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Cancer ou leucémie ? La roulette russe des pesticides

Les agriculteurs, premières victimes des pesticides

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« En France, quatre cultures (céréales à paille, maïs, colza et
vigne) utilisent près de 80% des quantités de pesticides pour
moins de 40% de la surface agricole utile. »

Parmi elles, une grande gagnante : « La vigne, qui représente moins de 3% de la surface agricole utile, consomme environ 20% des pesticides. »

Ces chiffres, c’est l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) qui nous les rappelle, dans le cadre de la publication d’un long rapport d’expertise – s’appuyant sur 30 années de recherches internationales – dont l’enjeu est de démontrer les liens existants entre exposition aux pesticides et pathologies lourdes.

La liste des maladies susceptibles d’avoir pour cause une exposition aux pesticides – Alzheimer, Parkinson, cancers, leucémies, dépression… – est ainsi détaillée sur plusieurs dizaines de pages. Les expositions prénatales ou au cours de la petite enfance sont également jugées « particulièrement à risques ».

En outre, les experts de l’Inserm déplorent que les informations sur la composition des pesticides commerciaux, notamment sur les adjuvants, « restent confidentielles car protégées par le secret industriel ».

 

Population la plus exposée, les agriculteurs – au premier rang desquels on trouve les viticulteurs – sont prioritairement concernés par les conclusions de ce rapport .

D’autant que « plusieurs études ont montré que l’usage des équipements de protection individuelle ne garantit pas une protection absolue de l’opérateur ».

De fait, le différentiel de risques entre ces professionnels manipulant des pesticides, ou exerçant à proximité de surfaces traitées, et le reste de la population a priori moins exposée, est souvent très significatif.

Dans son étude, l’Inserm détaille ainsi cet « excès de risque » pour de nombreuses pathologies, l’une après l’autre :

  • Cancer de la prostate

« Trois méta-analyses ont montré un excès de risque significatif de survenue de cancer de la prostate, estimé entre 7 et 12 % dans les populations rurales ou agricoles par rapport à la population générale. »

Cet excès grimpe jusqu’à 28 % pour les « populations effectivement exposées aux pesticides dans un contexte professionnel ».

  • Leucémies

« Entre 1992 et 2009, sept méta-analyses ont été publiées, incluant entre 5 à 30 enquêtes épidémiologiques publiées entre 1979 et 2005. Les sept méta-analyses ont rapporté une augmentation du risque de survenue de leucémies allant de 7 % à 43 % chez les professionnels exposés aux pesticides comparé à la population générale. »

  • Lymphomes non-hodgkiniens (LNH)

« Sept méta-analyses (publiées entre 1992 et 2009, incluant 6 à 47 études publiées entre 1980 et 2005) ont rapporté une augmentation du risque de survenue de LNH (lymphomes non-hodgkiniens) allant de 3 % à 98 % chez les professionnels exposés aux pesticides comparés à la population générale. »

  • Maladie d’Alzheimer

« L’excès de risque est de 40 % à 50 % pour les pesticides en général. »

  • Maladie de Hodgkin

« Les résultats des méta-analyses soulignent tous un excès de risque de survenue de maladie de Hodgkin allant de 9 % à 25 % chez les professionnels exposés aux pesticides comparés à la population générale. »

  • Maladie de Parkinson :

« D’après une méta-analyse , le risque de maladie de Parkinson était 1,62 fois plus élevé chez les personnes exposées aux pesticides au cours de leur vie, ce qui correspond à un excès de risque significatif de 62 %. »

  • Mélanomes :

« Une méta-analyse publiée en 1992 montrait un excès significatif de risque de 15 % chez les agriculteurs. »

  • Myélome multiple ou maladie de Kahler

« Les méta-analyses montrent une augmentation de risque de survenue de myélomes multiples allant de 9 % à 39 % chez les professionnels exposés aux pesticides comparés à la population générale ».

  • Sclérose latérale amyotrophique (SLA) :

« Deux méta-analyses récentes, ayant utilisé des méthodes différentes, sont disponibles et retrouvent une association entre l’exposition aux pesticides et la SLA ; l’une d’entre elles estimait un excès de risque significatif de 80 % (homme et femmes confondus) tandis que l’autre rapportait un excès de risque de 88 % chez les hommes et de 31 % chez les femmes. »

  • Troubles cognitifs

« Quatre cohortes prospectives incluant plusieurs centaines de personnes, et réalisant un suivi de plusieurs années ont été mises en place dans divers contextes agricoles. Elles ont permis d’étudier de manière longitudinale des effets à plus long terme, notamment en Gironde auprès d’ouvriers viticoles. Trois d’entre elles (Pays-Bas, France, Nicaragua) ont mis en évidence des dégradations des performances cognitives au cours du temps chez les personnes exposées aux pesticides. »

  • Troubles anxio-dépressifs et suicide

« L’étude la plus importante, menée dans le Colorado auprès de plus de 800 personnes, mettait en évidence un doublement du risque de dépression en lien avec l’exposition aux pesticides, même lorsque d’autres facteurs de risque étaient pris en compte, telles que les difficultés financières. »

Plusieurs études suggèrent d’ailleurs « un lien possible entre les expositions aux pesticides et les tentatives de suicide, sans qu’il soit réellement possible à partir des données existantes de distinguer le rôle spécifique des pesticides de celui d’autres facteurs présents en milieu agricole ».

Cette éventualité « pourrait, dans une certaine mesure, contribuer à expliquer les excès de suicide en milieu agricole observés dans de nombreux pays ». En France, les agriculteurs sont trois fois plus touchés par le suicide que le reste de la population.

  • Tumeur cérébrale

« Une étude écologique a également été menée concernant les expositions professionnelles aux pesticides en France fondée sur les données du recensement agricole et a mis en évidence une élévation du risque de 11 % statistiquement significative pour les expositions viticoles. »

Quant aux chiffres concernant les femmes enceintes et la petite enfance, ils sont sans appel : avant la naissance, 37 % d’excès de risque de morts fœtales, 36 % de malformations congénitales, et de 60 % à plus de 100 % d’excès de risque de leucémie en cas d’exposition de la mère.

Après la naissance, « un accroissement significatif du risque de leucémie chez l’enfant de 38 % est également associé à l’exposition pendant l’enfance aux pesticides en général, et il est plus important (61 %) lors d’une exposition aux insecticides ».

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