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Circuits courts (4/6) : Des magasins de producteurs plutôt que des grandes surfaces

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Rue89Lyon poursuit sa série de reportages sur les circuits courts, ces nouveaux modes de consommation et de distribution. Pour ce quatrième volet, nous nous sommes intéressés aux magasins de producteurs. Les paysans délaissent de plus en plus les rayons des grandes surfaces pour gérer eux-mêmes leur magasin.

A Solaize, l’installation de la Croisée des fermes participe du dynamisme retrouvé du centre de village. © JEM/Rue89Lyon

 

« Il y a une quinzaine d’années, mes parents livraient une moyenne surface où ils faisaient de l’animation avec des produits offerts. Mais comme tous les fournisseurs, ils étaient tenus à la gorge ».

Frédéric Baudrand, producteur de fromages de vache et éleveur de veaux à lait de la région, a tiré profit de l’expérience familiale. Il a délaissé les rayons des grandes et moyennes surfaces pour devenir producteur-associé au sein de la Croisée des fermes, un magasin de producteur, autrement appelé « point de vente collectif » (PVC), créé en 1999 à Solaize, au sud de Lyon.

Le concept, très en vogue en Rhône-Alpes, est assez simple : des producteurs se regroupent, investissent pour acheter ou louer un local, lui donnent des allures d’épicerie de quartier et se relaient pour y vendre leurs produits directement au consommateur. C’est ce qu’on appelle la remise directe.

Ces magasins de producteurs sont bien plus avantageux que les « ilôts de producteurs » que l’on peut trouver au Auchan de Dardilly ou de Caluire. Et ce même si ces rayons estampillés « Produits du terroir » ou « Produits locaux » dans les grandes surfaces restent plus rémunérateurs que les circuits habituels de distribution pour les agriculteurs. Ils sont surtout un bon moyen pour les enseignes d’améliorer leur image. On trouve parfois des producteurs présents pour faire de « l’accompagnement produit », autrement dit de l’animation.

 

« Si demain il y a un coup de grêle et bien on ne vendra pas de courgettes »

Ce matin du mois de juin, Frédéric Baudrand est de permanence au magasin. Occupé à mettre en rayon un arrivage massif de vin, il n’oublie pas, avec l’aide d’une salariée, de conseiller les clients et d’expliquer pourquoi l’étal de fruits et légumes est aussi peu fourni en cette fin mai :

« Quand il y a des retards de saison comme en ce moment, on fait le choix de ne pas acheter ailleurs. Si demain il y a un coup de grêle, et bien on ne vendra pas de courgettes ».

A un curieux qui découvre le magasin, il prend un plaisir non feint à décliner la liste des produits proposés : la viande et la charcuterie (1er poste de vente), les produits transformés, les variétés de fromages. Le tout en provenance du Rhône ou des départements limitrophes.

Le magasin de producteur de Solaize. En mai dernier, retard de saison oblige, le rayon fruits et légumes était moins fourni que d’habitude. © JEM/Rue89Lyon

 

L’agriculteur qui joue à la marchande

A la Croisée des fermes, ce sont 12 producteurs associés et presque autant de dépôt-vendeurs (des agriculteurs qui fournissent le magasin mais qui ne tiennent pas de permanence). Toutes les filières agricoles sont représentées de manière à offrir une large mais quasi unique gamme de produits. Pour les agriculteurs qui retrouvent la maîtrise de leurs produits, c’est le bon filon :

« J’écoule 50 % de ma production via le magasin. Je livre aussi des restaurants, l’épicerie De l’autre côté de la rue et je vends à des particuliers ».

Même si cette proportion varie en fonction du type de production, il s’agit du gros avantage des PVC, confirme Mathieu Novel, animateur territorial à la chambre d’agriculture du Rhône :

« Le rapport entre le volume de production vendu et le temps passé sur place, qui n’excède pas une journée par semaine, est très intéressant pour les producteurs ».

C’est pourquoi en règle générale, une fois créés, ces magasins de producteurs s’inscrivent dans la durée. Dans le Rhône, un seul PVC a cessé son activité, pour cause de difficultés de gestion : Terroirs Beaujolais situé à Monsols. Mais le magasin n’a pas pour autant disparu. Depuis 2010, il continue de proposer des produits régionaux mais n’est plus géré par des producteurs.

 

Le périurbain, zone stratégique

Dans le Rhône, on compte une petite quinzaine de points de vente collectifs, souvent installés dans des zones périurbaines, intéressantes à plusieurs points de vue. L’impulsion a été donnée par Uniferme, le plus ancien PVC de France, créé en 1978 à Mornant sur l’axe routier Brignais-Rive de Gier. Une implantation stratégique qui lui a permis de bénéficier du transfert de population en bordure de Lyon. Aujourd’hui il fait figure d’exemple à suivre.


