difficile de vraiment regretter le passage de la Formule 1 de TF1 à Canal+. Vous avez raté un épisode ? Soyons bref : pour la modique somme de 29 millions d’euros, la chaine cryptée vient de rafler la diffusion des Grand-Prix de Formule 1 à TF1, qui les diffusait depuis des temps immémoriaux. Désormais, à moins d’être abonné, finies les siestes dominicales, bercé au vrombissement des bolides. Finis les commentaires excités d’un Christophe Malbranque tentant désespérément de captiver les téléspectateurs jusqu’au dernier tour en s’enflammant au plus petit nuage de fumée suspecte sortant d’un pot d’échappement, susceptible d’annoncer un abandon dans les derniers mètres et de relancer l’intérêt.
Vitrine cassée
Paradoxalement, bien que populaire en termes d’audience, la Formule 1 ne jouit plus d’une très bonne réputation en France. Un sport de milliardaires qui polluent l’atmosphère avec leurs moteurs, c’est à peu près l’image que la discipline s’est forgée depuis quelques années. On préfère de loin d’autres milliardaires, ceux qui tapent dans des ballons, et cette année encore, la France sera privée de son épreuve nationale pour un ensemble de raisons auxquelles l’autophobie qui règne dans le pays n’est pas étrangère. Jadis considérée comme un moyen d’indépendance et d’évasion, l’automobile est désormais vouée aux gémonies, notamment par les écologistes qui la verraient bien chassée à tout jamais de nos villes, de nos campagnes et de nos écrans de télévision.
Qu’ils se réjouissent, car avec le passage de la F1 chez Canal+, le processus est engagé. Tout comme la Ligue 1 de football a perdu un grand nombre de ses téléspectateurs lorsqu’elle fut acquise par la chaine cryptée, nul doute que la Formule 1 morflera de la même façon. Car comme tous les autres sports, la F1 a besoin de sponsors. Or ces derniers, déjà hésitant à investir en temps de crise, n’avaient pas besoin qu’on leur supprime leur principale vitrine : la diffusion des Grand-Prix sur la plus grande chaine de télévision européenne, TF1. Après Peugeot qui s’est retiré des courses d’endurance et notamment des 24 Heures du Mans, Renault, très présent en Formule 1, pourrait lever le pied et réduire par exemple son soutien aux jeunes pilotes français.
Routine
Ayant beaucoup souffert de la suprématie routinière de certains pilotes et de certaines écuries (notamment Schumacher, champion du monde 5 fois de suite de 2000 à 2004, et Ferrari, Champion du monde 6 fois de suite de 1999 à 2004), la Formule 1 a néanmoins gardé des taux d’audiences suffisants pour que TF1 s’y accroche jusqu’à cette année, mais dans de nombreux foyers, on entendait moins les moteurs que les ronflements de spectateurs nostalgiques des années Prost, Senna, Mansell, Hill, Villeneuve et autres Piquet.
Des règlements incompréhensibles qui changent chaque année pour créer vainement davantage de suspense, des courses d’une affolante monotonie que seuls les caprices de la météo et quelques circuits citadins parvenaient à épicer… Sans aller jusqu’à donner raison à ses détracteurs qui réduisent un peu vite la F1 au spectacle de 22 voitures tournant bêtement autour d’un circuit (feignant d’oublier qu’on pourrait réduire le football au spectacle de 22 bonshommes courant bêtement derrière un ballon), il fallait véritablement être un mordu de Formule 1 pour suivre ces dernières saisons.
Même si cette année, quatre pilotes français s’aligneront, avec des fortunes très diverses, au départ des 19 courses, la F1 va peu à peu sortir du Paysage Audiovisuel Français. Moins de vroum dans le PAF, c’est embêtant pour ceux qui en vivent, mais pour le public, qu’en est-il ?
Deux heures de plus
Pour les quelques millions de téléspectateurs qui suivaient les Grand-Prix sur TF1 mais que ça ne passionne pas au point de s’offrir l’abonnement à Canal+ (ou qui le souhaiteraient mais n’en ont pas les moyens), ce seront deux heures de gagnées chaque week-end de course, lorsqu’au lieu de se coller devant le départ à 14h00, ils resteront plus longtemps à table avec leurs amis ou leur famille, ou partiront se balader plus tôt, iront au cinéma, ouvriront un livre, joueront avec le chien…etc. Pour les adeptes purs et durs, ceux qui identifient les pilotes aux couleurs de leur casque, ce sera plus long et plus douloureux mais ils y parviendront. Et si le manque est trop cruel, reste l’abonnement à Canal.
On pourrait s’inquiéter pour l’avenir et se demander s’il ne faudra pas bientôt systématiquement mettre la main à la poche pour regarder du sport à la télévision. Oui, on pourrait. Mais comment ne pas se réjouir devant tout ce qui éloigne le pékin de son poste de télévision le dimanche après-midi ?
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