Par Laurent Burlet et Ugo Moret
Il y a un mois, il y avait eu une conférence de presse. Ce jeudi, les prostituées du quartier de Gerland ont manifesté jusqu’à la préfecture du Rhône.
Même cause, même discours. Depuis la fin du mois de mars, les opérations de police se multiplient pour faire appliquer les arrêtés municipaux qui interdisent le stationnement des camionnettes de prostituées dans les zones industrielles du quartier de Gerland depuis 2008.
Conséquence : « on ne peut plus travailler », constate Anna, une prostituée italienne de 37 ans :
« La police passe plusieurs fois par semaine, voire plusieurs fois par jour. Avant, je faisais trente clients. Maintenant, je n’en fais que cinq quand je peux garer ma camionnette. Et en plus, je dois payer les PV et la fourrière ».
Des prostituées venues d’Espagne, où « c’est la crise »
Comme Anna, toutes les prostituées cachaient leur visage d’un masque blanc ou d’un foulard. Non pas pour camoufler des intentions émeutières, mais tout simplement pour ne pas être reconnues par des proches qui regarderaient les vidéos.
Parmi celles-ci, il y a Maria qui travaillait dans un hôtel comme femme de ménage, à Madrid. Depuis trois ans, elle se prostitue dans une camionnette, à Lyon.
La grande majorité des personnes à s’être mobilisées sont d’origine équato-guinéenne et s’expriment en espagnol. Elles sont nombreuses à être arrivées à Gerland ces quatre dernières années, car, disent-elles, « en Espagne, c’est la crise ».
Avant de partir en cortège, l’une d’entre elles a lu un texte au mégaphone, traduit par une médiatrice de Cabiria, association de santé communautaire auprès des prostituées :
« Nous payons pour nos fourgons l’assurance, le contrôle technique et la carte grise. Pourquoi n’avons nous pas le droit de stationner ? Si nous n’avons pas le droit de nous garer là, pourquoi ne nous disent-ils pas où nous pouvons aller pour déranger personne ? La fourrière et la police sont des proxénètes. Nous travaillons et ils prennent l’argent ».
« On va sur les routes nationales, on se fait aussi chasser »
Manif des prostituées lyonnaises, le 29 mai. Photo : Ugo Moret / Rue89Lyon
Face à l’avalanche de PV et de mises en fourrière, certaines ont essayé de s’installer sur les routes nationales. Bien qu’il n’y ait pas d’arrêtés municipaux, « la gendarmerie nous chassent » affirme Evelyne, une prostituée « historique » de Lyon.
Alors les filles de Gerland essaient malgré tout d’installer leur camionnette plus tard le soir ou plus tôt en journée quand elles pensent que la police et la fourrière ne passeront pas. Anna préfère s’installer en journée dans une nouvelle zone industrielle, à proximité de l’entreprise Genzyme, filiale de Sanofi-Aventis :
« La nuit, je me suis déjà faite agresser au couteau. Nous ne sommes que quinze camionnettes. Nous ne gênons pas avec ce nombre là ».
La mairie tient le discours inverse. La direction de la sécurité de la Ville de Lyon justifie ces « opérations musclées » par un « seuil de tolérance qui a été dépassé » sur certains secteurs, notamment à proximité de cette filiale de Sanofi-Aventis.
Jusqu’à présent, la mairie n’a toujours pas reçu de délégation de prostituées ou l’association Cabiria qui les soutient, désormais appuyées par le Planning familial 69 et Médecins du Monde.
Ces associations s’inquiètent notamment de « l’augmentation des risques sanitaires et des violences » que cette « répression peut engendrer, en renvoyant les personnes dans une situation de clandestinité ». Alors que, précisent ces associations dans un communiqué, « la prostitution n’est pas illégale ». A Lyon, par les temps qui courent, il vaut mieux le préciser.
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