Afficher Les points de vente collectifs situés dans le département du Rhône sur une carte plus grande

Les points de vente situés dans l’agglomération lyonnaise (à Craponne, la-Tour-de-Salvagny et Solaize) n’ont pas seulement choisi leur lieu d’implantation en fonction de la proximité avec les exploitations mais aussi parce qu’ils s’étaient assurés de bénéficier d’une bonne zone d’achalandage, comme l’admet Frédéric Baudrand :

« C’est vrai que Solaize est une ville avec un haut niveau de vie, mais la réussite vient du fait qu’on arrive à rayonner jusqu’à Vénissieux et Saint-Pierre-de-Chandieu. Des clients viennent même de Saint-Priest ».

Cette logique d’implantation en zone périurbaine répond aussi à des impératifs financiers. S’installer dans le centre-ville de Lyon, malgré un débouché certain, exigerait un investissement initial trop lourd. Carine Montet, coordinatrice à Terre d’Envies, un réseau qui accompagne la création de PVC, souligne un autre facteur :

« De plus en plus, ce sont les collectivités locales elles-mêmes qui recherchent un groupe d’agriculteurs pour qu’un PVC se monte dans leur commune. Dans ce cas, c’est un atout pour accéder plus facilement à des locaux ».

C’est notamment ce qui s’est passé à Solaize, où la municipalité voulait recréer un centre de village dynamique. Les producteurs ont reçu une subvention pour leur installation.

Frédéric Baudrand jongle entre le conseil au client et la logistique. © JEM/Rue89Lyon

Plus récemment, la commune de Tarare a commandé une étude de faisabilité pour l’installation d’un PVC sur son territoire et un groupe de 17 producteurs s’est constitué. Le projet devrait aboutir prochainement.

L’essaimage des points de ventes collectifs n’est pas prêt de s’arrêter. Des travaux sont en cours pour installer un PVC à Simandres, dans l’est lyonnais. Pour faciliter leur installation, le Conseil régional et la Communauté de communes du Pays de l’Ozon ont octroyé près de 45 000 euros de subvention aux producteurs à l’origine du projet. Et, dans l’agglomération lyonnaise ce sont Oullins et Limonest qui pourraient bientôt en accueillir.

 

A quand l’entrée dans Lyon ?

Avec l’inauguration mi-juin du magasin Au Garde Manger, à Sainte-Foy-lès-Lyon, on se rapproche progressivement de Lyon, sans pour autant y entrer. L’obstacle principal est financier, explique Véronique Hartmann, chargée de mission espaces agricoles et naturels au Grand-Lyon :

« Le problème d’accès et de prix des locaux est toujours d’actualité. Le magasin Saveurs du coin aujourd’hui situé à Bron a renoncé à s’installer à Confluence. Il leur aurait été très difficile de prendre en charge le loyer ».

Porté par l’association Saveurs du coin, qui rassemble une soixantaine de producteurs du département, ce magasin de Bron, ouvert en 2009 n’est pas à proprement parler un PVC. Les producteurs ne sont pas toujours sur place et la vente est gérée par des salariés. Pour le reste, il propose une gamme similaire de produits locaux et de saison. Pour Pascal Guichard, le président de Saveurs du Coin, ce n’est que le début :

« L’objectif c’est de développer ce genre de lieux avec une démarche commerciale en mutualisant les moyens financiers et humains et en choisissant des lieux de l’agglomération où les citadins sont réceptifs à une offre locale ».

Pour l’instant, le projet phare de Saveurs du coin, c’est la reprise de la Halle de la Martinière dans le 1er arrondissement. Au terme d’un appel d’offres contesté, la Ville de Lyon a en effet confié les travaux et la gestion du futur espace au groupement d’intérêt économique (GIE) des Producteurs du Goût. Outre Saveurs du coin, le GIE comprend l’association des Côteaux du lyonnais (une vingtaine de viticulteurs) et Victor le boulanger (7 producteurs de céréales). L’idée étant de proposer un large éventail de produits locaux, à la fois en vente directe et en dépôt-vente, en plein cœur de Lyon.

 

La réouverture de la Halle de la Martinière au point mort

Initialement, la réouverture de la Halle de la Martinière devait avoir lieu fin 2013 mais les travaux, qui coûteront la bagatelle d’1,6 millions d’euros, n’ont toujours pas débuté. Une situation pointée du doigt par l’association Halle Mart’, candidate malheureuse à l’appel d’offres, qui milite en faveur d’une gestion en régie de la Halle. Surtout, elle remet en cause les subventions prévues pour financer les travaux, alors que  la composante la plus importante du GIE, Saveurs du coin, souffrirait de difficultés financières.

Début-juin, les élus écologistes du département, soulevaient déjà ce point dans un communiqué de presse prévenant de leur refus de voter une subvention « en faveur d’un projet où cette société (Saveurs du coin), plus que fragile, joue un rôle prépondérant ».

Il y a encore quelques mois, la réouverture de la Halle par le GIE des Producteurs du goût était prévue pour l’automne 2014. Aujourd’hui, nul ne peut dire si elle aura lieu.

En attendant que des PVC et autres magasins de producteurs s’installent à Lyon intra-muros, une alternative réside dans ces épiceries de quartier qui font le choix d’un approvisionnement en produits locaux. On en parle dans le prochain épisode.


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