Chaque mois, le professeur Guillaume Ophobe répond à la question d’un lecteur assoiffé de connaissance, dans le mensuel « gay mais pas que » Hétéroclite. Cette fois-ci, il s’interroge sur cette mode qui gagne la communauté gay : celle du hipster.
Image d’illustration. © SDOT Photos / Flickr / CC
À l’origine, un homosexuel se repérait par ses manières, son œil coquin ou parfois, plus ostensiblement, par son port de plumes. Différentes catégories d’homosexuels coexistaient alors en harmonie : les bears, les crevettes, les cuirs… Il y en avait pour tous les goûts et pour toutes les fantaisies. Tout se passait donc très bien au sein de la communauté avant l’arrivée de cette nouvelle catégorie, d’origine hétérosexuelle, qui est en train d’éclipser toutes les autres : le hipster.
Cette catastrophe était pourtant prévisible : le gay hipster n’est qu’un symptôme de plus de la maladie qui frappe actuellement la communauté LGBT : le mimétisme hétérosexuel. Après la gloire de la contre-culture et de la différence, les homosexuels d’aujourd’hui singent les comportements hétérosexuels. La mode n’échappe pas à cette tendance : longtemps rois et précurseurs au pays du chiffon, les homosexuels reluquent aujourd’hui les codes vestimentaires hétérosexuels .
Le constat est accablant et pourtant bel et bien réel : une grande partie des gays sont devenus des hipsters et ressemblent donc à n’importe quel hétérosexuel. Ils ont tous l’air de graphistes travaillant pour Technikart (alors qu’auparavant, ils ressemblaient bien plus à des coiffeurs de chez Jacques Dessange). Ils écoutent de la musique qu’ils croient indé, portent des lunettes de geek vertes pomme, une barbe éparse (le nécessaire de rasage Calvin Klein a été remisé depuis bien longtemps au placard) et un chino beige The Kooples.
Ils deviennent ainsi de vrais petits hétéros. Impossible de les distinguer dans la masse ; l’uniformisation et l’illusion sont totales. Et comme le hipster est une mode consensuelle et tiède, elle est passe-partout et ne provoque personne. Les gays déguisés en hipsters se sentent enfin Monsieur-Tout-Le-Monde.
Et si je veux coucher avec un gros paysan en salopette ? Un homme couvert de latex ? Une petite crevette imberbe ? Et si j’ai un besoin irrépressible d’excentricité ? Et bien, je n’ai plus d’autre choix aujourd’hui qu’un hipster ni gros ni maigre, ni moche ni beau, ni imberbe ni vraiment poilu, ni mainstream ni indé. Les gays veulent les mêmes droits que les hétérosexuels, soit, mais pourquoi veulent-ils donc avoir les mêmes mœurs et, plus incompréhensibles encore, les mêmes physiques balourds ?
Par le Professeur Guillaume Ophobe sur heteroclite.org
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