Le bike polo est un sport de rue encore très méconnu. Photo : Ugo Moret
« Polo ! ». Lancé par l’arbitre, le mot signe le début d’un match de polo à vélo. Les deux équipes, composées de trois membres chacune – gardien compris- se font face sur le terrain goudronné. Balle au centre, le premier qui tape dedans attaque, le but est d’envoyer la balle (de la taille d’une orange) dans les cages adverses.
Comme son nom l’indique, le bike polo, c’est du polo, mais à vélo. La pratique est centenaire. Elle est revenue à la mode dans les années 2000 aux États-Unis et plus récemment sur le vieux continent. Ils sont 300 en France à le pratiquer. À Lyon, une vingtaine de courageux exercent ce sport, et ils sont plutôt bons.
L’an dernier, un lyonnais a participé au championnat du monde. Morgan, 24 ans et son équipe « The Bisons » complétée par des toulousains, en ont fait partie. Cette année, avec une équipe 100% lyonnaise, l’ambition est grande :
« Cette année on voudrait être dans les 3 premiers des championnats de France, 10 premiers d’Europe et 15 premiers du monde. »
Morgan a découvert le bike polo par hasard. A l’époque, on recensait seulement 6 joueurs à Lyon, et ils s’entraînaient derrière une ancienne usine. De simple divertissement, l’activité est passée au rang de sport. Les lyonnais ont créé l’association « Lyon Bike Polo » pour bénéficier d’horaires d’entrainements auprès de la mairie. C’est sur le terrain de hockey sur goudron du stade Grégory Coupet qu’ils font leurs armes.
Plus biker que hipster
Le commun des mortels confond souvent fixie et bike polo. En réalité, si les deux pratiques ont le vélo comme point de rencontre, c’est à peu près tout. N’allez pas confondre les hipsters en fixie et les sportifs en bike polo, ces derniers le prendraient très mal.
Morgan en pleine partie, un dimanche après-midi. Photo : Ugo Moret
Le fixie est le nom donné aux vélos à pignon fixe et souvent sans frein (pour les plus fous en tout cas) alors que le bike polo est un sport, et les règles concernant le vélo sont plutôt libres :
« On a tous commencé en pignon fixe, sans frein. J’étais moi même féru du breakless pendant trois ans et un jour j’ai craqué. Certains nouveaux arrivent encore comme ça, mais c’est pas pratique du tout. En bike polo tu peux venir avec n’importe quoi, partir d’un vélo simple qui t’a rien couté. »
Presque entièrement tatoué, avec écarteurs dans les lobes d’oreilles, Morgan est plus proche du biker que du hispter. Son tatouage « Lyon Bike Polo » sonnerait presque comme une appartenance à un gang. Mais plutôt du genre gentil gang, où se côtoient des végétaliens, des fêtards et sportif. Un straight edge même, Morgan en l’occurrence.
Toute cette petite communauté se réunie trois fois par semaine autour de la grand messe du bike polo. Leur Dieu à eux se nomme « fun ». « Pas de prise de tête », un respect plus ou moins grand des règles de leur sport en entrainement et « une bonne ambiance avant tout ».
Sans foi ni loi, ou presque
Il n’existe pas de fédération nationale de bike polo. Même si la fédération française de cyclisme a proposé à ses pratiquants de les rejoindre, les bikers ont décliné l’invitation. Sans foi ni loi, ils préfèrent avoir leurs propres règles. Leur peur, c’est que leur sport devienne beaucoup moins accessible qu’il l’est à l’heure actuelle.
« Se rallier à la fédération, ça allait nous apporter plus de contraintes qu’autre chose, au niveau des équipements, des règlementations, avec pas grand-chose en retour. On se débrouille très bien sans eux. »
Les joueurs préfèrent organiser leurs propres tournois. Une ligue Rhônalpine s’est créée il y a un an et demi, pour les joueurs qui n’ont pas forcément le temps ou les moyens de faire des tournois à travers l’Europe. Le modèle a été repris dans le sud ouest avec la Ligue du Soleil.
Morgan s’apprête à shooter bien fort dans la balle. Photo : Ugo Moret
Mais sans fédé, tout (déplacements, matériels…) se fait avec le budget personnel de chaque joueur.
« Mon salaire est partagé entre mon loyer et le polo. Je suis en train d’économiser l’argent pour faire tous les prochains tournois. »
Et son salaire, il l’obtient… en pédalant sur un vélo. Dans la vie, Morgan est coursier à vélo. Entre son métier et sa passion, le jeune homme passe dont littéralement sa vie sur son deux roues.
Les bikers endossent également le rôle de mécanicien. Tout ou presque est fait maison dans le bike polo, les pratiquants prennent des pièces ici et là pour former leur équipement. L’entraide est de mise, les grands équipementiers n’étant pas encore très présent sur le crédo. Les gants et le casque viennent par exemple du hockey. C’est aussi ce qui fait le charme de ce sport pour ceux qui le pratique.
L’expansion ? Oui mais pas trop
Chaque sportif veut voir son sport se développer. Mais au bike polo, ce n’est pas la première des préoccupations. Sans prof pour donner des cours et sans infrastructures particulières, l’association lyonnaise aura du mal à voir arriver trop de nouveaux.
« Si on est trop, et que tout le monde vient d’un coup, je pense qu’il va falloir que les infrastructures suivent. Déjà, quand on est plus de 20, faut que tu attendes trois quarts d’heure pour faire un match. En plus il n’y a personne qui cadre les entraînements, on s’occupe de nous-mêmes. »
Et qui dit développement dit organisation. Jusqu’à l’an dernier, les tournois européens étaient souvent dépourvus de qualifications. Premier arrivé premier servi, les places étaient comptées et de nombreuses équipes se retrouvaient sur le carreau. Autrement dit, si développement il y a, ce sport tendra à se standardiser. Nul doute que les bikers préfèrent jouer entre potes, sans fédération, mais avec la joyeuse anarchie qui en découle.
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