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Actualités, enquêtes à Lyon et dans la région

Comment je suis devenu résistant en 1943… sur smartphone

APPLI / Appelez-moi Bran. Mon nom de guerre est tout ce que vous avez à savoir de moi. Je suis allé ce matin récupérer des faux-papiers au 28 cours Lafayette… Voyages en Résistances, conçu comme un 

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web-documentaire historique, fait vivre les deux ans qu’a duré l’occupation de Lyon par les nazis, en solo comme en réseau.

Les résistants FTP du groupe Carmagnol

Il m’a fallu une bonne dose d’efforts pour me lever ce matin, et aller sous la neige à la planque où l’on imprime clandestinement le prochain exemplaire de Combat. Je me suis ensuite rendu à Perrache, pour livrer les documents à mon agent de liaison. Ma mission accomplie, je regarde un instant passer les trains qui, il y a quelques jours, ont encore emmené vers l’Allemagne 178 travailleurs français pour le service du Travail Obligatoire. La neige tombe dru, et je rase les murs alors qu’un peu partout fleurissent comme autant de mauvaises herbes les locaux de la milice, créée il y a à peine plus d’un mois, le 6 janvier 1943. Dans ma poche, un tract un peu trop compromettant appelle à la révolte des jeunes ouvriers de France…

 

Être un résistant au jour le jour

Voilà un scénario typique que l’on peut trouver dans Voyages en Résistances, web-documentaire gratuit, dont Rue89Lyon est partenaire, développé par Petit Homme production, avec le CHRD de Lyon, le CNC, la fondation CARAC et la ville de Lyon. Lancé le 11 novembre 2012, date anniversaire du début de l’occupation lyonnaise, l’application invite à revivre l’histoire dans ce qu’elle a de plus quotidien. Pour Fabien Collini, directeur de Petit Homme production, le jeu a une réelle portée éducative.

« Ce qu’on a cherché à faire, c’est replacer la résistance dans l’espace et dans le temps. Montrer ce que ça faisait d’être un résistant au jour le jour. »

L’idée est bien de vivre l’histoire en temps réel, avec exactement 70 ans d’écart. Si nous sommes aujourd’hui le 15 février 2013, l’application affiche donc les actualités du 15 février 1943. Le webdoc continuera ainsi jusqu’à 4 septembre 2014, date anniversaire de la libération de la ville.

Au moment de l’inscription, le joueur se voit attribuer une nouvelle identité. Votre rédacteur s’appelle ainsi Mehdi Sarunin, agent de liaison tout juste recruté sous le nom de code Bran. Militaire de profession, je suis quand même un peu plus vieux que dans la « vraie vie », puisque, apparemment, né en 1897. Et j’ai même droit à un signalement anthropométrique sur ma carte d’identité sépia, dans le plus pur style des modèles délivrés à l’époque par Vichy.

« Certaines fiches d’identité précisent même le statut de juif. Cette partie sert aussi à rappeler qu’à l’époque, les papiers officiels précisaient ce genre de choses. C’est aussi une manière de rappeler et de mettre en garde contre ces idéologies. »


 

Flasher les QR codes ou se géolocaliser

Chaque jour, le joueur se voit proposer une nouvelle mission. La géolocalisation indique les points de rendez-vous pour « récupérer » virtuellement du matériel. Une fois sur place, il suffit ensuite de flasher un QR code, ou de signaler son positionnement par géolocalisation pour récupérer les documents. Se déplacer, se rendre dans des endroits précis, pour mieux appréhender ce que pouvait être le quotidien d’un « homme de l’ombre ».

« Pour certaines missions, il faut rentrer dans des magasins ou des pharmacies pour demander le QR code à scanner. De cette façon on a essayé de recréer une petite sensation de risque. Bon, toute relative par rapport à ce que vivaient les résistants tout de même. Eux, ils risquaient leur vie. »

 

« Il faut dire métropolitain et non pas Pétain mollit trop »

Des « flashs infos », réactualisés chaque jour, informent des événements importants (prise de Stalingrad) ou de la vie quotidienne (une bombe a fait exploser une auto allemande), en adoptant parfois le ton de la rumeur (des explosions auraient eu lieu vers Brotteaux). Des événements tout à fait authentiques, tous référencés et sourcés. Mention spéciale pour les authentiques messages de Radio Londres : « il n’y a plus de tabac dans la tabatière », « le Beaujolais a un fond d’amertume, deux fois… » et autres « il faut dire métropolitain et non pas Pétain mollit trop ».

Voyages en résistances from Petit Homme production on Vimeo.

 

Quand le Serious game redonne des couleurs au sépia

Certes, l’immersion reste limitée, pour une raison simple : vous vous baladez avec un smartphone. Et le seul vrai risque est de passer pour un demeuré en scrutant les façades des bâtiments pour trouver des QR codes (dont un certain nombre a déjà disparu). Mais l’application ne vise pas uniquement l’aspect ludique, le « serious game » reste un minimum « serious ». L’intérêt principal réside dans le sujet même du jeu : la guerre, l’occupation, sortie des livres d’histoire de Terminale. Pour Fabien Collini, le terme même de jeu semble inapproprié :

« Au départ c’est un documentaire,  sauf qu’on a voulu faire un document interactif. Ça a posé tout de suite de nouvelles problématiques, il est difficile d’intéresser les gens sur deux ans. Donc on a utilisé les ressources du « serious game ». Le jeu est plus une porte d’entrée qu’autre chose. »

En revivant la vie d’un résistant, en se familiarisant avec son univers, on redécouvre la ville de Lyon d’un autre œil. On découvre qu’un immeuble somme toute banal abritait, il n’y a finalement pas si longtemps que ça, des planques, des réunions…

Au 17 rue Duquesne, on apprend qu’au niveau de la fenêtre juste au dessus de la porte, se sont tenues les réunions de la Conférence Ampère. Des lycéens catholiques dont 50 des 800 membres sont « morts pour la France ». Moins connus que Jean Moulin, et pourtant. Sans plaque commémorative, le documentaire interactif nous emmène visiter tous les endroits référencés comme lieux de résistance.

Jusque là, l’initiative connaît un certain succès : entre 150 et 250 téléchargements de l’application par semaine selon Fabrice Collini, qui lance cette semaine la version 2 de Voyages en Résistances. Elle fait la part belle aux outils de géolocalisation, plus fiables que les QR codes trop souvent arrachés. Elle devrait également permettre de développer le mode « réseau » des missions. Vers la même époque, en France, les résistants aussi passaient des actions isolées aux grands mouvements unifiés.

 

Aller plus loin

Voyages en Résistances

 

 

 

 


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