qui ne passeraient pas par le centre. »

Il faudra convaincre le Sytral, le syndicat d’organisation des transports. Lequel Sytral a supprimé la navette entre Mermoz et le campus, à la création d’Atout Bus.

D’ores et déjà, l’université compte désengorger le T2 en implantant 400 logements du CROUS sur le campus en 2016, accompagnés d’une nouvelle cafétéria. Ce qui permettra de terminer le campus, en logeant les étudiants sur le campus comme il était prévu au début des années 70.

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